C’est très difficile pour Emile, quand on lui pose cette
question à l’école. Que fait son père ? Il lui raconte tant d’histoires
extraordinaires, il a eu tant
d’activités prestigieuses, parachutiste, artiste de music hall, champion de
judo, footballeur professionnel …
Emile voue une admiration sans bornes à son géniteur, qui ne
semble pourtant guère avoir une profession réelle, et le martyrise quotidiennement.
Lever en pleine nuit, pompes, coups de ceinture, de martinet, privation de
nourriture, jouets cassés, Emile endure tout sans jamais remettre en question les
exigences et le prestige paternels.
Le récit se passe en 1961, la guerre d’Algérie fait rage, et
André, le père, affilié à l’OAS a décidé de tuer le général de Gaulle. Il
envoie son fils inscrire des slogans sur les murs, porter des lettres anonymes.
Emile a juré fidélité sous serment à ce père violent, il exécute les ordres
sans les comprendre, sans voir le danger.
Fluet, asthmatique, sensible, Emile survit pourtant à cette
enfance fracassée. Sa seule échappatoire, c’est le dessin, où il excelle. La
famille vit dans un enfermement total, on ne fréquente personne, on ne sort
pas. La mère supporte les brimades, les coups, elle a appris à se taire, elle
ne réagit plus, elle est dans le déni total de la souffrance de son fils.
C’est seulement à l’âge adulte qu’Emile arrivera à
comprendre que toute son enfance a été bercée de mensonges par un psychopathe.
Les blessures sont profondes, mais l’espoir existe, il lui faudra tout
réapprendre de l’humanité, dans le mariage et la paternité.
Sorj Chalandon nous livre un roman terrible sur l’enfance brisée, dans un style sobre, sans pathos, qui n’en est que plus
efficace. Quelle est la part autobiographique de
ce récit, alors que l'auteur a attendu la mort de son père pour le rédiger ?
Né en 1952, grand reporter à Libération de 1973 à 2007, puis
au Canard Enchaîné, Sorj Chalandon est non seulement journaliste mais écrivain,
ses romans poignants ont été couronnés par de nombreux prix littéraires.
Profession du père
est maintenant disponible en Livre de poche.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 27 octobre 2016.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 27 octobre 2016.
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