En Equateur, le nom d’un Français figure en bonne place sur
les rues, lycées, monuments : Charles-Marie de la Condamine. Totalement
méconnu en France, ce savant fut un des responsables de la grande expédition
géodésique française en Amérique du sud, commanditée par Louis XV, en 1735,
pour mesurer un arc du méridien terrestre et connaître la forme exacte et les
dimensions de notre planète. Une expédition supervisée par l’Académie des
Sciences, à travers trois de ses membres : Le mathématicien Pierre
Bouguer, l’astronome Louis Godin et le géographe Charles-Marie de la Condamine.
Avec le médecin et naturaliste Joseph de Jussieu, une dizaine d’hommes,
chirurgien, horloger, technicien, ingénieur… participèrent à l’aventure.
L’expédition géodésique devait durer quelques mois, en
réalité elle dura plus de sept années, jusqu’en 1743, multipliant les
difficultés et les drames. Voyage périlleux, climat extrême, au cœur de la
Cordillère des Andes, entre les villes de Quito (actuellement capitale de l'Équateur) et de Cuenca, sur une distance d’environ 300 km.
Eruption volcanique, tremblement de terre, rien ne fut épargné aux
scientifiques, y compris l’hostilité des Espagnols qui dirigeaient le pays,
l’abandon ou les vols récurrents par les guides locaux en pleine tempête. La
bonne entente entre les différents membres de l’expédition tourna à la jalousie
et la haine, l’Académie coupa les crédits, maladies et décès furent à déplorer.
Pourtant les mesures continuèrent, d’abord terrestres par triangulation, puis
astronomiques. Les scientifiques vivaient sous tentes, dans des conditions
précaires, démontaient, déplaçaient et remontaient leurs instruments au fur et
à mesure de leur avancement. Les mesures s’effectuaient entre des signaux
construits sur les flancs des montagnes, pour être visibles de loin. Signaux
qui disparaissaient avec les tempêtes ou étaient détruits par les indigènes qui
y voyaient des manœuvres diaboliques. Après avoir noté et vérifié les mesures, il fallait encore effectuer à la main les calculs correspondants !
La Condamine, par son sens de l'organisation et des contacts
humains, sauva du désastre l'expédition française qui, après bien des péripéties,
obtint la mesure de trois degrés du méridien de Quito. Les résultats
confirmèrent ceux de l'expédition polaire en faveur de la théorie de Newton (la
terre s’aplatit aux pôles). En 1743, La Condamine, Bouguer et Godin se
séparèrent pour rentrer en France. La Condamine traversa le continent américain
d'ouest en est, pour rejoindre Cayenne, puis l'Europe en
bateau en 1745. Premier scientifique à descendre l'Amazone, il en dressa une carte, décrivant l'arbre
quinquina, dont on extrait la quinine, l'arbre à caoutchouc et l'usage du
curare, poison utilisé par les Amérindiens. Il participa par ses articles à
l’Encyclopédie de Diderot. Mais sans concrétiser son rêve : apercevoir les
fameuses Amazones qui donnèrent leur nom au fleuve ! Godin rejoignit Lima
puis traversa le Brésil jusqu’à Rio, Bouguer passa par le nord et Panama. En
France, les trois savants se disputèrent les honneurs de leurs résultats. Quant
à Jussieu, il resta plus de 35 ans à herboriser et soigner les indigènes dans
les Andes, avant de perdre ses caisses de spécimens et la raison !
Une aventure hors normes, racontée et commentée à la Cour et
dans les salons par La Condamine avec grand succès. Qui a fait rêver les
philosophes, dont Voltaire, les scientifiques et tous les esprits aventureux
des siècles suivants.
Pour les rêveurs d’aujourd’hui, deux
livres passionnants à découvrir : « Le procès des étoiles », de
Florence Trystram et « Doña Isabel, ou la véridique et très mystérieuse
histoire d’une créole perdue dans la forêt des Amazones », de Christel
Mouchard.
Article publié dans le JTT.
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