Le Chambon et les villages voisins du Plateau, Saint-Agrève, Tence, Mazet, … ont été une terre d’accueil pour les réfugiés pendant la deuxième guerre mondiale. Ainsi 5 000 personnes auraient sauvé de l’extermination 5 000 juifs ! Une quarantaine de titres individuels de Justes parmi les nations, ainsi qu’un diplôme collectif, ont été attribués au village par l’institut Yad Vashem de Jérusalem. Mais cette solidarité n’a pas concerné que les Juifs, les habitants ont d’abord accueilli les réfugiés espagnols fuyant la guerre civile dès 1936, puis les Allemands et Autrichiens antinazis, les Français des régions du nord bombardées … Une tradition d’accueil et de résistance des habitants du Plateau qui n’est pas le fruit du hasard.
D’abord, il y a l’empreinte des persécutions huguenotes. Le protestantisme, religion d’une minorité opprimée, s’est développé sur le Plateau Vivarais-Lignon du XVIe au XVIIe siècles. Déjà, il fallait cacher ses opinions, et les conditions de vie sur le Plateau s’y prêtaient : habitat dispersé, peu de contacts, vastes espaces sauvages de forêts et montagnes, climat rigoureux en hiver. Puis il y a eu l’émergence d’un christianisme social, au début du XXe siècle, avec des associations internationales comme la Croix- Bleue, l’Armée du Salut, et d’autres encore domiciliées en Suisse… qui ont organisé au Chambon l’accueil en vacances de centaines d’enfants défavorisés issus des villes. D’où la construction de lieux d’hébergement collectif, ajoutés aux hôtels et pensions qui accueillaient les vacanciers venus profiter du bon air. Car le Plateau était devenu, grâce à l’arrivée du train, une destination touristique populaire. Troisième facteur : La présence de personnalités exceptionnelles, pasteurs, enseignants, philosophes, curés, … venus de Suisse ou d’ailleurs, qui ont prêché dès le début de la guerre le refus des valeurs nazies, a incité à la résistance.
Le Plateau est resté en zone libre jusqu’en 1942, et les
paysans ont naturellement accueilli les premiers réfugiés dans les lieux
appropriés. Pratiquant polyculture et élevage, l’autonomie alimentaire était
assurée. Lorsque la zone a été occupée par les Nazis, il a fallu dissimuler,
disperser, cacher les Juifs, les opposants, et les exfiltrer vers la Suisse
grâce aux réseaux mis au point par les organismes présents. Ensuite, les
réfractaires au STO, les Résistants se sont eux aussi réfugiés sur le Plateau. La
logistique est devenue de plus en plus difficile à assurer, mais toujours
soutenue par la volonté de solidarité et de justice, prônée par les pasteurs
locaux malgré les risques d’emprisonnement.C’est ainsi que ce rude plateau du Vivarais-Lignon a été un
îlot de résistance et une porte vers la liberté pour des milliers de réfugiés,
entre 1936 et 1945. De nombreuses années plus tard, d’anciens réfugiés ont voulu
rendre hommage au Chambon et aux communes avoisinantes en créant un Lieu de
Mémoire qui raconte l’aide exceptionnelle de cette région à la dignité
humaine. Le bâtiment fut inauguré en
2013. Il accueille cet été une superbe exposition Chagall, jusqu’au 2 octobre. Le
Chambon est par ailleurs un vivier culturel, dont les « Lectures sous
l’arbre » fin août attirent depuis trente ans un public international. Un bienfait n’est jamais perdu, dit-on : en 2021, un
ancien réfugié échappé au nazisme, Erich Schwamm, a fait don de toute sa
fortune au village, en souvenir des jours heureux passés au Chambon et en
particulier à l’Ecole cévenole. Une exposition raconte son histoire. Une belle
histoire, qui rend un juste hommage à ce village de résistants.
Article publié dans le JTT du jeudi 15 septembre.
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