samedi 4 novembre 2017

Frédéric Mistral, chantre de la Provence


Son nom est porté par d'innombrables lieux publics, places, rues, écoles, ponts, mais qui connaît vraiment ce personnage extraordinaire, chantre de la Provence, créateur du Félibrige, écrivain célèbre dans le monde entier, lauréat du Prix Nobel de littérature en 1904 

Frédéric Mistral est né en 1830 à Maillane, dans une propriété agricole des Bouches-du-Rhône. Mistral n'est pas un pseudonyme littéraire, c'est vraiment son nom, marquant dès la naissance son ancrage dans la Provence. Chez lui, on parle provençal, la langue maternelle, celle des échanges avec sa mère à laquelle il restera très attaché toute sa vie. Pensionnaire à Avignon, puis étudiant à la faculté de droit d'Aix-en-Provence, il apprend et pratique à la perfection le français, mais commence d'écrire des poèmes … en provençal. Pour lui, la langue d'oc est la première langue civilisée d'Europe, celle des troubadours, il veut la restaurer, la magnifier, et mettre en valeur la culture et les traditions provençales. Mistral s'oppose ainsi à la nation qui veut éradiquer les langues régionales.

En 1854, avec six autres poètes provençaux, Roumanille, Brunet, Aubanel, Giéra, Tavan et Mathieu, il fonde le Félibrige, académie littéraire de langue d'oc. Et commence une œuvre magistrale dont l'élaboration prendra plusieurs années : un dictionnaire bilingue provençal-français. En même temps, Frédéric Mistral rédige des poèmes, des articles pour le journal du Félibrige, et, à l'instar du poète Homère, se lance dans un roman épique en vers, Mirèio (Mireille).

« Cante uno chato de Prouvènço,
Dins lis amour de sa jouvènço,
A través de la Crau, vers la mar, dins li blad,
Umble escoulan dóu grand Oumèro, iéu la vole segui. »
« Je chante une jeune fille de Provence,
Dans les amours de sa jeunesse,
À travers la Crau, vers la mer, dans les blés,
Humble élève du grand Homère. »

Mireille est un long poème en douze chants, que Mistral met 8 ans à écrire. En 1859, il en propose une version bilingue, en vers provençaux et français, au célèbre écrivain romantique Lamartine. Lamartine est enthousiaste, il salue l'émergence d'un grand poète. Mireille obtient un succès immédiat en France, puis en Europe, l’œuvre est traduite dans une quinzaine de langues. Elle est même mise en musique par Charles Gounod en 1863.

Frédéric Mistral ne cède rien à la célébrité, il continue de vivre simplement dans son mas de Maillane, reçoit les amis de passage, dont Alphonse Daudet, continue obstinément de rédiger son dictionnaire bilingue, ses articles, contes et poèmes pour l'Armana Prouvençau, pour l'Aïoli. Peaufine d'autres oeuvres, Nerto, Les Olivades, le Chant du Rhône... Et développe un nouveau grand projet : un musée de la culture provençale à Arles. Il collecte et stocke tous les objets de la vie quotidienne, littéraire, religieuse, culturelle de la Provence. Et en 1899, grâce aux soutiens que lui vaut sa notoriété, le Musée Arlaten, lieu de mémoire de la Provence populaire, ouvre ses portes.

La renommée de Mistral est mondiale, le Félibrige se développe à travers l'Occitanie, la Catalogne, de nombreuses régions commencent à défendre leur spécificité culturelle. Le prix Nobel vient couronner le travail exigeant, opiniâtre d'un homme fier de ses racines, soucieux de conserver les traditions de son pays, à la fois linguiste, lexicographe, ethnologue et poète. Frédéric Mistral investit le prix dans son musée, et continue sa vie simple, écrivant jusqu'à son dernier jour, en mars 1914.

En 1992, la France adopte la Charte européenne des langues régionales. Le provençal, comme le breton, l'alsacien... est désormais pris en compte par l'Education nationale.

Article publié dans le JTT du jeudi 2 novembre.


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