Une Via Ferrata, ça manque à mon
palmarès de casse-cou. Le canyoning en Corse, le parapente
en Drôme, l’hydrospeed en Savoie, c’était super. Maintenant je ne pourrais
plus… Mais peut-être qu’une Via Ferrata, je peux encore ?
Si je me pose la question, c’est
parce que cette semaine, je partage avec JP la charge de 3 nonagénaires dans une maison isolée de Haute-Loire, en pleine forêt. Une fois les
soins, repas, ménage, exécutés, il n’y a rien à faire à des km à la ronde. Sauf … la Via Ferrata des
Juscles, juscle à côté.
Je me renseigne chez le loueur de
matériel : vous pensez qu’à mon âge…
? Pas de problème ! Je cogite : s’il n’y a pas d’accompagnateur,
ça ne doit pas être difficile. Plutôt amusant. Puis j’entreprends de
convaincre JP, plus réservé que moi devant l’expédition. Si tu n'es pas là pour m’encourager, je n’y arriverai pas… Bref, nous voilà partis, avec
casques, baudriers, harnais, et de bonnes chaussures. Le lieu est superbe et
sauvage, de grandes failles dans une falaise de granit. Au pied du premier mur, j’ai
un doute, ça semble vraiment ardu. Mais je fanfaronne encore, le temps d’enfiler le
harnachement.
C’est quand je commence à grimper
le long de la paroi verticale, que je réalise le traquenard dans lequel je me
suis jetée. Impossible de reculer, et difficile d’avancer. Les muscles me
manquent pour me hisser. JP : Tu
vois, si tu avais qq kilos de moins … Les prises sont très espacées,
j'ai du mal à écarter mes jambes. Je m’agrippe au rocher, je me tire
à l’aide du filin. Et au pire moment, quand je domine le vide de 40m, il faut
changer les mousquetons de câble, et donc se lâcher d’une main. Vais-je tenir longtemps ?
Derrière moi, JP monte sans
effort et prend des photos. Premier replat, nous laissons passer des jeunes qui
nous ont rattrapés en plaisantant. J’envie leur forme, j’envie aussi leurs
gants, les articulations de mes doigts sont déjà écorchées. Tous mes muscles sont tendus, mes genoux gémissent. Et il faut continuer. Des prises, encore des
prises. Je suis prise.
Mais il n’y a pas qu’un souci
musculaire. Il faut aussi affronter les passages aménagés au-dessus du vide. Et
gérer son stress. Quand je mets un pied dans le premier, un filet, je n’ai pas
peur, c’est plutôt sécurisant, un filet. Mais quand j’y mets le deuxième, je m’enfonce,
et avancer devient aléatoire. Puis il faut passer sur une poutre, solidement
fixée, mais au-dessus du précipice. Traverser ensuite un pont de rondins, qui bouge, sans protection,
en s’accrochant simplement à deux filins très hauts. Le pire : Marcher sur
un fil au-dessus du vide, avec deux câbles pour sécurité. Epreuve sadique, je n’ose pas regarder, je respire un grand coup, j’y vais la
peur au ventre.
Changement de torture, il s’agit
maintenant de s’élever sur l’arête sommitale, à la force du poignet. Impossible
de placer deux pieds côte à côte, tant elle est aigue, avec deux belles faces verticales.
JP : Regarde le panorama, on voit tout
le Velay, ses puys et ses sucs ! Impossible. Je peux juscle me concentrer
sur la position de mes pieds, mes mains, mes mousquetons. Et le sommet, en
plein ciel, j’y arrive à quatre pattes. Un dernier obstacle nous attend : un pont de singe impressionnant qui retraverse la faille. Mais
avant d’atteindre la première lame, il faut redescendre, plaqué au rocher,
opérer un retournement périlleux, déplacer les mousquetons, et enjamber le
vide. C’est vertigineux, difficile, j’ai peur. JP : Ne lâche pas, sinon, tu resteras suspendue à ton harnais sans pouvoir
remonter ! Voilà qui me stimule, je me concentre sur chaque mouvement, et lame après
lame, j’atteins l’autre côté. Vivante, mais épuisée, suante, tremblante. Un
petit sentier escarpé nous ramène en bas. Ouf !
Conclusion: Une Via Ferrata, ce n’est plus de mon
âge !
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