En plein centre de Villard-de-Lans, une
pancarte surprend : Rue du lycée polonais. Si la curiosité
vous incite à suivre cette rue pour en savoir plus, vous apercevrez,
à l'abandon, un grand bâtiment fermé, dont l'enseigne est à peine
visible : Grand Hôtel du Parc et du Château. Une plaque y est
apposée : "Ici a été hébergé le Lycée Polonais entre 1940
et 1946".
Pour lever le mystère, direction la
Maison du Patrimoine, où une exposition reconstitue toute l'histoire
de ce lycée, une extraordinaire histoire de résistance et d'amitié.
Septembre 1939 : L 'Allemagne
envahit la Pologne, des milliers de réfugiés affluent en France,
terre d'accueil traditionnelle. Un lycée polonais est créé à
Paris, pour assurer la scolarisation des enfants exilés, ainsi que celle des
jeunes émigrés de deuxième et troisième génération.
C'est le seul établissement secondaire polonais de l'Europe occupée.
Juin 1940 : Les Allemands
vainqueurs entrent à Paris, la France est coupée en deux, il faut délocaliser le lycée en zone libre. La région de Grenoble, où
vit une communauté polonaise, est pressentie. Mais où trouver
un endroit tranquille, pourvu des bâtiments nécessaires à l'internat ?
Villard-de-Lans, destination touristique, et son Grand Hôtel du Parc et du Château sont choisis.
Plus de huit cents élèves, filles et
garçons, ainsi qu'une soixantaine de professeurs, vont se succéder
dans la petite commune rurale, pour recevoir un enseignement
franco-polonais de haut niveau. Au début, les deux communautés
restent sur la défensive, s'observent, mais rapidement des liens se
créent. Des employés sont recrutés. Les jeunes aident les paysans
pour les récoltes pendant l'été. La chorale du lycée anime les
messes dominicales. Les équipes de football, de ski, de boxe,
fraternisent. Et surtout, Polonais et Villardiens ont un objectif
commun : la résistance aux Nazis, déjà opérationnelle dans la
communauté polonaise, et qui s'organise dans le Vercors.
Janvier 1943: La zone libre est envahie
à son tour. Départs clandestins pour Londres, pour certains
Polonais, intégration aux FFI pour d'autres, participation aux
différents combats du Vercors, arrestations, exécutions,
déportations. Les élèves et professeurs Polonais partagent les
activités de la Résistance, et comme eux subissent de lourdes pertes à
Vassieux en juillet 1944.
A la fin de la guerre, la Pologne reste occupée, mais sous
le joug de l'URSS. Le directeur du lycée est remplacé par un agent
à la solde de Moscou. Les élèves regagnent leurs familles, le lycée réinvestit ses locaux à Paris. C'est la fin d'une belle aventure
intellectuelle, montagnarde et solidaire.
Le lycée polonais, foyer d'indépendance
et de rébellion, a cependant contribué à former l'élite de la
Pologne actuelle : professeurs, écrivains, avocats, médecins,
journalistes, hommes politiques...
Un tiers des Polonais est reparti au pays, la moitié des survivants est
restée en France. Mais tous ont contribué à
pérenniser les liens entre Villard-de-Lans et la Pologne, cultivant la
mémoire de ce lycée extraordinaire, où le mot d'ordre était :
"Pour notre liberté et pour la vôtre".