La Camargue, entre les deux bras du Rhône, offre des
paysages où s’entremêlent l’eau et la terre. Dans cette nature sauvage
infiniment plate, chevaux blancs, taureaux noirs, flamants roses vivent en
liberté. La présence de l’homme, en dehors de quelques mas isolés, n’est
visible que par la mise en valeur du territoire entre salines, rizières et
vignobles. Pour découvrir cette réserve naturelle et apprécier ses
trésors, rien de mieux que le vélo. Il permet d’approcher la faune et la flore
locales par les chemins buissonniers. De s’arrêter sans problème pour faire
des photos, respirer l’air iodé et ressentir pleinement la nature. Sans être sportifs, mais simplement avec l’envie de flâner,
nous avons opté pour un tour de Camargue en trois étapes de 50 km environ
chacune. En faisant étape chaque soir dans une ville intéressante à visiter. De
Arles aux Saintes-Maries-de-la-Mer, des Saintes-Maries à Aigues-Mortes et de
Aigues-Mortes à Arles, voilà le programme de notre virée à vélo.
Au matin, à Arles, nous laissons la voiture, et
réceptionnons les vélos loués par internet. De bons VTC munis de grandes
sacoches, d’un porte-carte au guidon, d’un kit de réparation, d’un casque, d’un
antivol. Vite essayés, vite adoptés, quelques longueurs au bord du Rhône nous
familiarisent avec les 27 vitesses. Le fort mistral de la veille s’est mué en
légère brise, c’est un bon début. Nous chargeons le pique-nique, les bouteilles
d’eau, quelques bagages, et c’est parti. Une piste cyclable parallèle à la voie
express permet de traverser le grand pont sur le Rhône et de quitter rapidement
la ville par une départementale.
La carte et les indications fournies sont claires, le
changement d’ambiance est immédiat : Tout est plat et paisible, on sent la
présence de l’eau avant de la voir, par des haies de roseaux, de bambous, de
joncs. Les cigales et les passereaux rivalisent de trilles. Des mas
apparaissent fugitivement derrière des haies frissonnantes sous le vent.
Quelques champs de tournesols éclatants. Et soudain, l’infini du ciel se
reflète dans l’eau, le paysage immuable n’est plus animé que par le vol des
flamants roses et des mouettes. La réserve naturelle se déploie devant nos
yeux.
Nous longeons l’immense étang de Vaccarès, les couleurs,
comme l’eau et la terre, se mélangent. Une véritable palette de peintre, l’eau
bleue devient verte, violette, le sable blanc passe au jaune, devient orangé,
puis marron. Eau et sable s’épousent puis s’éloignent, dessinant des méandres,
laissant derrière eux des flaques où toutes sortes d’échassiers cherchent leur
nourriture, grues, aigrettes, flamants, vite effarouchés par le clic des
photos. Les moucherons et moustiques sont moins farouches, ils nous entourent
dès qu’on s’arrête. Impossible de sortir les provisions.
Après une trentaine de kilomètres, nous arrivons sur la
Digue de la mer. C’est une piste infinie réservée aux cyclistes et randonneurs,
interdite aux véhicules, qui s’étend devant nous. A l’horizon un phare nous
sert de repère, nous voulons y arriver pour la pause. Plus il se rapproche,
plus on oublie notre fatigue. Le soleil est ardent, un vent irrégulier vient de
la mer, seuls quelques tamaris isolés procurent un peu d’ombre. Un écosystème différent
nous entoure : la sansouire, entre sable et eau, où se développe une
végétation de buissons spécifiques aux étangs salés. Enfin nous atteignons le
phare de la Gacholle à 13 h, après une quarantaine de km parcourus. C’est
l’endroit idéal pour pique-niquer.
Nous repartons reposés et confiants, il ne reste plus que 12
km à parcourir ! La fatigue commence à se faire sentir, le soleil tape
dur, le chemin est par endroits recouvert de sable, il faut mettre pied à
terre, pousser le vélo qui s’y enfonce. La mer que nous apercevons au loin,
derrière une étendue infinie de sable, de dunes, nous fait envie, mais il
faudrait pousser trop loin le vélo pour l’atteindre. Nous attendrons la plage
des Saintes-Maries pour en profiter. Encore 6 km, mon VTT me semble incroyablement
lourd à traîner et je m’aperçois que le pneu arrière est dégonflé.
Heureusement, grâce au kit réparation, c’est vite regonflé.
Avec les derniers kilomètres, la civilisation réapparaît,
humains, voitures, maisons, puis magasins, restaurants, et notre hôtel tout
près des arènes et de la mer. On laisse les vélos au garage, les bagages dans
la chambre, on enfile rapidement les maillots, il n’y a que la route à
traverser. Le sable est brûlant sous nos pieds nus. La mer scintille,
prometteuse, hélas très fraîche, car le mistral de la semaine dernière l’a
refroidie. Peu importe, c’est idéal pour se régénérer… 54 km de vélo, environ 5
h de trajet, je ne pensais pas en être capable !
Nous retrouvons l’énergie nécessaire pour parcourir ensuite
à pied les ruelles des Saintes-Maries-de-la-Mer, visiter son église-forteresse,
qui protège les reliques des Saintes Marie-Salomé et Marie-Jacobé, et sa crypte
dédiée à Sainte Sarah, patronne des Gitans. De superbes sculptures monumentales en ferronnerie illustrent le thème de la Camargue sur les places et le bord de mer :
taureau de corrida, gardian à cheval, bateau, flamants… Un petit port de
plaisance propose des promenades et de la pêche en mer. Quelques touristes
étrangers, mais pas de foule, même sur la plage.
Il nous reste à honorer la cuisine des Saintes-Maries.
Une adresse incontournable pour déguster la gardiane de taureau : La
Grange. Nos appétits sont à la mesure des km parcourus !
Article publié dans le JTT.
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