jeudi 21 novembre 2024

Maison et Domaines Les Alexandrins

Une jeune maison mais des vignes centenaires. La Maison, c’est une grande demeure ancienne, en plein centre de Tain, surmontée d’une terrasse où poussent des vignes. On y déguste le vin entre professionnels. Les Domaines, ce sont les parcelles de vignes cultivées au nord de la vallée du Rhône. Dont la maison Michelas- Saint-Jemms, rachetée par les Alexandrins en décembre 2023, et où s’effectuent maintenant les visites et dégustations pour les particuliers.

L’histoire des Alexandrins, c’est une suite de rencontres et de sympathies entre gens de la vigne.  Au départ, Nicolas Jaboulet, ayant quitté la maison mère Paul Jaboulet Aîné quelques années après sa vente, s’est associé en 2009 à la famille Perrin, un grand domaine viticole d’Orange, connue pour ses Châteauneuf-du-Pape (dont le prestigieux Château de Beaucastel). Ensemble, ils ont démarré un négoce haut de gamme sur les crus de Rhône nord sous l’enseigne Maison Nicolas Perrin dont le caveau de vente était situé sur la place du Taurobole.

En 2011, les deux associés achètent un hectare et demi de vignes en Crozes-Hermitage, dont ils confient une partie des travaux agricoles à Ceptentrion’Al, (Al pour Alexandre Caso). Puis en 2015, ils acquièrent le domaine des Alexandrins, propriété d’Alexandre Caso et Guillaume Sorrel, composé d’une dizaine d’hectares en Crozes-Hermitage et Saint-Joseph. C’est alors que Maison Nicolas Perrin est renommée Maison et Domaines Les Alexandrins.  Alexandre Caso et Guillaume Sorrels’associent à ce nouveau projet. Le domaine s’agrandit encore et atteint une trentaine d’hectares de vignes, en Saint-Péray, Condrieu, Côte Rôtie.

Il est temps de s’implanter au cœur de Tain, épicentre du vin, à l’angle de la route de Larnage. La cave, les bureaux, la terrasse et sa vigne sont construits en 2018.C’est le moment que choisit Guillaume Sorrel pour reprendre son propre domaine familial, laissant Benoît Busseuil s’occuper de l’œnologie. Maison et Domaines Les Alexandrins s’organisent autour de deux gammes de vins, La Maison, qui produit des vins issus d’achats de raisin et de parcelles de jeunes vignes, et Le Domaine, avec ses parcellaires.

En 2022, les Alexandrins s’associent au domaine des Léos, à l’Isle-sur-la-Sorgue, propriété de Patrick Bruel (Le nom est un raccourci des prénoms de ses fils, Léon et Oscar), pour développer et commercialiser la production de son vin rosé. Avec le rachat des 38 hectares de la maison Michelas-Saint-Jemms en 2023, dont ses parcelles en Hermitage et Cornas, Les Alexandrins proposent maintenant une gamme complète de vins de la vallée du Rhône nord. Distribués pour moitié en France, en direction des cavistes et restaurateurs, et pour moitié à l’étranger, dans une trentaine de pays.

Parmi les produits phares de la Maison : les Crozes-Hermitage 100% Syrah, dont « les Chaflans » Un vin de pays, le Cabanon, proposé en blanc et rouge. Le rosé Léos, cuvée Augusta, mélange de grenache, bourboulenc et vermentino. Et bien d’autres crus, de la Côte rôtie au Cornas.

Pour les connaître, rendez-vous dans les chais du domaine Michelas-Saint-Jemms, route de Bellevue à Mercurol, pour déguster et acheter. (Ouvert du mardi au vendredi 10H00/12H00 et 14H00/18h00 et samedi sur RDV). Tel Caveau : 0475078670

Article publié dans le supplément Vins et Gastronomie de novembre 2024.

jeudi 14 novembre 2024

La cueillette des noix en Isère

Octobre marque le début de la récolte des noix le long de l’Isère, au pied du Vercors. Le paisible paysage des noyeraies s’anime alors du ballet des machines. Les secoueuses entourent de leurs bras hydrauliques le tronc des noyers pour les secouer délicatement. Les ramasseuses interviennent ensuite, elles aspirent les noix tombées et recrachent les feuilles. Les remorques remplies de noix peuvent alors être apportées dans les fermes des nuciculteurs, où les fruits sont lavés puis séchés dans des séchoirs ventilés.

Au pays de la noix, chaque ferme avait son séchoir. Ceux qui subsistent en Royans et Isère font partie du patrimoine bâti, souvent mis en valeur par leurs propriétaires. Le Grand Séchoir de Vinay en est un exemple réussi. Dans l’ancienne ferme transformée en espace muséographique, on peut découvrir toute l’histoire, les richesses et la culture de la noix de Grenoble, une appellation contrôlée depuis 1938, qui se décline en 3 variétés, mayette, franquette et parisienne.  

C’est après les nombreux épisodes de phylloxéra au XVIIIe siècle que les paysans dauphinois décidèrent de se tourner vers la nuciculture, un fruit à coque moins délicat déjà présent dans les vergers. L’aire géographique de l’AOC noix de Grenoble couvre actuellement 6 000 hectares, sur 259 communes réparties en trois départements : 183 en Isère, 47 dans la Drôme et 29 en Savoie, principalement le long de la vallée de l’Isère. La production annuelle de noix tourne autour des 13 000 tonnes pour plus d’un millier d’exploitants.

Outre la consommation des fruits eux-mêmes, les noix se déclinent en de nombreux produits dérivés : vin de noix, huile de noix, gourmandises aux noix, brou de noix. Rien ne se perd : Le bois de noyer est apprécié en ébénisterie, les feuilles servent en pharmacologie, les coques au compost. Difficile d’énumérer les bienfaits liés à une consommation régulière de noix, oméga 3, magnésium, vitamines… Mais surtout manger des noix fortifie le cerveau, si semblable au cerneau, dont il ne diffère que par une lettre ! Alors n’hésitez pas : cassez la noix !

Le Grand Séchoir De Vinay, musée de la Noix, est ouvert tous les jours sauf lundi.

Tél : 0476 36 36 10.

Article publié dans le JTT du jeudi 21 novembre 2024.

vendredi 8 novembre 2024

Chronique littéraire : Chien 51, de Laurent Gaudé

Laurent Gaudé propose ici une dystopie policière. Une dystopie aux accents réalistes, qui fait peur, tant elle semble possible et proche. Le contexte socio-économique : la Grèce, ayant fait faillite, a été rachetée par la société Gold Tex et transformée en une dictature cynique, hiérarchisée en trois zones.

Le personnage principal, Zem, a connu la Grèce d’antan, il a participé aux révoltes contre Gold Tex, et il est maintenant relégué dans la zone 3, la plus sordide, celle des bidonvilles et des pluies acides. Il est ce qu’on appelle un « chien », un policier de base dans un bourbier de violence. Quand on découvre un cadavre éventré dans sa zone, il est obligé de collaborer avec Salia, une inspectrice de la zone 2, la zone intermédiaire, protégée des pluies par un dôme de verre. Salia le méprise, mais l’enquête, qui les amène à suspecter un personnage important de la zone 1, la zone hyperprotégée, les conduit peu à peu à s’apprécier. Les hautes sphères sont intouchables, si on s’y attaque on en paie le prix.

Tout ce monde nous est déjà familier, ultralibéralisme, société à plusieurs vitesses, contrôles policiers par des drones, dérèglement climatique … L’intelligence, l’empathie ne peuvent rien contre cet univers connecté où la seule échappatoire réside dans les paradis artificiels, qui permettent de retrouver la Grèce éternelle, celle de Delphes et Athènes.

Laurent Gaudé, né en 1972 à Paris, est un écrivain qui a été récompensé par de nombreux prix, dont le Goncourt en 2004. Auteur de romans, nouvelles, pièces de théâtre, poésie, il change ici complètement de registre pour nous faire réfléchir à l’avenir. Un avenir que nous prépare Elon Musk !

Chien 51 est disponible en poche chez Babel (Actes Sud).

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 21 novembre 2024.

vendredi 1 novembre 2024

The Art of the Brick à Lyon

L’art des briques, c’est celui qui consiste à réaliser en Lego des sculptures classiques ou imaginaires. Dans le cadre somptueux du Grand Hôtel-Dieu de Lyon, l’exposition de ces œuvres émerveille les foules, comme elle l’a déjà fait pour 10 millions de visiteurs à travers le monde.

L’artiste Nathan Sawaya est né en 1972 aux USA. Après des études de droit, et un travail dans une société juridique, il se fait embaucher en 2004 par The Lego Group. Six mois après, il démissionne, il a trouvé sa vocation : reproduire en Lego des œuvres d’art, personnages ou emblèmes mondialement connus, avec des milliers de briques à chaque fois. Sa première exposition est prête en 2009. Depuis il expose à travers le monde ses œuvres en diversifiant les thèmes.

A Lyon, avec plus de 1 million de briques LEGO, l’artiste a réalisé pas moins de 70 œuvres qui passionnent les enfants comme les adultes. On peut admirer des reproductions à l’échelle de sculptures classiques, David de Michel-Ange, Victoire de Samothrace, des copies de tableaux célèbres, la Joconde, Lascaux. Mais aussi des innovations, quand l’artiste fait sortir des personnages en relief des tableaux, comme dans Le Baiser de Klimt. Ou d’étranges créatures surréalistes. Sans oublier le Tyrannosaurus Rex de 6 mètres

L’exposition propose aussi une zone de jeu et de construction destinée aux visiteurs qui veulent laisser libre cours à leur créativité. Bref, une exposition qui casse les briques !

Exposition visible à Lyon du 12/09 au 30/11/2024 de 10h à 20h, sauf mardi.

Réservation obligatoire par internet : https://theartofthebrickexpo.com/lyon/

Article publié dans le JTT du jeudi 31 octobre 2024.

jeudi 24 octobre 2024

De la politique à la littérature: Mireille Clapot et le Liban

Mireille Clapot, députée de la Drôme de 2017 à mai 2024, n’a pas simplement adhéré à l’étiquette En Marche, c’est une vraie marcheuse au sens premier du terme. Après avoir fréquenté les chemins de nombreux pays, elle a randonné à l’été 2022 à travers le Liban. Et comme l’écriture est une de ses passions, elle en a tiré la substance d’un nouveau roman : « Le dompteur du Loup-sentier au Liban », où elle trace un portrait réaliste de ce pays, à travers les aventures d’un groupe de jeunes randonneurs.

Le Liban vit actuellement une tragédie meurtrière, comme il en a connu tant d’autres au fil de son histoire. Les 18 communautés qui le composent n’arrivent pas à s’entendre, chacune se bat pour conserver ses privilèges. L’état est inexistant, les hommes politiques corrompus. A défaut d’électricité il faut acheter des générateurs. A défaut d’eau potable, il faut acheter des bouteilles. La crise économique a fait exploser le chômage, le clivage entre riches et pauvres est énorme, la vie quotidienne extrêmement difficile pour ceux qui n’ont pas d’argent. Pourtant les Libanais aiment profondément leur pays.  « Si vous avez compris le Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué », plaisante Mireille Clapot.

Tout cela constitue le décor du récit, qui est aussi un roman d’aventures, de dépaysement, et d’initiation. Michel, guide de montagne, accompagne une petite troupe de cinq ados en crise dans un trek de deux semaines à travers les montagnes du Liban. L’objectif est d’apprendre à vivre ensemble, malgré des origines différentes. Comment une « princesse » de Beyrouth, une jeune chiite voilée, un réfugié syrien, un musicien homo, et une chrétienne en surpoids vont-ils se confronter, s’apprivoiser, se supporter ? C’est tout l’enjeu du livre. Les embûches du sentier ne les ménagent pas, balisage disparu, saccage de la montagne, méfiance des villageois, fatigue, faim, soif… Les tiraillements internes sont inévitables. Un apprentissage de la tolérance, avec l’espoir que les jeunes générations libanaises arriveront un jour à vivre ensemble.

Mireille Clapot, après deux mandats de députée de la Drôme, a perdu son siège à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en mai dernier. Mais ses engagements humanitaires, ses actions en faveur de la mobilité douce et de l’accès au numérique sont maintenant relayés par Arche Agglo. C’est l’important.  Pour le reste, si vous comprenez la politique actuelle, c’est qu’on vous l’a mal expliquée !

« Le dompteur du Loup-sentier au Liban » est disponible aux Editions des Impliqués.

Article publié dans le JTT du jeudi 24 octobre 2024.

samedi 19 octobre 2024

La Mofette de Neyrac, une étonnante curiosité géologique

Qu’est-ce qu’une mofette ? c’est une fissure d'origine volcanique d’où émanent certains types de gaz, souvent toxiques, principalement du dioxyde de carbone. Elle s'oppose aux fumerolles par l'absence de soufre. Les exhalations pestilentielles dégagées expliquent son nom, le même que celui de la mofette, animal connu pour sa puanteur.

A Neyrac-les-Bains, petite station thermale du pays des volcans d’Ardèche, se trouve une des trois seules mofettes d’Europe. Soigneusement grillagée, on peut y pénétrer avec un guide, et comprendre sa dangerosité grâce à l’installation réalisée par le plasticien Bruno Nury : une roue entraînée par des vasques d’eau portant des bougies qui s’éteignent dès qu’elles s’approchent du sol. La mofette a d’ailleurs été appelée le chemin de la mort pendant très longtemps. On y trouvait des animaux morts, les habitants y apportaient même en été leurs matelas pour se débarrasser des puces !

Le nom de Neyrac fait référence à la présence d'eau, il provient probablement du nom du dieu gaulois Nérios, divinité personnifiant la source thermale (latinisé en Nerius). Les thermes furent créés dès l'Antiquité. En 121 av. J.-C. les Romains furent les premiers à bénéficier des eaux pour soigner les maladies de peau et les rhumatismes, puis les thermes connurent un nouvel essor au Moyen Âge pour guérir les lépreux. Ensuite, jusqu’à la Révolution, Neyrac n’est plus visité que pour sa mofette de gaz carbonique et les visiteurs se contentent simplement de boire son eau.

Le déclin se poursuit jusqu’en 1983, quand la municipalité de Meyras décide de réhabiliter la station thermale. Le limon thermal de la station, d'origine volcanique, d'une teinte ocre rouille, associé à une argile très pure devient le fleuron du traitement thermal. Neyrac est en effet dominé par le volcan du Souilhol, et construit sur le site comblé du Maar Doris, son cratère d'explosion. Ce type de maar se crée lorsqu'un magma (lave) très chaud 1200 C° rencontre l'eau contenue dans le sous-sol à plusieurs centaines de mètres de profondeur.

De nos jours, les nombreux curistes qui profitent du limon thermal à Neyrac ne savent guère qu’ils passent sur un volcan endormi (et pas éteint !). Pourtant la Mofette est là pour le rappeler. Et même les baigneurs, au niveau de l’Office de tourisme, peuvent observer le phénomène dans l’Ardèche où quelques remontées de gaz carbonique sous forme de bulles éclatent à la surface de l’eau.

« On a vu souvent
Rejaillir le feu
De l'ancien volcan
Qu'on croyait trop vieux. » chantait Jacques Brel…


Article publié dans la Tribune de Montélimar le jeudi 31 octobre 2024.

vendredi 11 octobre 2024

Chronique littéraire : Humus, de Gaspard Koenig

Un roman innovant, dont le principal sujet est le ver de terre, ses bienfaits, son utilisation. Il y a quand même deux protagonistes humains, Arthur et Kevin, qui se rencontrent pendant leurs études d’agronomie. Au départ, tout les oppose, leur milieu, leurs idées, mais tous deux se passionnent pour l’enrichissement que les vers de terre peuvent apporter aux sols appauvris par les produits chimiques. Ils deviennent d'inséparables complices.

Après avoir obtenu leur diplôme d’ingénieur agro, ils se tournent vers deux voies opposées. Arthur, le fils de bourgeois, reprend la ferme abandonnée de son grand-père pour y vivre de permaculture. Et Kevin, fils d’ouvriers, se lance dans une entreprise de vermicompostage. Chacun doit surmonter de nombreuses difficultés pour réaliser son projet. Le temps passant, ils se radicalisent dans deux postures opposées, le traditionnel contre l’industriel. Leurs projets, leur amitié y survivront-ils ?

A travers ces deux itinéraires, Gaspard Koenig décrit une société agricole perdue entre deux excès. Il nous introduit dans les coulisses des milieux politico-mondains des décideurs ou dans celui des militants écolo-anarchistes. Tout peut changer, basculer, sauf l’obstination des vers de terre continuant à enrichir la terre de leurs déjections.

Gaspard Koenig, philosophe, essayiste, romancier, connaît ces milieux et s’amuse à les caricaturer tout en partageant une solide documentation avec le lecteur. Né à Neuilly en 1982, il a déjà été prof, plume de Christine Lagarde, acteur, il a aussi fondé un parti politique. Un homme qui ne manque pas d’idées neuves et en fournit la preuve dans ce roman subversif.

Humus est disponible en poche chez J’ai Lu.

hronique publiée dans le JTT du jeudi 24 octobre 2024.