mercredi 31 août 2022

L'humour au féminin

Au Festival des Humoristes de Tournon, Karine Dubernet a conquis le public par sa verve exubérante, mardi 23 août. Découpant sa vie en tranches, de sa naissance douloureuse à son anniversaire du jour (elle est précisément née le 23 août 1974 !), elle a su faire rire sur toutes sortes de sujets, comme le catéchisme, les poupées Barbie, les règles, son concours d’entrée au Conservatoire, ses premières amours… avec le talent d’une comédienne doublée d’un clown. Des portraits décapants, à l’écriture peaufinée, traités avec originalité et justesse. Une femme qui aime les femmes !

Catherine Beaunez est elle aussi une féministe déclarée. Dessinatrice de presse, auteure de l’affiche officielle du Festival, elle a publié plusieurs albums où elle égratigne sans vergogne la politique, le sexe et surtout la phallocratie. En témoigne sa première version « osée » ( et écartée) de l’affiche du Festival ! Une exposition de ses œuvres est présentée sous le pavillon de l’Espace Brassens. Elle y dévoile son talent et son humour, caricaturant sans complexe notre société encore dominée par le masculin … Un régal pour les femmes, une bonne remise en question pour les hommes.

Article publié dans le Jtt du jeudi 1 septembre.



jeudi 25 août 2022

La survivance de l'entreprise textile ITDT

Lundi 8 août, dans le salon d’honneur de la mairie de Tournon, M. Yves Benoit est venu présenter devant les élus, les Amis du musée et du patrimoine et d’anciens salariés de l’usine, la rénovation et l’avenir de la machine d’impression sur étoffe rescapée de la friche industrielle d’ITDT.

L’entreprise ITDT, fleuron de l’industrie tournonaise depuis 1852, a employé jusqu’à 500 salariés dans les années 1970. Elle a été mise en liquidation en 1996 après avoir été lâchée par son propriétaire Liberty. Reprise par une coopérative de 70 salariés, ITDT a redémarré en 1997, mais n’a pas survécu à la concurrence mondiale et s’est éteinte en 2008, une déflagration pour Tournon. De la friche industrielle polluée, squattée, pillée, est né ensuite un projet municipal d’envergure : la création d’un écoquartier.

M. Yves Benoît, maître d’art veloutier, est président de l’association Bleu de Cocagne, conservatoire textile créé en 1997 par les entreprises d’Amiens. Ce musée a pour objet de transmettre les grandes inventions textiles nées à Amiens, qui fut pendant 10 siècles en Europe un des plus grands centres de production textile, c’est là qu’Alexandre Bonvallet pratiqua les premières impressions avec un rouleau de cuivre en 1775 sur une machine de sa conception. Yves Benoit a appris que l’âme d’ITDT, une machine historique d’impression d'étoffes sur rouleaux de cuivre, était abandonnée sur le site de Tournon. Cette machine monumentale de 25 tonnes, 10m de long, 5m de haut, qui imprimait des ‘’Toiles de Jouy’’, était en 2009 la dernière en fonctionnement en Europe.

Grâce à l’appui financier des fondations Bettencourt, Maîtres d’Art, Manufacture Bonvallet, Ets Burger, et avec l’aval de la mairie de Tournon, elle fut démontée pièce par pièce en 2010, pour être transportée à Amiens. La restauration de chaque pièce par l’association Bleu de Cocagne arrive enfin à son terme, et Yves Benoit a présenté aux Tournonais des photos de la machine remontée. La volonté de Bleu de Cocagne est d’assurer l’indépendance financière du conservatoire textile, et la remise en production de la machine, prévue en 2023, y contribuera. Toiles de Jouy historiques ou contemporaines sont à l’étude. C’est son dernier conducteur tournonais qui aura l’honneur de la remettre en marche.

Ainsi, à Amiens, cette machine d’impression sur rouleaux de Tournon, construite à Mulhouse en 1938, bénéficiera d’une nouvelle vie. Mais quel souvenir d’ITDT gardera-t-on à Tournon ? Ne pourrait-on aussi envisager une vitrine mémorielle consacrée à l’entreprise, alors qu’il y a des salariés, des outils, des tissus qui en perpétuent encore le souvenir ?

Article publié dans le Jtt du jeudi 25 août.

dimanche 21 août 2022

Le musée du cartonnage de Valréas

 Aux 19e et 20e siècles, Valréas, dans l’Enclave des Papes, était la capitale française du cartonnage, cette industrie qui utilise le carton pour fabriquer toutes sortes de boites et conditionnements. Pharmacie, bijouterie, parfumerie, confiserie, alimentation, les emballages de carton sont omniprésents et Valréas s’est développée autour de cette industrie ; à son apogée la ville comptait plusieurs milliers d’ouvriers et des dizaines de fabriques.

Le musée du Cartonnage et de l’Imprimerie de Valréas raconte la naissance au XIXe siècle de cette industrie, liée à la sériciculture. Il fallait des boîtes pour transporter les graines de vers à soie (œufs du Bombyx) venues d’Asie jusqu’aux magnaneries et éleveurs de la région. Un négociant de Valréas inventa la « boîte à courants d’air », qui permettait la survie des graines et devint ainsi le fondateur de l’industrie du cartonnage. La population s’y engagea, ouvriers façonnant le carton dans les ateliers en ville, montage assuré par les cartonnières, jusque dans les campagnes et les foyers. La demande de boîtes pour d’autres usages s’intensifiant, elle fit naître une industrie complémentaire : la gravure et l’impression.

Le musée du Cartonnage et de l’Imprimerie de Valréas mérite la visite, avec ses collections de superbes boîtes, dont certaines sont de véritables œuvres d’art, comme celles de poudres de riz, de dragées ou de parfums. Il présente toute l’histoire de cette industrie qui perdure encore en ville à travers une dernière usine, et celle de l’imprimerie associée. Sans oublier une petite boutique qui regorge de créativité sur le thème du carton. Une belle découverte.

Musée du Cartonnage, 3 avenue Maréchal Foch, 84600 Valréas : 04 90 35 58 75.

Article publié dans la Tribune et le JTT du jeudi 18 août.

mardi 16 août 2022

La parfumerie Fragonard à Grasse

C’est une histoire de famille, de tradition et d’innovation. L’entreprise fondée en 1926 par Eugène Fuchs s’appelle Fragonard en hommage au célèbre peintre de Louis XV, Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), enfant du pays. Jean-Honoré était le fils d’un gantier parfumeur grassois : François Fragonard.  (A l’époque, les gants fournis à la cour et aux grands bourgeois étaient parfumés). Eugène Fuchs honore ainsi l’histoire de Grasse et perpétue le raffinement des arts du XVIIIsiècle. La production locale de roses, mimosas, violettes, jasmin, genêts… facilitant la fabrication des parfums, l’entreprise connaît un bel essor.

Dans l’entre-deux-guerres, la Côte d’Azur devient un haut lieu du divertissement pour une population d’artistes, musiciens, écrivains, couturiers, peintres et dandys. Pendant leur séjour azuréen, ces nouveaux touristes font un détour par Grasse pour s’approvisionner en parfum. C’est alors qu’Eugène Fuchs imagine un concept totalement nouveau. Il propose à ses clients de visiter les ateliers de fabrication de l’usine. La vente directe de produits parfumés agrémentée de la visite de l’usine rencontre un vif succès.

En 1929, Eugène Fuchs transmet son entreprise à son fils Georges et son gendre François Costa. Les deux beaux-frères se partagent la tâche, François à Grasse et Georges à l’étranger, ils font prospérer la maison. En 1939, Jean-François Costa rejoint son père et commence à moderniser l’entreprise. Grand amateur d’art, il collectionne les objets liés à l’histoire de la parfumerie, qui donneront naissance au premier Musée du Parfum, inauguré à Grasse en 1975. Une initiative qui contribue à la renommée de Fragonard tout en lui apportant une dimension culturelle, depuis enrichie par le Musée Provençal du Costume et du Bijou inauguré en 1997, et le Musée Jean-Honoré Fragonard en 2011. Actuellement ce sont les trois filles de Jean-François Costa : Anne, Agnès et Françoise, qui gèrent l’entreprise, avec ses trois usines, plusieurs musées et une vingtaine de boutiques.

A Grasse comme à Eze, on peut donc suivre le circuit complet de l’élaboration d’un parfum, d’un savon ou d’un cosmétique. Et découvrir l’histoire du procédé :  avant la distillation des fleurs dans l’alambic, on pratiquait l’enfleurage à froid pour les plus fragiles, comme le jasmin ou la jonquille qui ne supportaient pas d’être chauffées. Très répandue dans la région grassoise jusqu’à la fin des années 1950, cette technique consistait à étaler une couche de graisse inodore sur les parois d’un châssis en verre que l’on recouvrait ensuite de fleurs. La graisse emmagasinait les arômes, on la lavait ensuite pour recueillir l’essence. Aujourd’hui, les parfums sont extraits par solvants volatils ou gaz carbonique.

Une étape incontournable reste cependant humaine :  le travail du Nez, responsable de l’élaboration des nouveaux parfums, qui officie dans un laboratoire, devant ses orgues (les rangées de parfums différents qui seront mélangés suivant un dosage savant). Le conditionnement final des produits est aussi en partie exécuté à la main. Des emballages aux graphismes fleuris et élégants qui incitent à visiter la boutique, où les effluves de mimosa, fleur d’oranger, jasmin ou verveine font craquer les curieux.

Article publié dans le JTT du jeudi 11 août.

jeudi 11 août 2022

Château de Lemps : Que la fête commence !

Le château Chavagnac à Lemps a accueilli dans son superbe parc illuminé un concert dédié à Barbara. C’est Delphine Mailland, soprano à la voix envoûtante, qui a interprété les standards de « la longue dame brune ». Sa puissance vocale a triomphé des violentes bourrasques et elle a obtenu un beau succès, devant une centaine d’amateurs, en revisitant la carrière de cette compositrice et interprète, amie de Brel et Brassens. L’aigle noir, La petite cantate, Göttingen, autant de titres qui éclairent la sensibilité écorchée et les mystères de Barbara.

Le château Chavagnac poursuit ainsi une politique d’ouverture culturelle locale, avec un récital populaire auquel les voisins Ardéchois répondent chaque année.  La soirée était complétée par la présence du restaurant de Mauves, « Du jardin à l’assiette ». Une des nombreuses initiatives de Franck et Silvère, les heureux propriétaires des lieux. Heureux, car la chance est avec eux ! En rachetant le château il y a 3 ans pour en faire un lieu de réception et des chambres d’hôtes, ce n’était pourtant pas gagné. Ils ont d’abord dû faire face aux innombrables travaux de restauration des bâtiments et du parc de 12 hectares. Puis, ayant ouvert leur établissement le 1er mars 2020, il a fallu le fermer le 14 pour cause de Covid … Tout cela, c’est du passé. Maintenant le Château Chavagnac a développé une clientèle confortable, que ce soit pour les organisations de mariages ou les nuitées romantiques.

Cerise sur le gâteau, Franck et Silvère ont été repérés par la chaîne TV M6 pour participer à l’émission « Le château de mes rêves », consacrée à 7 couples qui ont décidé de changer radicalement de vie en achetant et restaurant un château. Cette émission d’une heure sera visible à partir du 25 juillet à 17h30, du lundi au vendredi, pendant un mois. L’occasion de découvrir la belle décoration des appartements, les jardins, l’histoire du château et de ses propriétaires successifs. Et nul doute que Franck et Silvère vont savoir merveilleusement promouvoir l’Ardèche, leur terre d’origine.

Article publié dans le JTT du jeudi 4 août.


jeudi 4 août 2022

Festival Vochora : Les polyphonies de Josquin des Prés

Ce très grand musicien de la Renaissance (1450 ? 1521) fut le créateur de la chanson polyphonique, et pour le 500e anniversaire de sa mort, l’ensemble Clément Janequin lui a rendu hommage en consacrant un récital à ses œuvres. C’est ce programme qui était présenté mardi 26 juillet à l’église de Tain, dans le cadre du festival Vochora.

La polyphonie est un enchantement pour l’oreille, une combinaison de plusieurs mélodies chantées en même temps. Ce soir-là, quatre chanteurs, alto, ténor, baryton, basse, mêlaient leurs voix à celle de leur directeur, Dominique Visse, haute-contre. Un musicien les accompagnait, à l’orgue ou à l’épinette. La plupart des morceaux choisis évoquaient l’amour courtois « Mille regrets de vous abandonner », « Ma bouche rit et mon cœur pleure », poèmes de la Renaissance traduits en français moderne… Quelques incursions du côté de l’Italie où Josquin Des Prés a travaillé comme maître de chapelle à la cour des Sforza.

L’ensemble Clément Janequin est un ensemble vocal spécialisé dans l'interprétation de la musique de la Renaissance. Créé en 1978, il a déjà participé à Vochora en l’an 2000. Sa prestation de mardi a enchanté le public réuni à Tain, à la fois technique, sensible et joyeuse, à l’image des nombreux saluts ponctués de « coucous » polyphoniques.

Article publié dans le JTT du jeudi 4 août.