En 1776, au palais de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, un
mariage grandiose est célébré : Sophie-Dorothée de Wurtemberg (1759-1828)
épouse le tsarévitch Paul Petrovitch (1754-1801), fils de l’impératrice
Catherine de Russie. Devenue Maria Feodorovna par son mariage, la
grande-duchesse recréa autour d’elle, dans son palais de Pavlosk, une cour
semblable à celle qu’elle avait connue dans son enfance, entre les châteaux d’Etupes et de Montbéliard. En 1796, Paul I succéda à Catherine II, Maria
Feodorovna devint tsarine. Femme intelligente, talentueuse et énergique, elle
donna naissance à dix enfants, développa une vie artistique brillante et initia
de nombreuses œuvres de bienfaisance.
En France, après son départ, les Montbéliardais
entreprenants saisirent leur chance. A la Cour de Russie on parlait français.
Ils furent nombreux à s’y présenter, tous corps de métiers confondus, créant un
lien particulier et durable entre les deux pays. La Révolution de 1789 accéléra le mouvement, plus d’une centaine de Montbéliardais émigrèrent en
Russie. Certains s’y établirent, d’autres revinrent en France, riches d’une
ouverture exceptionnelle sur le monde. Ils furent surtout précepteurs dans les
grandes familles russes. En effet, la religion luthérienne qui prévalait à Montbéliard avait entraîné la
création de nombreux établissements scolaires. Les Montbéliardais
étaient donc éduqués et protestants, qualités que la tsarine appréciait.
Ces émigrés montbéliardais à la Cour de Russie furent appelés les "Russiens". Voici quelques-uns des plus célèbres :
Georges-Frédéric Parrot (1767-1852) physicien et médecin, nommé par le tsar Paul Ier premier recteur de l’université de Dorpat, puis conseiller d'Etat et directeur du laboratoire de physique de la faculté des Sciences de Saint-Pétersbourg sous Alexandre Ier .
Fanny Durbach (1822-1901)céda à
l’attrait de l’aventure et quitta Montbéliard à l’âge de 22 ans pour Saint-Pétersbourg.
Accueillie par une famille de la grande bourgeoisie, les Tchaïkovski, elle fut
pendant 13 ans la préceptrice, puis la mère de substitution du jeune Piotr,
futur musicien et compositeur célèbre dans le monde entier.
Charles Contejean (1824-1907) naturaliste, après ses études
à Montbéliard, partit comme précepteur à Saint-Pétersbourg, où il prépara un
diplôme universitaire. De retour en France, il multiplia les postes, donnant
libre cours à sa passion pour les sciences naturelles. Fondateur de la SEM de
Montbéliard, premier conservateur du musée.
Jules Beucler (1861-1952), de Bondeval, exerça le métier de
professeur de français à l’Ecole des Cadets de Saint-Pétersbourg. Il épousa la
fille du général Souvorkov, et c’est ainsi qu’en 1898 naquit André
Beucler,(1898-1985) écrivain et journaliste à la vie aussi romanesque que ses
œuvres.
Adolphe Kégresse (1879-1943) ingénieur et inventeur français partit à Saint-Pétersbourg comme responsable du garage impérial de Nicolas II. Il mit au point des autochenilles originales adaptées à la neige, qui serviront pendant les deux guerres mondiales. Rentré en France après la Révolution russe de 1917, il créa chez Citroën en 1919 le département tout-terrain et développa de nombreux brevets.
Article publié dans L'Esprit Comtois n°12.
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