Pas de faute d’orthographe ni de littérature, mais une belle histoire ... Bien avant d’être célèbre pour ses chaussures, Romans l’a été grâce aux cartes à jouer. C’était en effet, avec Lyon, une des rares villes de France à développer leur fabrication.
Dès le Moyen-âge, la passion des cartes était répandue dans
toutes les classes de la société. Leur fabrication apparut à Romans à la fin du
15ème siècle, en relation avec la fabrication du papier. Les archives
mentionnent que, vers 1477, un certain Claude du Chastel faisait tourner un
martinet à papier sur un petit ruisseau, qui prit le nom de Martinette, encore
en usage aujourd’hui. La fabrication des cartes était artisanale : dans
l’atelier, un maître-cartier travaillait avec un ou deux apprentis. Trois sortes de papier étaient nécessaires :
un papier fort, la main brune, qui était recouvert de chaque côté par du papier
fin, papier cartier au verso et papier pot au recto. Plusieurs étapes se succédaient
ensuite pour coller, presser, sécher. Puis il fallait imprimer et colorer la
figure choisie, avant de découper les cartes au bon format. La gravure sur
bois, mise en place à Lyon, où on l’utilisait pour l’impression sur étoffes, a
permis de rentabiliser la fabrication.
En 1720, on comptait encore 6 ateliers de cartiers à Romans.
En 1740, les Coissieux père et fils, derniers à s’installer, restaient les
seuls. Ils possédaient une papeterie et une imprimerie, ce qui permettait de
maîtriser tout le circuit. En 1794, Coissieux, fervent républicain, décida de
changer les symboles royaux qui décoraient les cartes en figures
révolutionnaires. Un grand succès ! Pourtant, en 1815, l’entreprise,
étranglée par les taxes, s’est arrêtée. Il faut dire que jusqu’au 16ème siècle,
les jeux étaient libres de droits, ce qui constituait un commerce juteux. Mais
Henri III commença à les imposer, au tarif de 1 denier par jeu. Henri IV, Louis
XIII augmenteront sans cesse cet impôt, jusqu’à atteindre 18 deniers sous Louis
XIV, dont le trésor royal était perpétuellement à sec. L’imposition sur les
cartes, supprimée à la Révolution, sera rétablie et durera … jusqu‘en 1946.
On peut encore voir quelques cartes anciennes aux Archives de Romans, témoins d’une épopée économique qui fit la renommée de la ville. Mais surtout, quand vous jouez aux cartes, sachez que vous faites vivre le patrimoine !
Article publié dans le JTT du jeudi 11 février.
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