A Châteauneuf-sur-Isère, une belle fresque évoque le travail des carriers. La commune affiche ainsi ce qui l’a constituée : un patrimoine géologique, ouvrier, musical et même religieux … Le Chemin des Carriers permet de découvrir cette histoire liée à l’extraction de la molasse, dans une belle nature ponctuée de vignes et de fruitiers. Une balade pédestre insolite, d’environ 9 km pour 3 heures de marche, accessible à tous et parfaitement documentée par une série de panneaux explicatifs.
L’histoire des carrières se confond avec celle de la région.
Il y a 20 millions d’années, des sédiments de sable comprimés par leur poids et
liés par le calcaire, ont donné naissance à la molasse, une pierre gréseuse de
teinte jaune-brun. Cette pierre a été utilisée pour la construction dès
l’Antiquité. Le bassin carrier s’est développé pendant le Moyen-Age, avant de
connaître son apogée à la Renaissance. Les blocs étaient débités, transportés
par voie fluviale vers les grands chantiers, comme la cathédrale
Saint-Apollinaire de Valence, la collégiale Saint-Barnard de Romans… Les
galeries souterraines portent encore le même nom que les rues des villes à
l’édification desquelles elles ont servi ! La couleur de Valence et Romans
est ainsi celle de la molasse de Châteauneuf.
Les carrières d’abord exploitées en bordure de l’Isère, ont
progressivement grignoté la colline dominée alors par le château (actuellement
disparu). Leur déclin à la fin du XIXe siècle est dû à la concurrence de
nouveaux matériaux. Des carrières souterraines ont ensuite été transformées en
champignonnières dans les années 1920, la Cave Jaboulet y a installé un temps son
espace de vente et conservation. Pendant la deuxième guerre mondiale, d’autres
carrières ont abrité des troupes françaises et des stocks de poudre, provoquant
une explosion mémorable. Fermées au public à cause du risque d’effondrement,
les entrées monumentales des carrières, visibles du sentier, ainsi que les
maisons troglodytes de carriers, creusées dans la roche, sont surprenantes.
Mais ce n’est pas tout ! La vénération à Saint Hugues
(1053-1132), dont l’église et la chapelle portent le nom, est liée aux carriers.
Evêque de Grenoble, ce personnage
célèbre par son charisme et sa foi est né à Châteauneuf dans la famille des
seigneurs. Saint Hugues, après une carrière exemplaire, est mort aveugle, il a
été rapidement canonisé, et la légende raconte que ses restes ont ressurgi miraculeusement
dans l’Isère, face au château. Ce fut l’origine d’un pèlerinage à Châteauneuf.
La petite source du village troglodyte, déclarée miraculeuse pour les maladies
des yeux, attira alors nombre de pèlerins. Une communauté de violonistes s’y installa
pendant presque deux siècles, entre le XVIe et le XVIIIe siècles. Certains
d’entre eux étaient aveugles, venus dans l’espoir d’une guérison. Ils
participaient l’hiver à l’extraction de la molasse et l’été jouaient dans les
fêtes votives.
Un esprit solidaire et convivial qui anime encore les Châteauneuvois aujourd’hui. Leurs efforts de mise en valeur des carrières ont permis au site d’être retenu par la mission patrimoine de Stéphane Bern. De quoi espérer une présentation encore plus exhaustive de ce site exceptionnel qui est la mémoire de leur ville.
Article publié dans le JTT le jeudi 1 avril 2021 et dans La Tribune le jeudi 18 mars 2021.
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