De tous temps, le Rhône a servi de voie commerciale et
de passage malgré son débit irrégulier et tempétueux. Depuis les radeaux de
bois et pirogues jusqu’aux péniches actuelles, il a été le lieu de nombreuses
innovations techniques pour faciliter la navigation. L’âge d’or de la
batellerie se situe entre 1800 et 1900, le transport était alors organisé en
convois de barques, commandés par la barque capitane.
Ces trains de bateaux utilisaient la force du
courant, à la descente, elles étaient dirigées par les mariniers à l’aide de
grandes perches graduées, les harpies. Il fallait alors 10 jours pour aller de
Lyon à Beaucaire, et 35 pour remonter, halés par des chevaux. Lyon et Beaucaire
étaient le siège de grandes foires saisonnières, qui duraient une vingtaine de
jours, et permettaient les échanges commerciaux. Les marchandises étaient
réparties sur les différentes barques à fond plat, chacune pouvant charger
jusqu’à 50 tonnes de matériaux de construction, céréales, tissus, vins, huile…,
mais à la descente, il fallait aussi loger les chevaux. Au retour, ce sont eux
qui tiraient le train de barques depuis le chemin de halage. Un chemin pas
toujours facile, il fallait parfois dételer et utiliser des mules ou des
hommes !
Le musée des mariniers et de la batellerie de
Serrières retrace l’aventure de ces grands équipages, qu’on ne retrouve sur
aucun autre fleuve. Une copie du fameux tableau de Dubuisson, réalisé en 1843,
illustre parfaitement la remontée sur le chemin de halage, à la force des
chevaux. Le musée présente aussi la vie des habitants du bord du Rhône. Serrières
était alors une étape incontournable le long du Rhône, un comptoir où vivaient
de nombreuses familles de mariniers, qui se relayaient sur les barques.
Plus tard, vers 1850-1870, la traction par un « toueur »
a remplacé les chevaux. C’était un genre de remorqueur qui tractait les barques
grâce à un câble installé entre deux points fixes éloignés de 15 km. L'enroulement
d'un câble à bord lui permettant de tracter des barges lourdement chargées. Un
autre lui succédait plus loin. On peut encore voir à Valence le toueur « Ardèche »
construit en 1896, échoué et envasé dans le port de l’Epervière. Puis, avec l’avènement de la
machine à vapeur, sont apparus les premiers bateaux et remorqueurs à moteurs à
charbon. En 1895, le remorqueur « Pilat » mesurant 60 m de long
tirait à lui seul deux barges chargées de 800 à 1000 tonnes de matériel.
Dans le petit musée des mariniers, installé dans l’église
Saint-Sornin (14e siècle) on trouve des maquettes de bateaux, des objets
de navigation, registres, lanternes, harpies et surtout de belles croix de
mariniers. Ces croix protectrices de l’équipage, sculptées en bois par le
patron du bateau, étaient dressées en tête des barques. Elles représentaient le
cycle de la passion du Christ, auxquelles on ajoutait la représentation de la
barque à protéger. Ces croix sont de véritables chefs d’œuvres d’art populaire,
témoignant d’une grande finesse dans les détails, les couleurs.
Hélas tous ces objets ne sont guère mis en valeur, entassés, mélangés à d’autres témoignages de la vie traditionnelle locale. Il faudrait imaginer une vraie scénographie uniquement autour du patrimoine marinier pour mieux le faire connaître. Car Serrières est l’endroit idéal pour raconter l’histoire de la batellerie sur le Rhône.
Le musée des Mariniers du Rhône est ouvert du 1er juin jusqu’aux Journées du Patrimoine. Hors saison, s’adresser en mairie. 04.75.33.62.82Article publié dans le JTT du jeudi 19 septembre 2024.
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