A l’occasion de la 30ème édition du festival international du film de Belfort, les
organisateurs ont joué aux cadavres exquis. Ils ont demandé aux trente
cinéastes qui ont fait la renommée d'Entrevues de choisir un film culte, à
partir de la dernière image d’un autre film. Jafar Panahi a choisi « Voyage
à Tokyo » de Yasujiro Uzo (1953).
Un film magnifique sur les liens familiaux, et leur
évolution au fil des âges. Deux personnes âgées font le voyage depuis leur campagne
jusqu’à la lointaine capitale, afin de revoir leurs enfants et petits-enfants
qui y vivent depuis des années. Après la joie des retrouvailles, ils
s’aperçoivent qu’aucun de leurs enfants, pris par leurs obligations, ne trouve
le temps de s’occuper d’eux. La narration est maîtrisée, elle suggère, précise, mais ne juge pas.
Le Japon est alors en pleine mutation, il se relève difficilement de la guerre . Précarité des emplois, logements minuscules, familles en
deuil. Le couple âgé se sent perdu dans la métropole, le décalage est trop
fort. Les rituels de politesse subsistent encore, mais le respect des anciens
comme la soumission des femmes s’effacent progressivement. Une vie trépidante
s’installe.
Ce qui surprend dans ce film, c’est la finesse de l’analyse
des relations, et leur actualité. Malgré le décalage de société, d’époque, de
lieu, les émotions passent. Le contexte japonais codifié, esthétique, leur
laisse toute la place. Ce
film de plus de deux heures, aux plans lents, permet de s’immerger totalement dans
la culture japonaise. Et d’observer les réactions universelles d’une famille
devant l’absence, la maladie, le travail, le deuil. Tout est dit sobrement, et rien n’a changé depuis 1953. Du grand art.
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