Réensauvageons le monde !
C’est le slogan de deux naturalistes ardéchois,
experts internationaux pour la biodiversité : Gilbert et Béatrice Cochet. Notre planète est
accablée par le réchauffement climatique, la pollution, la sécheresse, mais il
existe des sources d’optimisme, des solutions pérennes pour préserver la faune,
la flore, les écosystèmes. Des solutions qui ont fait leurs preuves à travers
le monde. L’objectif de Gilbert et Béatrice Cochet est de les faire connaître,
les propager, pour mettre en place un rapport respectueux et durable avec la
nature. Par des livres, des conférences, des interventions au niveau
international (Conseils scientifiques de Rhône-Alpes, des Gorges de l’Ardèche,
de l’Union internationale des conservatoires naturels), et la participation à
de nombreux documentaires naturalistes.
C’est à Saint-Romain-de-Lerps que ces deux
globe-trotters posent leurs bagages et mettent au point leurs travaux entre
explorations de la planète et congrès. Une maison polie par les ans, cachée
dans un bosquet de pins et de cèdres, avec vue ouverte sur la vallée du Rhône.
Du grand air, de la lumière, des livres et des cartons, ainsi que des boutures
de fleurs dans le moindre coin … On est bien chez des amoureux de la nature.
Ces anciens profs agrégés de Science et Vie de la Terre du lycée de Tournon ont
la pédagogie chevillée au corps. Après avoir publié « Réensauvageons la
France » avec Stéphane Durand en 2018, Gilbert et Béatrice élargissent le
point de vue dans leur dernier ouvrage « l’Europe réensauvagée »,
toujours chez Actes sud. Le public en redemande, puisque l’éditeur leur a proposé
de plancher maintenant sur le ré-ensauvagement du monde !
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Gilbert : Réensauvager la France, c’est proposer un éventail de solutions
simples pour le bien-être et l’épanouissement de tous, hommes, plantes et
animaux. La France est un pays riche d’une grande diversité de climats,
de reliefs, d’écosystèmes. Pourtant de nombreux animaux, cours d’eau, forêts,
mers sont en péril. Protéger, mieux gérer, réintroduire certaines espèces comme
le lynx dans les Vosges, l’ours dans les Pyrénées, jusqu’au chamois ou l’ibis
en Ardèche*, redonner de la fluidité aux cours d’eau pour permettre le passage
des saumons … Voilà des pistes à suivre.
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Béatrice : La pêche industrielle est
un désastre écologique, c’est comme si l’on tuait la poule aux œufs
d’or ! En observant les réalisations d’autres pays d’Europe, on
trouve des solutions. Ainsi l’Italie a interdit la pêche dans un secteur de
l’Adriatique pendant 5 ans, malgré l’opposition des professionnels. Après ce
laps de temps, la réouverture a permis de faire des pêches exceptionnelles, car
la nature est résiliente, si on lui laisse le temps, elle se régénère
d’elle-même.
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Gilbert : Les forêts de Bavière, de République
tchèque, des Carpates, par un programme de gestion raisonnée sont redevenues ce
qu’elles étaient, de grandes réserves boisées accueillant des milliers de
visiteurs venus observer la faune sauvage. Voir de près évoluer de grands
mammifères en liberté procure à l’homme une émotion extraordinaire, un
sentiment de paix, de liberté.
A l’échelle mondiale, tous deux évoquent la
renaissance du Costa Rica. Ce petit pays d’Amérique centrale est l’exemple même
d’une transformation profitable à tous. Il s’était lancé comme ses voisins dans
la culture du café, du cacao, de la banane, en défrichant la forêt et forçant
sur les pesticides, sans sortir de la pauvreté. C’est la lucidité et la volonté
d’un président qui ont arrêté cette agriculture néfaste et peu rentable pour
mettre en valeur un patrimoine naturel exceptionnel, en créant des parcs
naturels. Aujourd’hui les retombées financières de l’écotourisme font vivre tout
le pays. Mais pour cela, tout le monde a joué le jeu, jusqu’aux braconniers
recyclés en guides…
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Béatrice : Pour préserver la biodiversité,
il faut non seulement la volonté politique, mais aussi l’acceptation de la
population. Les jeunes générations sont en attente de solutions, même
radicales, il faut leur en proposer !
Gilbert : Car protéger une zone, c’est bien, mais peu efficace, alors que protéger un territoire intégralement, c’est assurer la survie des espèces. La nature est plus forte que l’homme.
Les Cochet sont complices et complémentaires dans la
vie comme dans leurs travaux. Ensemble ils ont pagayé, plongé, escaladé,
exploré... Béatrice a même passé son brevet de pilotage d’avion puis
d’hélicoptère quand Gilbert avait besoin d’illustrer ses ouvrages scientifiques
de photos aériennes. Après avoir accompagné en tant qu’experts les films
animaliers de Jacques Perrin (« Les saisons »), les documentaires
télévisés (« Des racines et des Ailes », « Ushuaia »),
c’est dans la mouvance du film « Demain » de Cyril Dion qu’ils
s’inscrivent, en montrant qu’on peut gérer la planète autrement … et
réensauvager la vie.
*on a trouvé dans les gorges de l’Ardèche un reste
d’ibis chauve datant de la Préhistoire, preuve de sa présence ancienne sur le
territoire. Cette population d’oiseaux migrateurs en voie de disparition, dont
l’habitat est le sud du pourtour méditerranéen, pourrait être réintroduite et sédentarisée
en Ardèche, avant de lui réapprendre à voler … un bel exemple du réensauvagement de l’Europe.
Article publié dans le Jtt du jeudi 29 juin.