mercredi 28 octobre 2015

Devenez écrivain (e) !

Dans la ville de Bienne, l’affiche interpelle, invite à participer aux journées Portes Ouvertes de l’Institut littéraire, un département de la Haute Ecole d’Art  de Berne, qui propose depuis 2006 aux étudiants un Bachelor en écriture littéraire. Les enseignants : des écrivains confirmés.
Dans la belle villa art déco cachée au fond d’un parc aux couleurs d’automne, l’effervescence règne . Accueil chaleureux par les étudiants, en allemand et en français, la formation étant proposée dans les deux langues officielles de la ville.  Le public peut assister à des cours, suivre des lectures de textes, participer à des ateliers d’écriture. Une approche du programme d’études mis en place pour développer la création littéraire, qui en plus d'une pratique régulière comporte échanges critiques, suivi et approfondissement personnalisés, contacts avec le milieu éditorial, rencontres artistiques. 

Les départements de creative writing existent depuis très longtemps dans les universités anglo-saxonnes, et nombre d’auteurs reconnus (Philippe Roth, Ian Mac Ewan, Raymond Carver, Laura Kasischke… ) en sont issus. La Suisse a ouvert il y a dix ans cette première formation en langue française, alors que la France s'en désintéressait. Depuis, un Master de création littéraire s’est ouvert au Havre en 2013, Paris et Toulouse ont suivi cette année. Pourquoi ce retard à la formation ?

Une idée répandue, c'est qu'écrire ça ne s’apprend pas. Pourtant toutes les autres disciplines artistiques, peinture, sculpture, musique ... s’enseignent.
Une difficulté : les facultés de lettres ne favorisent pas la création littéraire, avec des universitaires, bardés de diplômes, qui n’ont en général publié que des exégèses  peu lisibles. On ne développe pas la créativité des étudiants en les comparant d’emblée à Proust ou Balzac, même si leur lecture est indispensable. 
Il fallait innover en s'appuyant sur des structures adaptées, comme les écoles d’art. Une (r)évolution.

L’Institut littéraire de Bienne va plus loin avec le Mentorat en ligne. Il accompagne ainsi les projets d’écriture d'auteurs de tous âges qui ne peuvent suivre le cursus, en leur proposant un échange constructif suivi. Admission payante et sur dossier.
Mais en France, on peut s'adonner au plaisir de la création littéraire autrement : en fréquentant les ateliers d'écriture, ouverts à tous, sur tout le territoire.

Renseignements sur  l'Institut littéraire de Bienne : http://www.hkb.bfh.ch/fr

samedi 24 octobre 2015

Cristel, fleuron de l'art culinaire français

A l’origine, la fabrique de casseroles émaillées de Fesches-le-Châtel (Doubs) était une des nombreuses usines de l’empire industriel fondé par Frédéric Japy  à la fin du XVIIIème siècle, qui produisait visserie, mouvements horlogers, pompes, moulins, puis machines à écrire ... La première casserole emboutie au monde, exposée dans une vitrine de l’entreprise, fut fabriquée ici en 1849. Après le démantèlement de la multinationale Japy en 1959,  mal gérée par des financiers successifs, l’usine de casseroles fut déclarée en liquidation en 1979, malgré son savoir-faire reconnu. Mais les anciens employés refusèrent d’abandonner leur entreprise, s’unirent en coopérative et essayèrent de maintenir une petite production dès 1983.

La résurrection de l’entreprise, c’est au couple Dodane qu’ils la doivent : Madame, scrupuleuse comptable, Monsieur, technicien inventif. Sollicités pour évaluer les chances de survie de la coopérative lourdement endettée, promise à la faillite, ils relèvent le défi sur une intuition géniale : changer de créneau, en innovant : ils décident de mêler cuisson et service. Comment cela ? En inventant les poignées amovibles, qui transforment la casserole  en légumier, et la font passer de la cuisine à la table. Esthétiques, ergonomiques, fonctionnelles, les premières casseroles à poignées amovibles présentées au salon Bijorca en 1986 obtiennent un beau succès. L’heure est à une nouvelle conception de la cuisine, conviviale et ouverte, le produit s’adapte parfaitement à l’air du temps.
 
Les difficultés financières ne sont pas réglées pour autant. Mais la success story est en marche, des investisseurs parient sur le haut de gamme et l’innovation. Quand les plaques à induction apparaissent, Paul Dodane, prévoyant l’évolution du marché, met au point une casserole adaptée, grâce à un fond conducteur compatible. Nouveau succès. Ensuite, il propose les bords droits, pour un meilleur rendement thermique, les anses amovibles, pour mettre la cocotte au four, introduit la couleur… Les Japonais, conquis dès la première heure par le gain de place et le design, sont à l’origine d’un marché international en plein essor. Toutes les grandes tables s'équipent en Cristel.

La petite entreprise familiale a obtenu de nombreux trophées, dont celui du Patrimoine vivant. Le Pays de Montbéliard concourt ainsi à valoriser la gastronomie française, reconnue au Patrimoine de l’humanité !

mardi 20 octobre 2015

Les 60 ans du site nucléaire de Marcoule

Le centre d'énergie atomique de Marcoule a été créé en 1955, au bord du Rhône, entre Pont-Saint-Esprit et Bagnols-sur-Cèze. En 1956, son réacteur a produit les premiers kilowatt-heures français d'origine nucléaire. Après un élargissement constant de ses activités, il est maintenant spécialisé dans la recherche sur la gestion des déchets radioactifs. Il accueille environ 3000 employés et 2000 étudiants doctorants de tous les pays.
A l'occasion des 60 ans du site, les familles et amis des employés étaient invités, moyennant des contrôles drastiques d'identité (photos et téléphones interdits), à pénétrer dans l'enceinte hypersécurisée. Une fois les portiques passés, une immense cité industrielle se dévoilait. Au centre, un chapiteau festif proposait une vitrine des initiatives économiques et sociales, et des animations ludiques, mais la plupart des visiteurs n'avaient qu'une envie : entrer au coeur des bâtiments où leurs proches travaillent, pour essayer de comprendre un peu ce qui s'y passe.

La visite du bâtiment Atalante était très prisée. Une rapide présentation : ici, on s'occupe de la gestion des déchets radioactifs, à la fois au niveau de la recherche théorique, de la mise en place de protocoles techniques, et de la réalisation pratique. Le procédé français est la vitrification, qui isole le déchet radioactif dans une couche de verre que les rayons ne peuvent traverser. Il fallait s'équiper de blouses et de chaussons pour parcourir d'interminables couloirs, ponctués de portes sécurisées, et entrer dans les salles de travail dépressurisées. Un univers robotisé, où les techniciens, à l'abri de parois protectrices, interviennent les mains enfilées dans des "boîtes à gants" en cas de déchets simplement contaminés, ou en dirigeant des pinces télécommandées, situées derrière un mètre de béton, en cas de matériaux irradiants.

Pour saisir quelques principes de la radioactivité, le plus simple, c'était de compléter la visite de Marcoule par une incursion au Visiatome, le musée scientifique ouvert au public à côté du site depuis 10 ans. Un lieu qui fêtait la science ce week-end, avec de nombreuses animations destinées à rendre concrètes certaines notions de physique et chimie. Les différences entre rayonnements α, β et γ, leur utilisation pour dater les corps, ou soigner les cancers... Un stand a eu beaucoup de succès auprès des enfants : l'arbre aux cristaux, ou comment une solution saline se répand le long de buvards, pour se cristalliser à l'air.
Le Visiatome est ouvert toute l'année au public, il organise visites, expositions, conférences, animations scolaires et, pendant les vacances, des ateliers scientifiques. Le thème de celles de Toussaint : l'aimant et la boussole. De quoi faire naître des vocations de chercheurs en tous domaines !

Pour en savoir plus : www.visiatome.fr

Article publié dans le JTT.

vendredi 16 octobre 2015

Chronique littéraire : Constellation, de Adrien Bosc

Le 27 octobre 1949, à 20h06, le qua­drimoteur Constellation F-BAZN d'Air France décolle de l'aérodrome d'Orly, à destination des Etats-Unis. Dans la nuit, l'avion s'écrase sur la crête du mont Redondo, aux Açores. Aucun survivant. 
Le 24 mars 2015, l’A 320 GWI18G de la compagnie Germanwings décolle de l'aéroport international de Barcelone-El Prat. Destination Düsseldorf, en Allemagne, avec 144 passagers et six membres d'équipages à bord. A 10h41, il s’écrase sur un massif des Alpes de Haute-Provence. Aucun survivant.

Ces deux événements n’ont rien de commun, sauf l’épilogue. D’un côté, un avion de stars, pour un voyage inaugural, de l’autre une compagnie à bas prix. Pilote chevronné dans le Constellation, face à un malade mental dans l’A320. Mais en lisant le roman d’Adrien Bosc, écrit bien avant le deuxième drame, on ne peut que mettre les deux événements en parallèle.
L’écrivain alterne en courts chapitres le déroulement du vol, du crash, et des recherches, avec les portraits émouvants des 48 passagers. Célèbres, comme Marcel Cerdan, champion du monde de boxe, rejoignant Edith Piaf aux USA, ou Ginette Neveu, violoniste virtuose en tournée internationale. Ou inconnus, vacanciers riches, voyageurs réguliers, mais aussi simples employés, berger ou bobineuse attirés par le Nouveau Monde. Une constellation de destins, d’histoires poignantes, arrêtés par un hasard implacable. Comme l’avion brisé au sol, toutes ces vies laissent des traces derrière elles, des souvenirs.

Le vrai héros de l’histoire, c’est le hasard. Pourquoi certains ont-ils renoncé à prendre place dans l’avion à la dernière minute ? Pourquoi ce vol par beau temps, dans un avion sophistiqué, avec un bon pilote a-t-il percuté la montagne ? Comment certains ont-ils pressenti la catastrophe ? Ce récit passionnant, émouvant, bien documenté, ouvre sur de grandes interrogations.

Adrien Bosc, né en Avignon en 1986, a obtenu le Grand Prix de l’Académie Française en 2014 pour ce premier roman. Disponible actuellement en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT.

dimanche 11 octobre 2015

Soleil d'automne à Brienz

Brienz en octobre offre une symphonie de couleurs éclatantes, lac turquoise, végétation dorée ponctuée de flamboiements rouges sur les rives, forêts de sapins sombres, puis chaumes ocres partant à l’assaut des crêtes rocheuses, enfin, tout en haut, les premières traces de neige sur les cimes.
Pour apprécier le panorama dans toute sa splendeur, rien ne vaut la montée au Rothorn, le sommet local, avec le petit train à crémaillère, qui en une heure, et à (toute) vapeur, grimpe vaillamment les 1700 m de dénivelée. Curieux attelage : la locomotive noire est accrochée derrière les wagons rouges et les pousse. Elle siffle et halète tout le long du parcours de 7.6 km, ajoutant une petite note nostalgique au voyage. 

Par les vitres panoramiques, on profite de points de vue spectaculaires sur la ville, le lac, et les Alpes bernoises. Forêt ou prairie, tunnels ou vertigineux alpages, le décor se renouvelle tout au long de la rude pente, plus de 20% ! A mi-parcours, il faut recharger la locomotive en eau. Deux mécaniciens s’en chargent, visages noircis et souriants. A l’intérieur des wagons aussi, la bienveillance règne, un compagnonnage bon enfant se crée. Est-ce la lenteur du déplacement ? L’émerveillement devant la beauté grandiose du paysage ? Chacun s’extasie, et partage son enthousiasme avec ses voisins.

Après l’arrivée à la gare , il faut encore 20 minutes de rude grimpette zu Fuss avant d’atteindre le sommet, 2350 m. Là-haut, on atteint le sublime, quand la chaîne immaculée des 4000, Eiger, Jungfrau, Mönch, émerge, radieuse, au soleil. La vue s’étale à 360°, Pilatus, Riggi, Chasseral et autres cimes balisent le décor, on est vraiment au centre de la Suisse. Une borne triangulaire en témoigne : le Rothorn est à l'intersection des trois cantons : Bern, Luzern et Unterwald.
Grisés d'infini, de vent et de soleil, il ne reste qu'à faire honneur aux rösti du Rothorn Kulm Restaurant, avant d'entreprendre la descente.

mardi 6 octobre 2015

Les arbres de légende

La luminosité d'automne était exceptionnelle, le panorama s'étirait du Ventoux à Sainte-Victoire, de Sainte-Baume au Lubéron et même jusqu'au Dévoluy. Les champs moissonnés de lavande ou de blé dur s'étendaient à l'infini, sous un ciel bleu pur, juste ponctués par quelques mas isolés, construits en galets, blottis à l'ombre d'un arbre séculaire. Quelques pigeonniers, à l'architecture codifiée, rompaient l'horizontalité : double toiture, exposition sud, petites ouvertures pour filtrer les prédateurs, alignement de boulins à l'intérieur, carreaux de faïence pour décourager les rongeurs d'y grimper. Mais pourquoi toutes ces attentions envers les pigeons ? A quoi servaient-ils ? De nourriture parfois, mais c'était surtout leur guano qui importait, car il fertilisait les champs.

Les arbres emblématiques de Provence, c'était le thème de notre randonnée sur le plateau de Valensole. L'olivier et le figuier, appréciés, productifs et entretenus. Les mûriers aux formes noueuses, maintenant abandonnés, autrefois indispensables car leurs feuilles servaient à nourrir les vers à soie, quand les paysans arrondissaient leurs fins de mois avec l'élevage et la vente des cocons, du XVIIIè siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Les amandiers, venus d'Iran comme leurs cousins les pêchers, plus de cent vingt mille sur la simple commune de Valensole dans les années 1950, assuraient la production d'amandes pour toute la France, consommées naturelles ou transformées par les confiseurs locaux, en nougat, calissons, croquants... Ils sont rares maintenant, les amandes viennent de Californie, et les amandiers, dont la floraison immaculée marquait la fin de l'hiver, ont été abattus car ils gênaient la mécanisation des cultures.
A l'opposé des chênes truffiers, de plus en plus nombreux sur ce terroir rocheux et ensoleillé. Un investissement d'avenir, car il faut attendre au moins dix ans, avant d'obtenir, peut-être, une première truffe.
Présents dans chaque ferme : noyer et tilleul. Un apport nutritif, commercial, et une tradition familiale : quand naissait un garçon, on plantait un noyer, les noix sont précieuses en hiver et le bois servirait un jour à faire les meubles nécessaires à l'établissement d'un homme. Pour une fille, on plantait un tilleul, la récolte du tilleul, c'était l'argent des femmes, celui qui permettrait de faire face aux dépenses imprévues. Les anciens préparaient ainsi l'avenir, en renouvelant les plantations.

Tout cela, notre accompagnatrice le raconte de sa voix douce, avec son accent chantant. Elle est l'incarnation de la nature provençale, généreuse, riante et passionnée. Avec elle chaque balade est à la fois botanique, culturelle et gourmande. Avant de nous quitter, elle sort de son sac le sirop de lavande ou le nougat noir, pour nous initier aux saveurs d'antan... Que du bonheur !