jeudi 26 septembre 2013

Berger Albert

C'est une histoire provençale, comme on en racontait dans les veillées : Atmosphère pastorale, rude labeur, rencontres, amitié, dans la montagne de Giono. Un café littéraire a renouvelé la magie du passé. Hubert Blond présentait son livre : "Les parcours poétiques du Berger Albert".
Entre 1912 et 1959, Albert, berger dans les environs de Banon, a suivi les troupeaux de moutons dans la solitude extrême de la Montagne de Lure, s'installant d'une bergerie à l'autre. Sur les pierres de ces bergeries, il a écrit à la mine graphite des phrases, des poèmes, drôles, tragiques, ou simplement factuels. Un modèle d'art brut, et en filigrane, l'histoire d'une vie solitaire.

Hubert Blond, issu des métiers du bâtiment, et randonneur expérimenté, a recensé des centaines de bergeries de pierres sèches, abandonnées, dans la montagne. Admirateur de la prouesse architecturale (il faut empiler savamment environ un million de petites pierres, pendant des décennies), il a découvert par hasard à l'intérieur quelques phrases soigneusement calligraphiées par Albert. Étonné, ému, et vite passionné, il a exploré ensuite méthodiquement toutes les bergeries autour de Banon, à la recherche des écrits éparpillés, effacés parfois. Et tenté de reconstituer le parcours d'Albert, pauvre berger d'origine italienne, à travers la lecture d'archives et les témoignages d'anciens.

Hubert Blond est illuminé par sa quête. La rencontre virtuelle avec Albert a permis au berger sans biens ni descendance de s'ancrer dans la postérité, et à l'humble randonneur de vivre une aventure passionnante. Le livre est une œuvre commune, cadeau de l'un à l'autre, à la fois reconnaissance et renaissance. Hubert raconte l'histoire d'Albert, sur un fond de photos splendides de la Haute Provence, et transcrit fidèlement les bribes de poésie sauvage recueillis.

"Lamours est une choses si fragille quon peut Le perdre même en parlant"...

Les parcours poétiques du Berger Albert, par Hubert Blond, L'Edition à façon.

mercredi 25 septembre 2013

No stress

Premier jour de cure. Voiture au garage. Appart branché. Nuit paisible, après une balade au soleil. No stress.
Nicole, c'est l'heure ! C'est Jo qui frappe à ma porte, j'ai la flemme de mettre mon réveil. Déjà 6H30 ? Pas le temps de réfléchir, je saute hors du lit, cours à la cuisine, coupe des tranches de pain, les glisse dans le toaster, reviens à la chambre m'habiller en vitesse, retourne à la cuisine, prends un bol de café tout chaud, merci Jo. Beurre et confiture d'abricots sur tartines grillées. Je gloutonne. Tu as vu l'horloge du four ? 5H45 ! Ah, ah, ils ont oublié le changement d'heure !

Moins le quart, je file, dit Jo. On se retrouve aux thermes. Je range le petit déjeûner, vérifie mon sac : maillot, bonnet, sandales, planning. J'éteins les lampes et ferme à clé. Dehors, nuit noire. C'est drôle, l'année dernière, à la même heure, je profitais du lever du soleil, des oliviers argentés sur ciel bleu sombre, en marchant jusqu'aux thermes. Je ne  réfléchis pas davantage, je me hâte. La ville est déserte, pas de commerçant ouvrant un volet métallique, pas de cantonniers aspergeant les rues piétonnes. Même les forains n'ont pas encore commencé à s'installer sur la place du marché. Etrange. Le clocher sonne l'heure, mais je néglige de compter les coups. La température est douce, je me réjouis à la pensée de la boue tiède qui m'attend, avant une longue journée de soleil. No stress.

Et quart. Il m'a fallu moins d'une demi-heure pour arriver aux thermes illuminés. Je retrouve Jo, nous allons attendre notre tour vers l'horloge de l'entrée. Et là, stupeur : elle ne marque pas 7h15 mais 6H15 ! On a une heure d'avance !
J'ai négligé tous les signaux, l'affichage du four, la nuit noire, la ville endormie, je n'ai pas compté les six coups de cloche... confiance et détente totales ... No stress, but cure !

lundi 23 septembre 2013

Coup de coeur : Comment les Eskimos gardent les bébés au chaud, de Mei-Ling Hopgood

Mei-Ling Hopgood est une jeune journaliste nord-américaine, d'origine chinoise, installée à Buenos Aires. Lorsqu'elle accouche de Sofia, elle découvre l'ampleur des questions que chaque maman se pose au sujet de l'éducation de bébé. Et observe avec surprise la diversité des réponses possibles, suivant les pays d'origine. Elle décide alors de rédiger un tour du monde des pratiques éducatives.

Les enfants Argentins se couchent très tard, les petits Chinois apprenent la propreté dès six mois. Les Kenyans, sanglés dans des écharpes colorées, ne quittent jamais le dos de leurs parents. Quant aux bébés Français, ils apprécient la gastronomie. Comment cela est-il possible ? Est-ce bon pour leur développement ?
Mei-Ling Hopgood a interrogé dans tous les pays des parents, des anthropologues et des experts en puériculture. Ses découvertes, elle en a fait profiter sa propre fille. Pas toujours facile !

Ce regard original sur l’éducation, parfois cocasse, parfois sérieux, montre que chacun est formaté par son appartenance, sa culture, mais peut tester d'autres méthodes. Il y a mille et une façons d’être de bons parents.
Avec Mei-Ling, en tous cas, we hope good !

dimanche 22 septembre 2013

Collectionnite aigüe

Il existe à Gréoux, un petit musée privé, consacré aux jouets anciens, ouvert trois après-midis par semaine. De quoi exciter la curiosité, malgré une certaine méfiance devant les 7,50 € réclamés à l'entrée. La maison est typiquement provençale, haute, tuiles romaines, murs mitoyens, volets de bois peints en bleu. A l'intérieur, jolis carrelages fleuris des années cinquante, balustres de fer forgé. Mais il est difficile de s'y mouvoir : du sol au plafond, sur deux étages et une dizaine de pièces, pas un espace nu ! Une accumulation compacte de vitrines, poupées, clowns, ours en peluche, jouets, miniatures. On se sent étouffé, sans savoir où donner de la tête, c'est trop, c'est kitsch...

Et puis arrive l'employé, un homme empressé, volubile. C'est lui qui a tout installé, les vitrines, les décors, les tapisseries, l'électricité dans les différentes maisons de poupées. Il nous fait remarquer la vaisselle de Moustiers, le mobilier d'époque, les costumes, les dentelles à la main... et la mise en scène. Détaille la collection de vélos miniatures, du grand bi au tandem, les voitures de pompiers, les trains électriques, les bateaux, les santons, les poupées régionales et internationales. On commence à se repérer dans l'immense fouillis.

Quand la propriétaire nous rejoint, c'est le grand jeu. Elle raconte l'histoire de sa collection, les achats effectués depuis plus de cinquante ans en salle des ventes, partout dans le monde, les dons d'autres collectionneurs, les legs après décès, les recherches dans les brocantes, et même à la décharge. Les coups de coeur, les rencontres, la concurrence. Le travail de restauration, de mise en valeur, le souci de la reconstitution historique. Le vertige de la collection.

Derrière l'énumération d'anecdotes, toute son histoire se profile. Femme de diplomate, elle a vécu dans 17 pays, rapporté des pièces uniques de ses voyages, landau indien, poupée navajo, objets rituels... Et installé enfin son immense collection dans sa maison de Gréoux. Poupées de porcelaine, de chiffon, de papier mâché, automates, mannequins habillés par de grands couturiers, Bella, Gégé, Barbie... Pièces anciennes, rares et chères, et poupées de pacotille cohabitent dans un décor de manèges enchantés, de vaisselle de lutins, de chefs d’œuvre de maitrise et meubles copiés de l'école Boulle. Un hallucinant voyage dans le passé, dans l'enfance.

Après deux heures d'écoute et d'observation passionnantes, une question se pose. Que deviendra cette superbe collection, dont on ne voit qu'une partie, la cave et le grenierdes croulant aussi  sous les stocks inutilisés ? Un musée municipal ? Non, dit la dame. A Gréoux, on ne s'intéresse pas à ma collection. Mais j'ai déjà eu des propositions privées. La dernière ? Un Chinois, qui rachète tout !

http://www.museedespoupees.com/active.php

mardi 17 septembre 2013

A l'école des gourmets... on apprend à déguster le chocolat !

Ne vous croyez pas dispensé, si vous appréciez quelques carrés le soir, chez vous. Ni si vous profitez d'achats à la boutique Valrhona, pour picorer (ou gloutonner) les échantillons mis à la disposition des clients. Non. Il s'agit d'une initiation autrement plus sérieuse, une vraie dégustation de connaisseur, comme les caves de la région en organisent pour promouvoir leurs vins : l'atelier gourmet de l’École du Grand Chocolat.

L'animatrice vous accueille et installe dans une salle de réunion de l'entreprise Valrhona. A votre disposition, le plumier de dégustation de six grands crus: Manjari, Taïnori, Caraïbe, Alpaco, Guanaja, et Abinao. Une serviette blanche, pour déposer les échantillons de chocolats, afin d'apprécier leurs différences de couleur. Et un verre d'eau, pour se rincer la bouche entre deux dégustations. Voilà, tout est prêt.
Un cours magistral pour commencer : présentation des terroirs, Afrique, Amérique, Asie, et du circuit de fabrication du chocolat. Une suite d'opérations délicates, toutes effectuées à la main, qui exigent un réel savoir-faire. Cueillette des cabosses à la machette (elles poussent collées aux troncs des cacaoyers), ouverture au gourdin, récolte et fermentation des fèves entourées de pulpe (mucilage), à l'abri de l'air, afin de transformer cette pulpe en alcool, qui parfumera les fèves. Ensuite séchage des fèves, puis exportation en France. Enfin, au sein de l'entreprise, grillage, broyage, chauffage et adjonction au grué obtenu des ingrédients nécessaires, sucre, lait, beurre de cacao, pour obtenir chocolat noir, au lait, ou blanc.

Travaux pratiques : Pour apprécier un carré de chocolat, d'abord observez sa couleur, plus ou moins noire, son brillant. Ensuite, humez son arôme. Puis cassez-le en plusieurs fragments. Laissez fondre un morceau délicatement en bouche. Puis un autre, pour dissocier les saveurs d'attaque et celles qui persistent. La présence de fruits rouges, plutôt acides, ou jaunes et doux. Les notes fleuries ou boisées, les amertumes tanniques ou camphrées. Quelle précision dans le choix des mots ! Le vocabulaire des experts est ainsi riche de plus d'une centaine de termes, pour décrire toute la complexité des sensations (précisons qu'ils passent un an de formation en ... cacaothèque) !

Valrhona, fleuron de la gastronomie, propose aux nombreux amateurs, touristes ou locaux, l'occasion d'apprendre à déguster, à apprécier le goût des chocolats. Ses ateliers gourmets permettent une exploration sensorielle et didactique des grands crus, en attendant l'ouverture de la future Cité du Chocolat, prévue le 24 octobre prochain, et ses parcours interactifs.
Et n'ayez pas peur d'abuser : le chocolat est toxique ... mais seulement à partir de 9 kg par jour !

samedi 14 septembre 2013

Swing Brosse System, une famille de musiciens drômois en Haïti

Ils ont fait l'ouverture du festival Vochora en 2012. Venus en voisins, ils habitent près de saint Donat, leur prestation éblouissante a marqué le public. Pas seulement pour la qualité de leur récital de jazz manouche, mais aussi pour l'originalité du groupe : les interprètes sont tous membres de la même famille !

BROSSE : Bernard, Rachel, Odenson, Sara, Sacha, Esther. Le père, la mère, deux grandes adolescentes, deux garçons plus jeunes. Une famille nombreuse, passionnée de musique. Leur grande maison, dans la Drôme des Collines, résonne de cris et de rires, de répétitions et même … d'aboiements ! Partout, des instruments de musique, du matériel de sono, d'enregistrement. Chacun des enfants passe sans problème d'un instrument à l'autre, de l'accompagnement au solo, de la mélodie à l'improvisation. Leur virtuosité est impressionnante.

Comment en sont-ils arrivés là ? Bernard, professeur aux conservatoires de Romans et d'Annonay, a commencé un jour par jouer avec ses filles, lui à la guitare rythmique, Esther et Rachel, déjà fort douées, au saxo, à la clarinette, et au chant. Sara, la maman, professeur des écoles, a décidé de se joindre à eux, en prenant la basse. Quand Odenson les a rejoints au trombone, brûlant les planches, seul Sacha piaffait dans son coin, attendant d'avoir l'âge de se produire sur scène. Maintenant, à 10 ans, il interprète Django Reinhardt à la guitare solo avec une étonnante maestria. Les aînés ont 12, 14 et 15 ans, et toute la famille donne des concerts en France, participe à des festivals de jazz, anime des master classes, se frotte aux virtuoses de demain dans des stages nationaux... et fait de formidables tournées à l'étranger, en Sardaigne cet été, en Chine, en 2012.

La démarche pédagogique des parents et la présence des enfants facilitent les rencontres conviviales. Ainsi, les concerts du Swing Brosse System sont précédés d'ateliers ouverts aux jeunes du pays. Pas besoin de mots pour communiquer ! Dans un village perdu de Birmanie, un concert improvisé avec les enfants de l'école, sans connaître la langue, reste un de leurs meilleurs souvenirs.

Leur grand projet, c'est le festival de Port-au-Prince, en Haïti, en janvier prochain. Un déplacement qui a des allures d'anniversaire, puisqu'il y a dix ans, Bernard et Sara y adoptaient Odenson. Mais le pays n'a pas les moyens d'organiser la tournée de ses invités. Alors, pour réunir le budget nécessaire, le Swing Brosse System multiplie les concerts, et a enregistré un CD, qu'on peut découvrir sur leur site Internet :http://swingbrossesystem.com
Site absolument génial, il suffit de cliquer pour être au courant des actualités du groupe, tout en étant immergé dans leur répertoire de jazz.
D'autres infos sur http://swingbrossesystem.com/discographie
On peut aussi acheter le CD, et gagner des places de concerts via le site Ulule (site de financement participatif) : http://fr.ulule.com/voyage-musical-haiti/

Bon vent, bon swing !

mardi 10 septembre 2013

Chronique littéraire : Un été sans les hommes, de Siri Hustvedt

Mia a été lâchement abandonnée par son mari Boris, après trente ans de mariage. Il veut faire une pause. Suite à un passage critique à l’hôpital, elle se réfugie pour les vacances dans la ville de son enfance. Scénario convenu, mais sublimé par l’écriture caustique de Siri Hustvedt, qui transforme chaque situation en un festival d’humour féroce. Elle analyse en féministe subversive les relations humaines dans l’entourage de Mia.

Il y a matière ! La mère et ses copines, vieilles dames veuves et néanmoins indignes, dans leur résidence. Les élèves, adolescentes perturbées et diaboliques, à qui Mia essaie d’enseigner la poésie. La voisine, jeune mère débordée... A tout âge, les femmes se coltinent à une dure réalité. Mia, elle,  rumine sa mise à l’écart, ne veut rien savoir de sa rivale, surnommée "La Pause". Se laisse consoler par ses sœur et fille, stimulée par sa psy, et surtout par la littérature (même masculine). Car si l’été se passe sans les hommes, ils restent omniprésents dans l'esprit des femmes.

Siri Hustveldt, née en 1955,  est une auteure et poétesse américaine, qui signe là un roman  érudit, tant par les références à la poésie et la psychanalyse qu’aux neurosciences, parfois c’est même un peu délirant. Mais le côté cocasse est propre à ramener n’importe quel mari au bercail ! Le sien, c’est Paul Auster, écrivain américain à la renommée internationale.

Un été sans les hommes est disponible en Babel Poche au prix de 7.70€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 26 septembre 2013.

mardi 3 septembre 2013

Insectes Volants Non Identifiés



L'autre nuit, en traversant le Rhône, une averse s’est abattue sur la voiture. Des milliers d’insectes aux ailes blanches, en nuée dense, comme une fine grêle se sont écrasés sur les vitres, la carrosserie, en un martèlement léger. Impression inquiétante d’être plongé dans un film catastrophe, genre l’attaque des sauterelles sur le monde. Totale impuissance, inutile de mettre les essuie-glaces. Traverser doucement pour sortir du nuage, concentré sur les rives illuminées du fleuve. Ouf !

 Le lendemain, au même endroit, le sol est blanc, des milliers
de cadavres d’insectes s’étalent en nappes  épaisses sous les réverbères. Les trottoirs crissent sous les pas. Toute la nuée d’hier est là, inexplicablement morte.
Je ramasse une bestiole, pour l’examiner. Pas abîmée, comme morte en plein vol. Plus grande qu’un moustique, de belles ailes blanches, des pattes délicates. Intriguée par le phénomène, je clique sur Internet dès mon retour : « insecte éphémère ». Réponse de l’INRA :