La luminosité d'automne était
exceptionnelle, le panorama s'étirait du Ventoux à Sainte-Victoire,
de Sainte-Baume au Lubéron et même jusqu'au Dévoluy. Les champs
moissonnés de lavande ou de blé dur s'étendaient à l'infini, sous
un ciel bleu pur, juste ponctués par quelques mas isolés,
construits en galets, blottis à l'ombre d'un arbre séculaire.
Quelques pigeonniers, à l'architecture codifiée, rompaient
l'horizontalité : double toiture, exposition sud, petites ouvertures
pour filtrer les prédateurs, alignement de boulins à l'intérieur,
carreaux de faïence pour décourager les rongeurs d'y grimper. Mais
pourquoi toutes ces attentions envers les pigeons ? A quoi
servaient-ils ? De nourriture parfois, mais c'était surtout leur
guano qui importait, car il fertilisait les champs.
Les arbres emblématiques de Provence, c'était le thème de notre randonnée sur le plateau de Valensole. L'olivier et le figuier, appréciés, productifs et entretenus. Les mûriers aux formes noueuses, maintenant abandonnés, autrefois indispensables car leurs feuilles servaient à nourrir les vers à soie, quand les paysans arrondissaient leurs fins de mois avec l'élevage et la vente des cocons, du XVIIIè siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Les amandiers, venus d'Iran comme leurs
cousins les pêchers, plus de cent vingt mille sur la simple commune
de Valensole dans les années 1950, assuraient la production
d'amandes pour toute la France, consommées naturelles ou transformées
par les confiseurs locaux, en nougat, calissons, croquants... Ils
sont rares maintenant, les amandes viennent de Californie, et les
amandiers, dont la floraison immaculée marquait la fin de l'hiver,
ont été abattus car ils gênaient la mécanisation des cultures.
A l'opposé des chênes truffiers, de
plus en plus nombreux sur ce terroir rocheux et ensoleillé. Un
investissement d'avenir, car il faut attendre au moins dix ans, avant
d'obtenir, peut-être, une première truffe.
Présents dans chaque ferme :
noyer et tilleul. Un apport nutritif, commercial, et une tradition
familiale : quand naissait un garçon, on plantait un noyer, les
noix sont précieuses en hiver et le bois servirait un jour à faire
les meubles nécessaires à l'établissement d'un homme. Pour une
fille, on plantait un tilleul, la récolte du tilleul, c'était
l'argent des femmes, celui qui permettrait de faire face aux dépenses
imprévues. Les anciens préparaient ainsi l'avenir, en renouvelant les plantations.
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