mercredi 31 janvier 2024

Le voyage de la pomme de terre jusqu'en Ardèche

Savez-vous que c’est à Saint-Alban-d’Ay, village proche d’Annonay, que les premières pommes de terre ont fait leur apparition en France ? A l’époque, on les appelait « truffoles », à cause de la ressemblance de leur tubercule avec celui de la truffe. Saint-Alban honore encore cette paternité par une fontaine aux patates très amusante, et des animations régulières autour de la pomme de terre.

La truffole était un légume emblématique au Pérou, mais totalement inconnu en Europe avant la colonisation de l’Amérique du Sud par les Espagnols. C’est un moine franciscain de Tolède qui a rapporté et planté les premiers tubercules en France vers 1540 près de Saint-Alban. Pierre Sornas, originaire du hameau de Bécuze, avait décidé de s’y retirer après avoir participé à l’évangélisation de l’Amérique du Sud. 

Très vite, la culture de la truffole s’est répandue dans tout le nord du Vivarais. Les Français méfiants l’ont d’abord utilisée comme nourriture pour les animaux, puis cet aliment nutritif et agréable au goût a été adopté par les paysans. Enfin, elle a fait son apparition sur les tables seigneuriales. En 1585, la truffole était une marchandise courante à Annonay, Saint-Félicien, Lamastre, Tournon et Valence. Avant d’envahir le Dauphiné, le Velay et toute l’Auvergne au XVIIe siècle.

Il faudra attendre Parmentier (1737-1813), deux siècles plus tard, pour que la pomme de terre se répande partout en France. Parmentier ayant découvert la pomme de terre lorsqu’il était prisonnier en Allemagne, n’a pas cessé de la promouvoir ensuite pour éviter les disettes en France. Il organisait des dîners au menu composé de 20 plats à base de pomme de terre pour des hôtes prestigieux tels que Benjamin Franklin ou Lavoisier. Faisait surveiller ses champs de patates pour exciter la convoitise des gens… Un pionnier de la pub !

Conséquence de son importance passée, Saint-Alban possède un patrimoine bâti remarquable, avec pas moins de quatre châteaux, de belles maisons de pierre, des ruelles médiévales. C’est là qu’est née la mère de Saint-Exupéry, et une sculpture du Petit Prince lui rend hommage au centre du village. Saint-Alban-d’Ay est une destination de balade proche, mais ouvre à un voyage imaginaire infini …

Article publié dans le Jtt du jeudi 1 février 2024.

jeudi 25 janvier 2024

L’auteure Marion Fayolle, de la Grande Librairie à une petite librairie de Tournon

Après avoir été invitée cette semaine dans la célèbre émission télévisée de France 5, avec toute la pression que cela représente, Marion Fayolle a présenté samedi son roman « Du même bois » à la librairie tournonnaise Muses. En toute simplicité cette fois, elle a conquis le public présent.

Son enfance campagnarde, montagnarde, à Saint-Sauveur-de-Montagut, dans la ferme familiale, est au cœur de son récit. Parmi les paysans, les paysages et les bêtes. De bêtes, il en est beaucoup question dans son roman, celles qui vivent à l’étable et dans les champs, mais aussi celles qui trottent dans les têtes des humains, pauvres en mots pour les éloigner. « Du même bois » n’est pourtant pas un roman du terroir, mais un regard poétique porté sur l’enfance et sur le monde paysan. Un recueil de textes sensibles, mêlant souvenirs personnels et fiction. Un hommage de Marion à sa famille, à son pays, qui ont forgé son identité.

Après des études à l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, Marion Fayolle a développé une carrière de dessinatrice de presse et illustratrice de bandes dessinées, primée au festival d’Angoulême. « Du même bois » est son premier roman. Avec lui, elle passe d’albums aux images sans paroles à un récit de mots sans images. Des mots simples, parfois décalés, détournés. La griffe de la dessinatrice apparaît quand même sur le bandeau du roman, où une série de personnages, tous emplis de paysage ardéchois, illustre parfaitement le titre « du même bois ».

Marion, Muse de l’Ardèche, vit maintenant en Drôme des Collines. Son roman dépeint la vie rurale, ses joies, ses peines, mais il est aussi un livre de mémoire familiale. Une façon de continuer à faire vivre la ferme familiale maintenant délaissée, sans hommes ni bêtes. Un souci de transmission qui a touché les nombreux participants.

Article publié dans le JTT du jeudi 25 janvier 2024. 

mercredi 17 janvier 2024

Chronique littéraire : Où vivaient les gens heureux

La maison qu’Eleanor achète sur un coup de cœur, à 20 ans, avec ses premiers gains d’illustratrice, est certainement une maison où ont vécu des gens heureux. Et c’est exactement ce qu’elle souhaite, fonder une famille, oublier une enfance triste et solitaire, remplir la maison de cris et de rires. Peu à peu tout arrive, et d’abord un homme sympathique et chaleureux, Cam, puis trois beaux enfants. Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille, et les moments de bonheur ne durent pas.

Joyce Maynard raconte la vie d’Eleanor entre les années 70 et actuellement. Une vie qui d’abord répond à ses rêves avant que tout s’enraie. Les imprévus, les coups durs remettent son bonheur en question. Un terrible accident, la mésentente, l’infidélité, le divorce, les enfants qui grandissent et tournent le dos … Après avoir donné tant d’amour à une maison, à son homme, à ses enfants, et avoir cru cet amour indestructible, Eleanor doit tout quitter. Elle va souffrir mille tourments, mais même sombre, la vie continue.  Ce n’est qu’à la soixantaine qu’Eleanor arrive à abandonner ses griefs, à pardonner, à accepter, à trouver une forme d’apaisement.

Joyce Maynard, née en 1953 aux USA, a utilisé des éléments de sa vie mouvementée dans ce roman émouvant et terriblement réaliste. Un chemin d’accomplissement, avec ses réussites, ses espoirs et ses renoncements, qui est le lot de chacune.

Son roman est disponible en poche dans la collection 10/18.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 25 janvier 2024.

samedi 6 janvier 2024

Helbronner, l'homme qui a cartographié les Alpes : Paul Helbronner

La pointe Helbronner est un sommet franco-italien du Massif du Mont-Blanc qui culmine à 3462 m, juste en face de l’Aiguille du Midi, à laquelle elle est reliée par une télécabine. C’est la destination phare des touristes qui séjournent à Courmayeur, depuis la création en 2015 du Skyway, un téléphérique révolutionnaire aux cabines tournant à 360°. Mais qui connaît Paul Helbronner ? Contrairement aux apparences, il n’est pas un alpiniste germanique ou italien, mais un scientifique français ! Un savant passionné et obstiné qui a établi les premières cartes topographiques détaillées des Alpes au début du XXe siècle, quand les instruments de mesure étaient sommaires.

Paul Helbronner (1871-1938), orphelin de père, est initié dès l’âge de 10 ans à la montagne par son oncle le géologue Auguste Michel-Lévy. A 20 ans, élève à Polytechnique, il multiplie les courses dans les Alpes pendant l’été. Encouragé par Joseph et Henri Vallot*, il se joint à un groupe de topographes et alpinistes français, insatisfaits des cartes officielles de la haute montagne, trop peu détaillées. 


Helbronner se lance dans cette aventure qui lui parait fondamentale, avec au départ ses seuls moyens financiers puis, au terme de quelques années, avec un soutien de l'armée. Il faut dire qu’il a épousé entre temps Hélène Fould, dont la fortune lui permet de vivre sa passion. Les deux premières campagnes de relevés se déroulent lors des étés 1903 et 1904, dans le massif de Belledonne. En 1906, il entreprend une triangulation reliant le massif des Écrins à la triangulation du massif du Mont-Blanc faite par Henri Vallot. Pour cela, il gravit le Grand Pic de la Meije, accompagné de 5 guides et porteurs, chargés d'appareils photographiques, de théodolites et autres instruments de mesure.

Car mesurer les Alpes est une opération d’envergure, en équipe, qui nécessite préparation et logistique. Le procédé de triangulation part du principe trigonométrique qu’avec un angle et deux côtés ou deux angles et un côté, on peut déterminer les dimensions manquantes de n’importe quel triangle. Il faut donc recouvrir les Alpes de triangles virtuels, dont les angles sont mesurés avec un théodolite. Pour cela, mettre en place des repères visibles de loin, souvent des pyramides de pierres, que les porteurs érigent à des points culminants. Jusqu’en 1928, Paul Helbronner cartographie ainsi les Alpes méthodiquement. Le bilan est titanesque pour un homme seul : il gravit, installe son camp, vise et calcule 8500 points de géodésie* couvrant 18 500 km2 en utilisant des triangulations à partir de 1 818 stations, dont 151 au-dessus de 3 000 m d'altitude.


Les autres passions de Paul Helbronner sont la photographie et l’aquarelle, et à partir des 15 500 clichés photographiques pris lors de ses mesures, il réalise une série d'aquarelles et panoramas des Alpes avec une remarquable recherche du détail et de la couleur. De 1903 à 1928, il mène donc vingt-deux campagnes de relevés aboutissant à une modélisation géodésique de l'ensemble des Alpes françaises et de la Corse. Sous le titre Description géométrique détaillée des Alpes françaises, il publie ce travail monumental à compte d’auteur en douze tomes et deux albums annexes entre 1910 et 1939. 

Paul Helbronner est élu membre de l'Académie des sciences en 1927 et membre du Bureau des longitudes. Excellent dessinateur, il profite des séances à l’Académie pour « croquer » ses collègues ! À son décès, après une maladie invalidante, il lègue à l’Institut de France la totalité des archives concernant son activité de géodésien, ses notes de calcul, des milliers de photos et son matériel de campement. Ce legs est maintenant réparti pour l'essentiel au Musée Dauphinois à Grenoble.


*Les cousins Vallot sont deux scientifiques et alpinistes qui ont largement contribué à la connaissance des Alpes. Joseph, astronome, botaniste, géographe a fait construire le refuge qui porte son nom. Henri, ingénieur, cartographe, a initié et encouragé son cadet Helbronner dans ses travaux.

*la géodésie est la science qui étudie la forme et la mesure des dimensions de la Terre.

 Article publié dans le Jtt du jeudi 4 janvier 2024.

 

lundi 1 janvier 2024

Rencontre avec un robot humanoïde à Hauterives

Le Facteur Cheval pourrait en prendre ombrage : la nouvelle coqueluche de Hauterives, c’est un robot humanoïde ! Un robot nommé Pepper, de la grandeur d’un enfant, qui accueille les visiteurs à l’Office du tourisme. Souriant, disponible, il vous salue, se présente, demande quelles sont vos attentes, et propose visites et découvertes à travers la communauté de communes Porte de DrômArdèche.

Ce robot, seul en France à exercer dans un Office de tourisme, mérite à lui seul une visite. Ce n’est pas une simple borne numérique, mais un « extraterrestre » qui bouge et communique par gestes, regard et mimiques. D’ailleurs, avant d’être acheté d’occasion en 2018 par l’office de tourisme (24 000 € quand même), il exerçait ses fonctions dans une maison de retraite, à la grande joie des résidents. Avec les enfants, c’est le même succès, ils patientent gentiment en jouant avec Pepper tandis que leurs parents se renseignent sur les activités du secteur auprès des hôtesses.

Pepper, créé par une entreprise française (rachetée depuis par les Japonais), a bénéficié d’une programmation qui tient de la prouesse par l’entreprise OMANO de Lyon. Le succès de ce pari technologique de l’OT est entier : Il a complètement modifié la fréquentation de l’office de tourisme, la multipliant par 2,5. Il a même fallu engager une nouvelle personne pour répondre aux visiteurs ! Les hôtesses l’apprécient comme un membre de l’équipe à part entière. A l’écoute, polyglotte, jamais malade, il suffit de le recharger pendant la nuit.

Le slogan adopté par la Porte de DrômArdèche : « Ici je rêve » autour du Palais Idéal, est parfaitement en adéquation avec le monde virtuel dans lequel Pepper nous entraîne… L’office de tourisme joue à fond le numérique, en proposant aussi un Timescope devant ses locaux, sorte de casque de réalité virtuelle qui promène le curieux dans les airs, au-dessus du Palais idéal, du château d’Hauterives, des labyrinthes végétaux, de la vallée de la Galaure, des entreprises Revol et Lafuma … bref un survol de toute la région que le Facteur Cheval, lui, a parcourue à pied avec sa brouette.

Article publié dans le JTT du jeudi 28 décembre 2023.