Les érables éclatants frémissent au vent, les plaqueminiers
et arbousiers regorgent de fruits dorés, les vignes rousses s'étalent au soleil,
le jardin zen de Beaumont-Monteux a pris ses teintes d'automne. Pour son
concepteur Erik Borja, l'art du jardin est symbolique de la culture japonaise.
Une culture particulière, héritière de siècles d'isolement dans l'archipel
nippon, d'une agriculture parfaitement adaptée à son environnement, et d'une
religion d'origine, le shintoïsme, religion animiste où la nature était siège
du divin. Les montagnes, les sources, les tempêtes, le soleil, le vent, étaient
peuplés d'esprits (kami) à respecter. Contrairement au principe occidental de
maîtrise des éléments.
A partir du Vème siècle, l'ouverture du Japon sur d'autres
civilisations, chinoise, coréenne, a fait émerger de nouveaux codes de vie,
prônant raffinement, esthétique, de l'écriture jusqu'au jardin en passant par
les étoffes, la céramique. Puis lorsque la Réforme se répandait en Europe, le
bouddhisme zen en Asie a lui aussi épuré l'iconographie. Des jardins
sanctuaires ont été créés, visant non pas la beauté mais la méditation
individuelle, support de l'élévation spirituelle.
Concevoir un jardin zen, explique Erik Borja, c'est donc une
démarche bien plus que botanique. Artiste passionné par les jardins visités au
Japon, il en a fait l'expérience. Partant d'une friche héritée au bord de
l'Herbasse, il décida en 1977 de créer un jardin japonais, en parfait
autodidacte. La nature lui a appris l'humilité, c'est elle qui décide. Après
des années à son écoute, il a trouvé l'équilibre avec elle, compris la
nécessité d'une forme d'ascèse. Conservant les emblèmes saisonniers
traditionnels, cerisiers et érables, mais multipliant les pins, toujours verts,
et développant la part minérale, graviers, rochers, symboles d'éternité, jouant
sur la présence permanente de l'eau. Son jardin de Beaumont-Monteux exprime à la
fois sa démarche artistique et son chemin de vie.
Jardin méditatif, jardin de thé, sous-bois ou bambous,
promenade au bord de l'eau, ouverture sur le paysage, c'est un véritable
parcours initiatique, une relation sensorielle avec la nature, que partage le
visiteur. A condition de faire le vide en soi, d'être réceptif à la beauté, aux
forces telluriques, de ne plus jouer les prédateurs, mais d'accepter de faire
partie d'un tout à protéger, notre planète.
Article publié dans le JTT du jeudi 23 novembre.
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