samedi 27 novembre 2021

La Vache qui rit fête ses 100 ans !

Et à cette occasion, sa Maison-Musée, à Lons-le-Saunier (Jura), s’est refait une beauté. Architectes et scénographes ont concocté dans l’espace muséal qui lui est dédié un parcours à la hauteur de sa réputation. Car l’histoire de la Vache qui rit est une étonnante aventure, qui cumule l’histoire de la famille Bel et celle de l’émergence de la publicité.

Tout a commencé en 1865, lorsque Jules Bel s’installa dans un petit village du Jura pour créer sa société fromagère. Pendant 30 ans, il affina puis vendit des meules de gruyère et d’emmental. Puis, en 1898, ses fils Léon et Henri transférèrent la compagnie à Lons-le-Saunier, ville qui présentait deux avantages : la présence d’une ligne de chemin de fer et de salines, le sel étant nécessaire à la fabrication du fromage.

Léon, affecté pendant la guerre de 1914-1918 au ravitaillement des troupes, se rendit compte des difficultés de transport et de conservation des marchandises. L’emblème du train du ravitaillement était un bœuf hilare, surnommé la Wachkyrie, pour se moquer des Walkyries qui décoraient les trains allemands. Après la guerre, il apprit qu‘une famille suisse, les Graf, avait inventé une recette de fromage fondu pour écluser leurs nombreuses meules restantes. Léon Bel s’associa avec eux et lança en 1921 La Vache qui rit, une crème de gruyère d’abord vendue en boîtes métalliques. Une vache à quatre pattes, souvenir de guerre, décorait le couvercle. Le premier atelier de fabrication à Lons est devenu l’actuelle Maison de la Vache qui rit.

Le succès fut immédiat. En 1924, Léon changea le logo de la marque avec un dessin de l’artiste Benjamin Rabier, la fameuse tête de vache rouge aux boucles d’oreilles. En 1926, une usine moderne fut construite à Lons, qui produit encore le fameux fromage pour la France et une partie de l’Europe. Un service marketing, innovant pour l’époque, développa une stratégie commerciale fructueuse : véhicules customisés, matériel publicitaire, posters, plaques émaillées, présentoirs. Et pour les enfants, buvards, protège-cahiers, images. Ainsi que des spots publicitaires dans les cinémas, puis à la télévision dès les années 1950. La marque Vache qui rit s’est alors répandue à travers le monde entier, largement copiée et contrefaite. Mais le coup de génie, ce fut l’invention de la présentation en portions individuelles. Ainsi que celle du tircel, en 1980, cette petite languette qui permet une ouverture facile. Tous les produits suivants de la marque, Kiri, Babybel, apéricubes … en sont équipés. La Vache qui rit domine le marché et continue à épouser la tendance, elle est proposée maintenant en Pik et Croq et même en bio !

La Maison de la Vache qui rit, avec l’histoire de cette aventure industrielle hors normes, ses parcours ludiques et artistiques, mérite une visite ! Profitez de la route des vacances ou des nombreuses animations proposées tout au long de l’année.


www.lamaisondelavachequirit.com

Article publié dans le JTT du jeudi 25 novembre 2021.

jeudi 25 novembre 2021

Les Bodin's, de Thaïlande à Tournon

Salle comble, entièrement réservée d’avance, dimanche après-midi au ciné théâtre pour visionner le film « Les Bodin’s en Thaïlande » et profiter ensuite d’un échange avec les deux artistes, Vincent Dubois (alias Maria Bodin) et Jean-Christian Fraiscinet (son fils). L’ambiance était plus que chaleureuse, la température digne de la Thaïlande, et le film, une suite de gags, de blagues et de clichés sur le pays du Sourire, a bien fait rire le public. Il l’a fait rêver aussi, car en plus du comique, l’action et la tendresse étaient au rendez-vous, dans un décor idyllique.

Après la projection, les deux artistes ont eu droit à une standing ovation en montant sur scène, accueillis par Laurent Sausset. Dans un échange direct avec le public, ils ont rappelé leurs débuts en ces lieux. Vincent a en effet été primé lors du Festival des Humoristes en 1992. Il a rencontré Jean-Christian à Villard-de-Lans en 1993, et leur spectacle tourne ainsi depuis 30 ans ! D’artistes inconnus, ils ont gagné le statut de vedettes, après leur participation aux émissions TV de Patrick Sébastien et Michel Drucker. Et maintenant, ils sont programmés dans tous les Zéniths de France, avec une équipe de 52 techniciens, 8 comédiens et 10 semi-remorques de matériel !

Mais leur marque de fabrique reste la même : humour, improvisation et simplicité. Ils ont expliqué le tournage du film, bien impacté par le Covid : arrivés sur place en mars 2020, ils ont dû en repartir précipitamment au bout de dix jours, pour y revenir 6 mois plus tard. L’avantage alors, c’est qu’il n’y avait plus aucun touriste en Thaïlande, ils ont donc profité d’un contact idéal avec la population et les lieux paradisiaques. Cette confrontation à une autre culture leur a donné envie de renouveler l’expérience et de filmer dans d’autres pays. Alors, bon voyage et bonne chance aux Bodin’s !

Le film continue de passer à Tournon jusqu’en décembre. Pour égayer une journée morose, courez-y ! Et d’après eux « le bouche à orteil » c’est la meilleure pub !

Article publié dans le JTT du jeudi 25 novembre 2021.

jeudi 18 novembre 2021

En forme avec le Kaki

 C’est le fruit du plaqueminier, (anciennement appelé figue caque), un arbre originaire de Chine. Abondamment cultivé au Japon, dont il est le fruit national, avec plusieurs centaines de variétés, c’est un des plaisirs de l’automne dans la Drôme.

Plaisir visuel d’abord : Ces gros fruits orangés, accrochés dans des arbres qui ont perdu leurs feuilles, c’est Noël en Novembre ! En campagne comme en ville, les plaqueminiers illuminent les jardins de leurs lanternes rutilantes. Souvent anciens, imposants, isolés, ils créent une atmosphère magique dans la grisaille de l’automne.

Plaisir gustatif, bien sûr. Le kaki de la Drôme se consomme très mûr, cueilli après la première gelée. Il ressemble alors à une grosse tomate, d’une couleur orange foncé. Sa peau n’est pas bonne, mais sa chair, sucrée et fondante comme une confiture au goût d’abricot, est bourrée de nutriments (vitamine C, carotène, glucose, pectine …). Il faut la consommer à la petite cuillère, quand il est blet, c'est-à-dire mou au toucher. Attention, si vous n’attendez pas, son astringence, due à la présence de tanins, vous incommodera.

Il existe des recettes de confiture, de compotes. Il parait aussi que le kaki séché est une pure merveille, les Japonais en raffolent. Mais le plus simple, c’est de manger le kaki cru, il se conserve longtemps. Quel meilleur aliment pour la santé que ce fruit de saison, succulent, énergétique, produit localement?

Sur le marché, on trouve deux variétés de kakis : le traditionnel  hachiya et le kaki-pomme fuyu. Celui-là, on peut le consommer croquant, ou attendre qu’il mûrisse. Il n’a pas d’astringence, n’est pas fragile, se transporte facilement.
Le terme Persimmon ne qualifie pas une variété particulière, c’est tout simplement le mot utilisé  en Angleterre et en Espagne pour nommer le kaki.

"A la Sainte Catherine, tout bois prend racine". C’est le moment de planter un plaqueminier dans votre jardin, son feuillage est beau, ses fruits savoureux, et c’est un arbre rustique. Tant de vénérables plaqueminiers ont été coupés, sous prétexte que leurs fruits n’étaient plus appréciés… Avec la mode aux vergers anciens, le kaki fait son retour.

mardi 9 novembre 2021

Chronique littéraire : Loin, de Alexis Michalik

Alexandre Dumas a trouvé un héritier ! Dans ce roman picaresque, savant mélange de carnet de voyage, de recherche généalogique, de documentaire géopolitique, émaillé de péripéties rocambolesques, on s’amuse, on s’instruit, on se prend à l’intrigue. Tout est parfaitement ficelé, les coups de théâtre s’enchaînent autour des trois personnages aux caractères opposés, Antoine, jeune homme plutôt sage, sa sœur Anna, complètement déjantée, et Laurent, leur ami encombré de sa double culture.

Ballotés à travers l’Autriche, Berlin, la Turquie, l’Arménie, puis la Géorgie, le Soudan et l’Inde, ils cherchent à retrouver le père d’Antoine et Anna, parti sans donner de nouvelles il y a vingt ans. Il faut compter sur la chance et aussi sur leurs capacités à rebondir, pour trouver d’infimes indices à interpréter. Cette quête foisonnante des origines permet d’approcher simplement mais sans superficialité la société des différents pays traversés. Elle montre aussi la grande culture de l’auteur et son sens de l’humour.

Alexis Michalik est né en 1982 à Paris. Acteur et scénariste à succès, il a obtenu de nombreux prix au théâtre (Edmond) et joué dans des films et séries télévisées (Kaboul kitchen). Ce touche-à-tout insatiable a réussi un premier roman étourdissant avec ce carnet de voyages et d’aventures sans limites.

« Loin » est maintenant disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT en novembre 2021.

vendredi 5 novembre 2021

Charles Gauthier, de la campagne haut-saônoise aux Salons parisiens

Charles Gauthier (1831-1891) est un sculpteur de renom, ami de Bartholdi, dont l’œuvre prolifique est dispersée partout en France. Pourtant la Franche-Comté, sa terre natale, l’a oublié et ne possède que peu d’exemples de son travail. Une injustice pour cet enfant de Chauvirey-le Châtel, en Haute-Saône, où il naquit le 7 décembre 1831, dans une famille de modestes cultivateurs. Une toile peinte par Eugène Glück en 1875 le représente à la mairie du village, un honneur bien mérité. Car, pour passer de la campagne de Chauvirey aux salons artistiques de Paris, il a fallu beaucoup de travail et surtout une bonne étoile au jeune paysan. Laissons la parole à son ami Bartholdi, qui s’exprima lors de son éloge funèbre :

« Le hasard décida de la carrière de Gauthier : c’était un enfant laborieux et docile, mais il rêvait de tout autre chose que la vie rurale. Un jour arriva à Chauvirey un restaurateur de tableaux et de sculptures, M. Bulet, qui venait faire des travaux à l’église ; il se mit en quête d’un gamin de bonne volonté disposé à lui rendre service ; le jeune Gauthier saisit avec empressement cette occasion de s’affranchir, au moins provisoirement, de sa vie journalière. Il avait alors 13 ans ; ce fut le point de départ de sa carrière.

Le patron fut si satisfait de son auxiliaire et constata chez lui des aptitudes si marquées qu’il le prit comme apprenti et l’emmena partout où l’appelèrent ses travaux. Bientôt convaincu que son apprenti méritait de faire des études plus étendues, il insista auprès de sa famille pour en obtenir l’agrément. Parents et amis entrèrent en campagne et obtinrent du Conseil Général une subvention qui, si minime qu’elle fût (500 francs), permit au jeune Gauthier de passer quelques années à l’Ecole de dessin de Besançon, puis à l’Ecole des Beaux-Arts de Dijon. Ce furent des années de labeur tenace et de privations qu’il traversa vaillamment.

Ses succès à l’Ecole de Dijon lui en présageaient de plus importants à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il y entra en 1854 et, jusqu’en 1862, il y épuisa, à l’atelier de François Jouffroy, la série des mentions et des médailles. A deux reprises il put se croire Prix de Rome, mais des concurrents plus heureux lui furent préférés, et il dut se contenter du second Grand Prix en 1861. Il semble que cet échec apparent fut presque un stimulant nouveau pour Gauthier, et grâce à l’énergie de son caractère, il prit rang rapidement parmi les jeunes statuaires qui se révélèrent au public à cette époque. Depuis 1865 et jusqu’en 1890, il exposa à chaque Salon des œuvres qui le signalèrent. Il obtint coup sur coup des médailles et, en 1872, il fut décoré de la Légion d’honneur.


L’énumération de ses œuvres est longue et la froideur d’une nomenclature ne saurait rendre tout le mérite, le travail, l’ardeur, que représente l’ensemble d’une production de ce genre. Gauthier avait une grande facilité de travail, son talent reposait sur les études sévères et consciencieuses qu’il avait faites ; mais il avait su ajouter à ces études un charme personnel, une grâce parfumée de Renaissance qui n’enlevait rien à la solidité des principes de son éducation. L’ensemble de son œuvre a une grande valeur artistique et celui de sa vie inspire un profond respect. Gauthier fut aussi apprécié pour son caractère que son talent. Il fut fréquemment membre du jury du Salon et adjoint par l’Institut au jugement des concours pour le Grand prix de Rome. Pendant près de dix ans il fut professeur à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs : son zèle et son dévouement lui valurent la haute estime et l’affection de ses collègues et de ses élèves. »

C’est ainsi que Auguste Bartholdi rendit hommage à son ami Charles Gauthier, décédé d’un refroidissement le 5 janvier 1891, à soixante ans. Gauthier fut enterré au cimetière du Montparnasse, où reposent de nombreuses personnalités du monde artistique. (Bartholdi l’y rejoindra quelques années plus tard, en 1904). C’est Jules Blanchard, ancien élève de Jouffroy comme Gauthier, qui sculpta le buste ornant sa tombe.

De l’œuvre prolifique de Charles Gauthier il reste peu de témoignages visibles en Franche-Comté, mais beaucoup en France. A Vesoul, on peut admirer le buste du Docteur Gevrey en bronze, dans la rue des Casernes. Le docteur Gevrey (1807-1888) est un médecin et philanthrope de la ville, qu’il soigna héroïquement toute sa vie et surtout lors d'une épidémie de choléra en 1854-55, ce qui lui valut d’être nommé chevalier de la Légion d'honneur. Le musée de Vesoul en revanche ne possède que quelques copies en plâtre ou terre cuite dans ses réserves. En particulier Le Jeune braconnier, dont l’original en marbre est exposé dans le parc du château de Fontainebleau.

A Besançon, Charles Gauthier réalisa la première statue en bronze de Jouffroy d’Abbans, en plein centre-ville, elle surmontait une fontaine devant l’église de la Madeleine. Cette statue fut inaugurée le 17 août 1884 en présence de Félix Faure et de Ferdinand de Lesseps. Elle fut hélas fondue pendant la guerre de 1914 (une autre statue de Jouffroy d’Abbans est actuellement en place près du pont Battant). On en trouve une maquette au musée des Beaux-Arts de Besançon, ainsi que le bas-relief en plâtre Chryséis rendue à son père par Ulysse, qui permit à Gauthier d’obtenir le second Prix de Rome en 1861. A Bolandoz, petite commune du Doubs, une superbe Marianne sculptée par Gauthier orne la fontaine municipale, devant le beau lavoir. Ce buste en bronze a été posé sur une colonne érigée à l’occasion du centenaire de la Révolution, en 1889.

A Nancy, se trouve le monument au sergent Blandan, ce militaire, fils d’une famille de Lons-le-Saulnier, est mort en héros en 1842 pendant la guerre coloniale à Boufarik en Algérie. Gauthier a érigé cette statue de bronze dès 1843 ; placée à Boufarik, elle a été ensuite rapatriée à Nancy. C’est dans le Paris façonné alors par Haussmann qu’on trouve le plus d’œuvres de Charles Gauthier : à l’église de la Trinité, au musée Carnavalet, à l’Opéra, l’Hôtel de ville, l’église Notre-Dame-des-Victoires, le palais du Trocadéro… Notons La philosophie sur la façade de la Sorbonne. Il a aussi décoré plusieurs maisons particulières. Mais le plus accessible à tous ses admirateurs se trouve sur la fontaine du Théâtre-Français, en face de la Comédie-Française, où ses quatre sculptures d’enfants assis, en bronze, supportent la vasque. D’autres œuvres sont dispersées dans les parcs et musées de France.

Charles Gauthier illustre parfaitement les courants artistiques de la fin du XIXe siècle, entre académisme et glorification des valeurs morales. Sa carrière édifiante, reflet de la pugnacité haut-saônoise, son caractère énergique et bienveillant, ses capacités de travail et son charisme en tant que professeur de sculpture, ont été reconnus par ses contemporains. Il mériterait une vraie reconnaissance franc-comtoise. Peut-être faut-il imaginer un événement pour fêter les 200 ans de sa naissance, en 2031 ?  

Article publié dans l'Esprit Comtois numéro 24 (été 2021).