A Tain l’Hermitage, le 8 avril 1350, fut célébré le mariage
du fils du roi de France, futur Charles V, avec la princesse Jeanne de Bourbon.
Une sculpture placée devant l’église rappelle cet événement, un moment clé de
l’histoire du Dauphiné. Ce mariage s’est tenu à Tain parce qu’il scellait le
rattachement du Dauphiné, alors état indépendant vassal du Saint-Empire, au
royaume de France. De longues tractations avaient eu lieu auparavant à Tournon
et Tain, villes frontières de la France et du Dauphiné, de l’empire et du
royaume*. Humbert II, dernier Dauphin du Viennois, totalement ruiné, rachetait
ainsi ses dettes en cédant son territoire à la France. Mais il exigeait que le
premier fils du roi portât désormais le titre de Dauphin, et que le Dauphiné
gardât ses prérogatives administratives.
L’histoire de Tain est donc liée à celle du château de
Beauvoir-en-Royans. Dans cette grandiose demeure, la dernière qu'Humbert II
s’était fait construire, il entretenait une cour fastueuse. Un château aux
1 000 fenêtres où vivaient tumultueusement plus de
2 000 personnes. Il avait choisi la plus belle vue, d'où le nom de
Beauvoir, au pied des falaises calcaires du massif du Vercors, entre Grenoble
et Valence. Beauvoir était alors la « capitale » du
Dauphiné. Humbert II fut un joyeux noceur, mais aussi un bon
administrateur du Dauphiné. Il créa le Conseil delphinal en
1337, puis la cour des comptes à partir de 1340. Il fonda également l‘université de Grenoble le 12 mai 1339. En 1347, de retour de croisade, pourtant
ruiné, il fit construire le couvent des Carmes à côté du château de Beauvoir En
1349, il céda définitivement le Dauphiné à la France par le traité de Romans et
revêtit l'aube de bure des dominicains. Humbert II mourut en 1355 à l’âge de 43
ans.
A une cinquantaine de kilomètres de Tain, la visite à
Beauvoir est un grand bain de fraîcheur. En face de Saint-Marcellin,
surplombant la vallée de l’Isère, le site du château et du couvent des Carmes
ont été restaurés par le département de l’Isère. Et si seules quelques ruines
majestueuses, chapelle, donjon, enceinte, évoquent la somptuosité du château,
le cadre verdoyant est spectaculaire. On peut s’y détendre, y pique-niquer, s’y
instruire. Dans l’ancien couvent rénové, le tout nouveau musée des Dauphins
présente l'histoire du Dauphiné, de sa faune, sa flore, et même celle de
l’eau-de-vie locale, la Mousseline, cousine de la Chartreuse.
Comme il n’y a pas d’exposition cette année, le musée est en
accès gratuit. A côté, le jardin médiéval et le verger conservatoire encadrent
un restaurant qui met en valeur les produits du pays. Tout cela dans un village
médiéval parfaitement restauré, dont l’histoire explique en partie le
« mariage du siècle » de Tain l’Hermitage.
*D’où l’ancienne appellation Empi et Riaume pour
désigner les deux rives opposées du Rhône
Article publié dans le JTT du jeudi 8 octobre 2020.