J’avais lu le roman flamboyant de Victor Hugo au lycée. Une
lecture difficile, effrayante et passionnante à la fois, je n’en avais pas
compris toute la portée. J ’avais
donc très envie de voir le film éponyme, de Jean-Pierre Améris, quarante ans
plus tard, malgré des critiques mitigées.
Eh bien, j’ai été enchantée ! Décors soignés, musique intemporelle,
costumes éblouissants, la mise en scène, sans se perdre dans les méandres du
livre, arrive à faire passer magnifiquement l’œuvre, le souffle du Maître.
C’est somptueux, baroque à souhait, entre pamphlet social et politique, esthétique
style Tim Burton à la Cour de la Reine, ou film fantastique, du côté des gueux,
à la cour des miracles.
Les acteurs sont justes, chacun a une vraie présence: Depardieu
habite Ursus avec humanité, il gronde, harangue, amadoue, alterne brutalité et
douceur. Marie Théret, incarne Déa, jeune aveugle touchante, avec sa voix
pleine de sensualité. Emmanuelle Seigner est une duchesse garce à ravir. Celui
qui m’a le plus surprise, c’est Marc-André Grondin, le héros. Dans mon
imagination, l’Homme qui rit était monstrueux, défiguré. Dans le film, la longue
balafre qui mutile sa bouche en éternel rictus n’enlève pas grand-chose à son
physique de jeune premier, lui ajoute plutôt un certain mystère romantique.
La critique des turpitudes de la Cour, la description de la
misère, les vols d’enfants, l’éloge de la bonté, mélangés à une intrigue
romanesque poignante et poétique n’ont pas eu
le succès qu’attendait Victor Hugo, lors de la parution de « l’Homme
qui rit » en 1869. On lui reprochait le mélange des genres.
La critique cinématographique a repris les mêmes arguments
contre le film, ce qui est une belle façon de rendre hommage au metteur en
scène, fidèle au Maître !
Moi, j’ai beaucoup apprécié la mise en images, grandiose et surréaliste
à la fois, de ce roman philosophique puissant et lyrique.
Victor Hugo avait choisi d’appeler Ursus (ours) le saltimbanque et Homo
(homme) son loup apprivoisé. Tout est dit, en deux mots. C’est ça, le
génie !
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