mercredi 25 janvier 2023

Pont des Lônes, pont des Arts

Le pont des Lônes, qui enjambe le Rhône juste à côté du port de l’Epervière au sud de Valence, est devenu un spot de la création artistique contemporaine. Les graffs, ces dessins psychédéliques exécutés avec des bombes de peinture multicolores, ont envahi les parois des arches monumentales. Une expression libre sur la base du pont, gérée par un collectif de graffeurs valentinois, Sorry Graffiti, avec l’accord de la mairie de Soyons.

Ces graffeurs ne sont pas des amateurs, mais des professionnels, une vingtaine environ, qui vivent de leur art, en créant peintures murales sur commande dans des lieux publics ou privés. Le collectif Sorry Graffiti a ainsi réalisé des fresques à Cornas, Saint-Péray, Aouste-sur-Sye, Livron… L’un des membres actifs du groupe, Alone, a notamment réalisé une fresque pleine d’optimisme à l’hôpital pédiatrique, après avoir « enflammé » la caserne des pompiers de Loriol et égayé de postiers farceurs le siège de la poste centrale de Valence.

Le pont, c’est pour les artistes la possibilité de travailler ensemble, de rencontrer un public différent. Une galerie à ciel ouvert, en somme, où les œuvres sont recouvertes par d’autres œuvres au fil du temps. Cette saison le thème du chat est particulièrement développé. Certaines réalisations sont spectaculaires, d’autres plus modestes, car les professionnels ont laissé l’usage de la moitié des arches aux débutants.

Exposer leur travail, aider les jeunes passionnés à s’exprimer, organiser des événements festifs avec concert, théâtre, les graffeurs ne manquent pas de projets autour du pont des Lônes. Ils ont transformé la rive ardéchoise, derrière le MacDo de Soyons, en un lieu attractif. On y vient avec plaisir et à tout âge, à vélo, à pied, ou en voiture (parking Viarhôna sur la Voie bleue). Le chemin du Ruisseau conduit à ce musée en plein air, et permet de redécouvrir les lônes, ces bras morts du Rhône, un milieu naturel à l’aspect sauvage parfaitement cohérent avec cette forme d’expression artistique.


Article publié dans le JTT du jeudi 26 janvier 2023.

samedi 14 janvier 2023

Chronique littéraire : La Vallée, de Bernard Minier

C’est d’une vallée pyrénéenne qu’il s’agit. Une vallée coupée du monde par un éboulement, où la peur grandit lorsque des meurtres sordides y sont avérés. L’ex commandant Martin Servaz et la capitaine Irène Ziegler enquêtent, chacun à sa manière. Elle : directe et professionnelle. Lui, en conflit avec sa hiérarchie, fonctionne à l’intuition et au sentiment, d'autant que son ex-femme, Marianne, qu’il croyait morte, y est mêlée.

La présence d’une abbaye pleine de mystères dans ce coin perdu permet d’ajouter une dimension spirituelle aux préoccupations des hommes. Les rebondissements successifs, le manque d’indices, la montée de l’angoisse déroutent les habitants, conduisant à un affrontement inévitable avec les autorités.

Bernard Minier, né en 1960 à Béziers, est un maître du polar français. L’intrigue est haletante, le décor oppressant, le dénouement surprenant, mais c’est surtout l’analyse des caractères des personnages, leurs pensées, leurs sentiments, leurs failles, qui fait avancer l’enquête. L’occasion d’une réflexion plus générale sur la société actuelle, les problèmes d’addiction des ados, le marasme dans la police, la montée de la violence dans la population.

Un thriller captivant, à savourer au coin du feu, un jour de brume dans la vallée…

« La vallée » est disponible en poche chez Pocket.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 9 janvier 2023.

dimanche 8 janvier 2023

Théophile-Jean Delaye, explorateur et topographe drômois

Théophile-Jean Delaye est né à Valence en 1896 et décédé à Saint-Donat en 1970. Mais entre-temps, ce Drômois a traversé trois guerres, arpenté et cartographié la France et le Maghreb. Une vie trépidante, une oeuvre géographique et esthétique majeure, que le musée de Valence invite à découvrir par une superbe exposition.

Après le décès de son père, employé des postes, la famille s’installe à Tournon en 1911. C’est au lycée que Théophile-Jean s’initie aux beaux-arts sous la houlette du peintre Jules Hudry. En 1913 il participe aux premiers camps d’éclaireurs tournonnais en tant qu’instructeur et découvre ainsi les Alpes. Sa passion pour la montagne, le massif des Ecrins en particulier, l’accompagnera toute sa vie. En 1914, Delaye s’engage comme volontaire dans les Chasseurs alpins. Blessé à trois reprises, il termine la guerre comme lieutenant.

Le conflit a mis en évidence la nécessité de données cartographiques, et Delaye entre dans le service géographique de l’armée. Il fera toute sa carrière comme topographe militaire, d’abord en France, puis en Tunisie, Algérie, et dès 1925, lors de la guerre de colonisation du Maroc. Il s’agit alors de dresser des cartes précises des régions pacifiées et dissidentes. Delaye sillonne les reliefs à pied, à cheval, parfois à plus de 3000m, dans des zones périlleuses, pour faire ses relevés. Suivant les traces de son illustre prédécesseur, Charles de Foucault, à qui il rend hommage, il explore et cartographie les régions centrales du Maroc. Théoricien de la reconnaissance aérienne, pour appuyer son travail, Delaye ajoute aussi à ses cartes des représentations expressives très réalistes des reliefs, ainsi que des gouaches représentant la vie quotidienne des villages traversés, qui sont de véritables œuvres d’art.

Pendant ses permissions, il parcourt infatigablement les Alpes, se faisant arpenteur civil du massif de l’Oisans en particulier. Il croque la montagne sous toutes ses facettes. A partir de 1932 il collabore avec les éditions Arthaud, pour lesquelles il illustre de planches en couleur une collection de beaux livres : En Oisans, Chartreuse et Vercors, La Suisse romande, Toute la Provence … Avec Villes impériales du Maroc, il contribue fortement à la naissance du tourisme dans ce pays.

 Théophile-Jean Delaye n’est pas seulement un artiste prolifique et un scientifique exceptionnel, il aime transmettre. Après la seconde guerre mondiale, il devient en 1950 formateur au service géographique, s’implique dans la promotion des Clubs Alpins, œuvre à la préservation de sites trop fréquentés. En 1962, retraité à Saint-Donat, il contribue à la création du festival de musique J-S Bach, dont l’objectif est de rassembler les peuples pour éviter d’autres guerres.

Cette personnalité locale exceptionnelle était totalement méconnue dans sa région, alors que sa notoriété est internationale. Une injustice que le musée de Valence vient de réparer en lui consacrant une superbe exposition, accessible à tout public. Cartes géographiques d’une précision exceptionnelle, gouaches et dessins étonnants de naturel, c’est un régal pour les yeux.

« Théophile-Jean Delaye, un arpenteur du 20e siècle » est à voir au musée de Valence jusqu’au 26 février 2023.

Article publié dans le Jtt du jeudi 5 janvier 2023.

dimanche 1 janvier 2023

Succès international pour l’organiste tainois Maxime Heintz

Maxime Heintz anime à Tain les célébrations religieuses à l’orgue, et assure quelques concerts organisés par les Amis de l’orgue et du carillon en été. Mais c’est une infime partie de son talent. Au festival international d’orgue de Lituanie il a récemment enthousiasmé le public. Voici le commentaire publié après le concert de Konas par le directeur du théâtre : « Hier, en écoutant l'orgue retentissant de la cathédrale de Kaunas, ce n'était pas une partition, c'était de la musique, ce n'était pas un orgue, c'était un orchestre complet. Ce fut un moment d'éternité, inspiré par la virtuosité de Maxime Heintz».

La rencontre de Maxime avec l’orgue s’est faite dans la Drôme, à l’abbaye d’Aiguebelle, où son père était intendant. L’enfant qu’il était a senti immédiatement que ce serait sa passion. Premiers cours à Montélimar, puis conservatoires de Marseille, de Lyon, avec les meilleurs professeurs. Après une médaille d’or, et des participations à divers concours internationaux, il se produit en Suisse, Hollande, Allemagne … Des publics différents, des orgues de facture et de sonorité différentes.

Car l’orgue est un instrument très complexe, dont l’évolution a suivi celle des techniques. Au 4e siècle avant J.-C., il existait déjà un instrument où l’on soufflait dans des tuyaux remplis d’eau ! Au fil des siècles et des progrès, il est devenu ce majestueux instrument à vent, avec sa soufflerie, ses différents tuyaux, claviers, pédales. Au 17e et 18e siècles, la musique d’orgue connaît son apogée, grâce à des compositeurs baroques ou classiques prestigieux comme Jean-Sébastien Bach. Des instruments sont construits dans tous les pays d’Europe, chacun avec sa propre personnalité. Puis la musique d’orgue est délaissée au profit de l’orchestre symphonique. C’est au 19e qu’on recommence à construire de nouvelles orgues plus performantes, adaptées à la musique romantique. Ainsi on ne joue pas n’importe quelle musique sur n’importe quel orgue, il faut adapter son programme de concert à l’instrument.

En Lituanie, Maxime a enchanté le public avec des œuvres de Bach, Mendelssohn, Franck, Liszt. Ses compositeurs préférés, qu’il propose régulièrement en concert à Grignan, dans la collégiale de ses débuts, à Valence, Saint-Donat, Romans, Lyon, Paris…  Reconnu dans le monde des organistes, il a dû néanmoins s’assurer un emploi pour vivre, et c’est ainsi que depuis 8 ans, il travaille à Tain dans le funéraire. Musicien discret et talentueux, il ne cherche pas plus la gloire que son maître J.-S. Bach, qui malgré son immense influence est toujours resté au service de petites cours princières. Comme lui, la passion de la musique l’anime, et il veut rester libre. De travailler l’orgue ou le piano des nuits entières, accompagner des chanteurs lyriques ou des chœurs, jouer en solo ou en duo … Mais toujours enchanter le public lors de ses concerts. 

Article publié dans le JTT du jeudi 29 décembre 2022 et dans la Tribune de Montélimar.