jeudi 15 août 2024

L’hôtel de Clérieu, témoin de l’histoire de Romans

A voir la belle façade classique de l’hôtel de Clérieu place aux Herbes, on pourrait croire qu’il n’est pas contemporain de sa voisine la collégiale romane Saint-Barnard. Erreur ! Les multiples remaniements du bâtiment, au fil des siècles et des propriétaires, ne doivent pas faire oublier qu’il a été édifié dès la création de Romans pour s’imposer contre le pouvoir de l’Eglise.

Romans est née aux alentours de l’an mil. Avant, c’était la campagne, dans laquelle l’évêque de Vienne Barnard décida de faire édifier un monastère et sa collégiale pour s’y retirer en 838. La position géographique était optimale, dans un environnement riche en eau, bois, élevages. On pouvait même y traverser l’Isère par un gué à certaines saisons, ce qui facilitait le commerce. L’abbaye devint maitresse du territoire, et peu à peu autour d’elle marchands et artisans s’installèrent. Mais les relations de pouvoir étaient conflictuelles entre les moines et le seigneur local. Celui-ci, pour affirmer sa puissance, fit construire en face de la collégiale Saint-Barnard, une maison-forte imposante. Dominée par une tour romane de 17m de haut, actuellement incluse dans l’actuel l’hôtel de Clérieu, on y battait monnaie.

Malgré de nombreux pillages et guerres, l’abbaye gagna en puissance, les moines furent remplacés par les chanoines, et la ville de Romans se développa autour d’un florissant commerce de laine. En 1049, fut construit le premier pont en pierre sur l’Isère, pour faciliter le trafic et percevoir un péage. D’où la naissance de la ville de Bourg-de-Péage. Pour protéger la ville les chanoines firent alors construire des remparts, dont subsiste la tour Jacquemart édifiée en 1179. Au XIIIe siècle, la ville se développa hors des remparts. Son importance était telle qu’en 1349 c’est par le traité de Romans que fut signé le rattachement du Dauphiné au royaume de France, symbolisé par le mariage de Jeanne de Bourbon avec le dauphin Charles célébré à Tain. A la fin du XIVe siècle, à leur tour mégissiers et tanneurs s’installèrent au bord de la Presle. Un deuxième rempart fut construit pendant la guerre de Cent ans.

Le commerce de la laine et des peaux étant de plus en plus lucratif, les riches marchands de Romans firent construire des hôtels particuliers en style gothique flamboyant. Parmi eux, Romanet Boffin en 1516 conçut le Chemin de croix des Récollets, réplique de celui de Jérusalem alors inaccessible car occupé par les Turcs. Plus tard, les guerres de religion impactèrent fortement Romans, le Carnaval de 1580 fut le prétexte à une tuerie sanglante. Puis peu à peu l’industrie du drap fut remplacée par celle de la soie. De nombreux couvents s’installèrent en ville. La tannerie prit son essor, un âge d’or qui dura jusqu’au XXe siècle.

L’hôtel de Clérieu, place aux Herbes, résume l’histoire de Romans, avec sa tour romane, sa cour gothique, sa belle façade classique reflétant l’opulence du XVIIIe siècle. Son adresse, rue des Trois carreaux, rappelle qu’au Moyen-Age s’y tenaient trois marchés : celui des herbes, le marché traditionnel et celui des poissons au bord de l’Isère. Un bord de l’Isère totalement remodelé, dominé par l’imposante collégiale Saint-Barnard, où il fait bon flâner, côté Romans comme côté Bourg-de-Péage.

Article publié dans le Jtt du jeudi 15 août

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