jeudi 1 décembre 2022

La nouvelle grotte Cosquer à Marseille

24 000 ans avant notre ère, la Terre a vécu un épisode glaciaire important : une grande partie de l’hémisphère nord était sous la glace, la Provence connaissait un climat semblable à celui de l’Islande actuellement, et le niveau de la Méditerranée était descendu une centaine de mètres plus bas qu’aujourd’hui. Sur ces larges rives émergées, un peuple préhistorique de chasseurs-cueilleurs vivait entouré de bisons, pingouins, bouquetins … 

En 1985, Henri Cosquer, un plongeur expérimenté, qui aime explorer toutes les cavités sous-marines de la côte marseillaise, a repéré une entrée mystérieuse, 37 m sous la mer, au niveau de la calanque de Morgiu. Après plusieurs tentatives infructueuses, car cette entrée se poursuit par un conduit long et exigu, et un matériel spécifique, il arrive enfin à remonter toute l’étroite galerie sur 150 m, et débouche dans une salle hors d’eau, qu’il explore à la torche. C’est l’émerveillement : Partout sur les parois, des empreintes de mains, des animaux peints ou gravés, une mémoire intacte de la Préhistoire. Tout cela, inaccessible aux savants et au public.

En juin 2022, la réplique de la grotte Cosquer est inaugurée dans la Villa Méditerranée, à Marseille, à côté du Mucem. Une réalisation nécessaire, car la montée des eaux menace d’engloutir irrémédiablement les chefs-d’œuvre pariétaux. Comme pour la réplique de la grotte Chauvet, le résultat est d’un réalisme spectaculaire. Entièrement modélisée à partir de plans réalisés en 3D, puis ornée par des artistes experts, la restitution de la grotte est un choc visuel et esthétique, et grâce à une technologie ultra-sophistiquée, la visite se passe sous l’eau !

Après l’accueil-billetterie du rez-de-chaussée, les visiteurs descendent en ascenseur sous le niveau de la mer, où la station sous-marine les attend. Là, des modules d’exploration de 6 passagers se déplacent entre tunnels et salles ornées, respectant la configuration de la grotte Cosquer d’origine. Et le spectacle est fabuleux ! Sur l’argile des parois, les empreintes de mains d’adultes, d’enfants, datées de plus de 20 000 ans. Des dessins de chevaux, taureaux, morses, des scènes de chasse avec bisons, d’affrontement entre pingouins, apparaissent, tracés au charbon de bois ou gravés au silex, avec une grande dextérité. C’est l’émerveillement. Et au retour sur terre, une galerie au niveau supérieur présente ces animaux dans leurs impressionnantes dimensions ainsi que l’évolution de la grotte au fil des millénaires.

Les visiteurs ressortent de l’immersion dans ce chef-d’œuvre englouti éblouis et dubitatifs. Les hommes préhistoriques vivaient-ils dans la grotte ? Était-elle un lieu de réunion, de prière ? Comment la montée des eaux a-t-elle évolué avec le climat ? La région PACA, qui a financé ce projet avec préhistoriens, géologues, climatologues, architectes, plasticiens, scénographes mais aussi plongeurs, photographes et génies de la réalité virtuelle, ne fournit pas de réponse. Mais avec Cosquer, elle complète admirablement l’offre touristique et culturelle du Vieux port, entre Mucem et Fort Saint-Louis, en lui conférant une dimension patrimoniale à la fois paléolithique et avant-gardiste.

Article publié dans le JTT du jeudi 1 décembre.

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