jeudi 18 février 2021

Le Romans des cartes

Pas de faute d’orthographe ni de littérature, mais une belle histoire ... Bien avant d’être célèbre pour ses chaussures, Romans l’a été grâce aux cartes à jouer. C’était en effet, avec Lyon, une des rares villes de France à développer leur fabrication.

Dès le Moyen-âge, la passion des cartes était répandue dans toutes les classes de la société. Leur fabrication apparut à Romans à la fin du 15ème siècle, en relation avec la fabrication du papier. Les archives mentionnent que, vers 1477, un certain Claude du Chastel faisait tourner un martinet à papier sur un petit ruisseau, qui prit le nom de Martinette, encore en usage aujourd’hui. La fabrication des cartes était artisanale : dans l’atelier, un maître-cartier travaillait avec un ou deux apprentis.  Trois sortes de papier étaient nécessaires : un papier fort, la main brune, qui était recouvert de chaque côté par du papier fin, papier cartier au verso et papier pot au recto. Plusieurs étapes se succédaient ensuite pour coller, presser, sécher. Puis il fallait imprimer et colorer la figure choisie, avant de découper les cartes au bon format. La gravure sur bois, mise en place à Lyon, où on l’utilisait pour l’impression sur étoffes, a permis de rentabiliser la fabrication.


En 1720, on comptait encore 6 ateliers de cartiers à Romans. En 1740, les Coissieux père et fils, derniers à s’installer, restaient les seuls. Ils possédaient une papeterie et une imprimerie, ce qui permettait de maîtriser tout le circuit. En 1794, Coissieux, fervent républicain, décida de changer les symboles royaux qui décoraient les cartes en figures révolutionnaires. Un grand succès ! Pourtant, en 1815, l’entreprise, étranglée par les taxes, s’est arrêtée. Il faut dire que jusqu’au 16ème siècle, les jeux étaient libres de droits, ce qui constituait un commerce juteux. Mais Henri III commença à les imposer, au tarif de 1 denier par jeu. Henri IV, Louis XIII augmenteront sans cesse cet impôt, jusqu’à atteindre 18 deniers sous Louis XIV, dont le trésor royal était perpétuellement à sec. L’imposition sur les cartes, supprimée à la Révolution, sera rétablie et durera … jusqu‘en 1946.

On peut encore voir quelques cartes anciennes aux Archives de Romans, témoins d’une épopée économique qui fit la renommée de la ville. Mais surtout, quand vous jouez aux cartes, sachez que vous faites vivre le patrimoine !

Article publié dans le JTT du jeudi 11 février.

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