Saint-Donat-sur-l’Herbasse, en Drôme des collines, est un
village au riche patrimoine, actif et accueillant. Mais on ignore souvent qu’il
est aussi un village martyr. Le 15 juin 1944, il fut la proie de terribles représailles
de la part des nazis, parce qu’il était un haut-lieu de la Résistance.
En juin 1940, les Allemands envahissent toute la France, et
donc Saint-Donat. Un premier coup de semonce, effrayant mais assez court
puisqu’ils se replient ensuite au nord, dans la zone occupée. Saint-Donat était
alors un village d’environ 2000 habitants, en partie déserté pour cause d’exode
rural. De nombreuses maisons étaient vides. Des réfugiés y furent donc
accueillis, juifs, Italiens déplacés, populations du nord fuyant la zone
occupée. Un esprit d’entraide favorisé par les notables du village, le
pharmacien Chancel, l’abbé Lemonon, son frère médecin et bien d’autres.
En juin 1940, l’appel à résister du général de Gaulle marque
le début de l’organisation de la Résistance. Autour de Saint-Donat, des maquis
se constituent, comme à Saint-Christophe et le Laris, mais aussi toute une
organisation clandestine, formée de messagers, de fabricants de faux-papiers,
de radios, de porteurs de vivres, d’hébergeurs. Le Parti communiste, très
puissant à l’époque, envoie Louis Aragon et Elsa Triolet, couple de militants
et écrivains célèbres, se cacher à Saint-Donat, pour y poursuivre leurs
activités de réseau autour de Lyon. En novembre 1942, l’invasion de la zone
libre, puis en février 1943, l’instauration du STO, gonflent encore les
effectifs des maquis. Les hommes se cachent, les organisations clandestines
doivent gérer la logistique, tout en se méfiant des collaborateurs. Le
débarquement en Sicile en mai 1943, qui marque le début de la retraite pour les
nazis, voit les actions de la Résistance se multiplier. Les Alliés larguent des
munitions par avion, il faut organiser la réception des parachutes de nuit.
Saint-Donat devient un relais important de la Résistance.
En représailles, le 15 juin 1944, les avions nazis survolent Saint-Donat et
mitraillent tout ce qui bouge. Puis 2 000 soldats nazis se déploient dans le
village, prenant la population, de 3 à 80 ans, en otage. Pendant une journée,
humiliés, battus, affamés, ils resteront debout, tenus en joue. Parmi eux, 8
seront exécutés. Les soldats nazis qui mènent cette expédition viennent d’Asie,
on les appelle les Mongols, célèbres pour la terreur qu’ils sèment. A Saint-Donat,
ils pillent les maisons, violent les femmes, plus d’une soixantaine, dont la
fille Chancel, 13 ans, qui ne survivra pas.
Résister ensuite aux exactions, aux vengeances, en 1945, fut
aussi un challenge, mené par Jean Chancel. Objectif : faire cohabiter les
résistants, les collabos et les autres, essayer de se tourner vers l’avenir.
Favoriser la paix et la fraternité. Pour cela, quoi de mieux que la
musique ? Un orgue est installé dans la collégiale en 1962, un festival
voit le jour… Et on y invite des musiciens de tous les pays, même des Allemands !
Le jumelage a suivi, une belle leçon d’humanité et de tolérance donnée par Saint-Donat.
L’association du Patrimoine du Pays de l’Herbasse a collecté les témoignages des habitants ayant vécu la terrible journée du 15
juin 1944. Un recueil de textes a été édité, et des promenades littéraires sont
régulièrement organisées, dans le village et alentour, pour faire vivre
l’histoire de la Résistance à Saint-Donat, à travers ces textes et ceux de Louis
Aragon et Elsa Triolet.
Prochaines visites commentées : samedi 28 mai, samedi 4
juin.
Contact : patrimoine-herbasse@gmail.com
ou office du tourisme 04 75 45 15 32
Article publié dans le JTT.