mardi 19 mai 2020

Chronique littéraire : Martin Eden, de Jack London

Martin Eden, c’est l’histoire d’un parcours exceptionnel. Petit voyou miséreux, puis marin bagarreur, doté de courage, de charme, de franchise, Martin découvre un jour le monde bourgeois et tombe amoureux d’une jeune fille de la haute société. Il décide de jeter toutes ses forces dans l’étude, pour atteindre le niveau de celle qu’il aime et la conquérir. Dévore les ouvrages de la bibliothèque, se constitue une culture solide en tous domaines, élabore une philosophie personnelle, et une critique argumentée de la société.

Martin Eden, c’est aussi l’histoire de la création littéraire. Un jour, il se met à rédiger un essai, puis des poèmes, et découvre les joies de l’écriture. Une passion dévorante qu’il nourrit de ses lectures. Des heures, des mois, passés à écrire, dans une abstinence totale, d’où il émerge hagard, épuisé. Il survit misérablement. Envoie inlassablement des articles à des revues qui les refusent. Sa belle ne le comprend pas, elle rejette ses textes pourtant talentueux et novateurs, parce que violents, crus, réalistes, heurtant les règles étriquées des bien-pensants.

Martin Eden, c’est l’histoire de la société. Quand le succès arrive, tous ceux qui l’avaient rejeté, méprisé, ignoré, se pressent autour de lui. Il ne comprend pas ce revirement, il est le même homme, quand il écrivait son œuvre, dans des conditions misérables, personne ne l’a soutenu, encouragé. La société bourgeoise qu’il pensait éclairée révèle son vide intellectuel, sa soumission aux apparences. Il n’appartient plus à la société des pauvres, ni à la société des riches. Son malaise est total.  

Ce roman foisonnant, n’est pas autobiographique, mais se nourrit du vécu de Jack London, (1876-1916), écrivain et aventurier américain mondialement connu (auteur de Croc Blanc, L’appel de la forêt), décédé à 40 ans, après avoir flambé sa vie. La description de San Francisco dans les années 1900, les différentes couches de la société, les bagarres, l’alcool, l’appel du large, les affres de la lecture, de l’écriture, l’attente de la reconnaissance de son talent, la découverte du socialisme... tout cela, Jack London l’a connu.

Martin Eden est disponible en poche chez Folio Classique.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 14 mai.





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