Nul n’est prophète en son pays. C’est particulièrement
vrai pour Henri Mouhot, né à Montbéliard en 1828, explorateur et naturaliste de
haute volée, que ses expéditions en Asie du sud-est ont conduit à redécouvrir
notamment les temples d’Angkor. Grand voyageur et photographe très apprécié
partout en Europe, il a aussi tissé en Indo-Chine des liens amicaux avec les
rois de Siam, du Cambodge, du Laos, ainsi qu’avec leurs populations. Par ses
expéditions, il a collecté une quantité importante de coquillages, insectes,
papillons, serpents, laissé des carnets riches en descriptions géographiques,
botaniques et ethnographiques, ainsi que de nombreux dessins et aquarelles.
Ajoutons que ce touche-à-tout de génie était unanimement reconnu comme savant,
modeste, chaleureux … Eh bien, cet homme exceptionnel, célèbre dans le monde
anglo-saxon, n’est connu ni en France, ni même en Franche-Comté !
Dès l’adolescence, Henri Mouhot manifeste un goût pour les voyages lointains
et aventureux. C’est ainsi qu’à 18 ans, il part enseigner le français à Saint
Pétersbourg, comme de nombreux Montbéliardais de l’époque. Pourquoi ?
Parce que la princesse Sophie-Dorothée de Montbéliard était devenue tsarine en
épousant Paul Ier, et à la cour de Russie, on parlait français. Il y reste une
dizaine d’années, enseignant à Saint-Pétersbourg, puis à Moscou, à Voronej sur
le Don. Il en profite pour parcourir l’immense empire russe. Il observe, prend
des notes, dessine et photographie, une science récente à laquelle il s’initie
sous la houlette d’un élève de Daguerre.
Retour en France en 1854. Avec son frère Charles, il entreprend de sillonner l'Europe, photographiant, exposant les clichés, expliquant l’usage du matériel. Puis il se marie … avec une anglaise, Ann Park, liée à
la famille de Mungo Park, célèbre explorateur britannique, et s’installe à
Jersey. Mais le virus des voyages est le plus fort. Henri Mouhot, grand
lecteur de récits exotiques, veut partir à la découverte des contrées
mystérieuses de l’Asie du sud-est. Malgré ses demandes, le gouvernement de
Napoléon III refuse de l’aider, il doit se financer lui-même, avec le soutien
de la vénérable Royal Geographical Society de Londres. Le 27 avril 1858 il s’embarque à Londres avec le projet d’explorer les royaumes de Siam, de Cambodge et de Laos et les tribus qui occupent le bassin du grand fleuve Mékong. Il débarque à Bangkok, cité cosmopolite, est reçu par le roi qui lui donne l’autorisation d’explorer le pays. Et part sur une simple pirogue, en compagnie de deux rameurs et de son inséparable chien. L’aventure commence. Cette première exploration dans une région inviolée par l’homme blanc est l’occasion de se familiariser avec les populations, les usages, d’apprendre à se déplacer et à vivre dans une nature souvent hostile et d’accumuler une somme considérable de connaissances sur la faune et la flore, qu’il consigne dans ses carnets.
Retour à
Bangkok, étiquetage, conditionnement, classement des collections de papillons,
mise au propre des notes, envoi des caisses par bateau à Londres. Puis il
repart le 23 décembre 1858 pour une deuxième expédition. A
bord d’une barque de pêcheur il explore les archipels du golfe du Siam, au prix
de réels dangers (naufrage, présence de pirates), puis aborde le rivage
cambodgien à Kampot. Fort de l’appui du roi, il part reconnaître des
territoires des « sauvages Stiengs », dont il étudiera les mœurs, montrant ses qualités d’ethnologue. Puis il se dirige vers l’ouest du pays, attiré par des
rumeurs selon lesquelles un immense palais, oublié et englouti dans la jungle,
a pu servir de capitale à un « grand empire khmer ». Accompagné par un
missionnaire français, il se met en route vers la cité mythique.
La troisième expédition dure 4 mois au Siam, l’occasion de récolter
serpents, coléoptères, de laisser son nom à certaines espèces de coquillages.
La quatrième le conduit encore plus loin, au Laos, en traversant à dos d’éléphant
la jungle jusqu’à Luang Prabang.
En
septembre 1861, épuisé, il s’arrête près de Na Lè, au bord du Nam Kam. Atteint
par la fièvre jaune, il meurt le 10 novembre 1861, à 35 ans. Ses serviteurs
l’enterrent et rapportent ses bagages au consulat français. Son frère et sa veuve feront publier ses carnets et donneront ses collections à différents musées.
Henri Mouhot fut un homme et un explorateur exceptionnel. Ses renseignements précis et complets ont permis de connaître et de comprendre l’Asie du sud-est. Ses carnets ont connu un succès mondial. Ses collections ont enrichi les musées anglais. A l’heure où il n’y a plus de terres inconnues à découvrir, c’est la vie et l’œuvre d’Henri Mouhot, qui méritent d’être explorées !
Article publié dans l'Esprit Comtois.
Ce genre de personnage
RépondreSupprimerhors du commun n'interresse plus les foules.et pourtant ,partir avec tous les risques dans ces territoires inexplorés à cette époque,pour une etude tout azimut mériterait plus de reconnaissance et d,attention pour notre pauvre humanité en phase terminale.