Un road-trip totalement hors normes, en compagnie d'un trompe-la-mort assumé.
1812 : Retraite des armées napoléoniennes à travers la
Russie.
2012 : Pour commémorer cet anniversaire, Sylvain
Tesson, avec quelques amis aussi déjantés que lui, décide de refaire le trajet
en moto, et en plein hiver, de Moscou à Paris. S’ensuit un récit de voyage qui mêle constamment histoire et
géographie, carnet de route et météo, réflexions philosophiques et rencontres.
Beaucoup de remises en question dans cet
ouvrage. En premier lieu, le mot Berezina, synonyme chez nous de débandade. Ce
fut pourtant une réussite stratégique de Napoléon sur l’armée russe, qui
d’ailleurs n’a jamais obtenu de victoire sur lui : c’est
l’hiver qui a décimé la Grande
Armée. Ensuite , le rôle et le génie de
Napoléon, si injustement brocardé, alors que la gestion administrative de la
France lui doit beaucoup et qu’il fut le premier chantre de l’égalité, via la méritocratie. Enfin ,
la description d'un carnage inimaginable, qui préfigure celui de 1914 par son ampleur, son
horreur.
Le style, l’écriture de Tesson sont remarquables de
diversité et de pertinence. Formules lapidaires, éclairs poétiques, humour
ravageur, impressions personnelles, raisonnements argumentés. Étayés par ses connaissances
du terrain, la Russie et l’Europe de l’Est, sa culture historique, et sa
pénétration de l’âme humaine, lui qui a vécu des situations extrêmes. Il peut
se permettre de critiquer notre monde de confort, de fadeur, et de fric, puisqu’il vit en marge, loup solitaire
préférant la douceur de l’alcool à celle des sentiments.
Avec Tesson, sur les vieilles motos soviétiques, les seules qui peuvent rouler dans la neige par -30°, ça décoiffe !
Berezina est disponible en poche chez Folio.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 26 mai.