mercredi 30 juin 2021

La vallée de la Cance, jolie balade en Ardèche verte

La Cance, comme son Doux voisin, est un affluent du Rhône. Elle prend sa source au col des Baraques, près de Saint-Bonnet-le-Froid, à 1014 m d’altitude, et rejoint le Rhône à Sarras. Sa verte vallée, entre Annonay et Sarras est d’une beauté sauvage, accessible aux amateurs de nature randonneurs, cyclistes et baigneurs, par une petite route et des sentiers. Impétueuse, elle a creusé un lit étroit dans des roches granitiques, formant des gorges pittoresques, dissimulées dans une jungle de chênes et châtaigniers. Il faut profiter d’une ouverture, au hasard des vieux ponts de pierre, pour apercevoir quelques petites plages de galets inondées de soleil. Cet environnement bucolique cache pourtant une tout autre histoire, celle des moulinages, tanneries, papeteries, des filatures de soie, laine, feutre. Le patrimoine industriel qui a fondé l’identité de la région.

Les installations de Moulin-sur-Cance en témoignent. On y trouve les ruines d’une grande filature, qui employait des centaines d’ouvriers venus du plateau de Quintenas. Un petit hameau s’était développé autour de l’usine, avec une chapelle, des jardins, des logements. Dans les années 1860, le conseil municipal de Vernosc accorda au propriétaire une subvention pour faire construire un pont sur la Cance à cet endroit, afin de faciliter le passage des ouvriers. Ce pont suspendu, construit d’après les recherches de Marc Seguin, est le seul témoin de sa démarche technique. Réhabilité par le Syndicat des Trois rivières en 2012, il a été classé monument historique, et mérite le détour.

Quelle est donc cette démarche ? Après les ponts de pierre, on construisait dès 1796 des ponts suspendus à des chaînes de grande dimension. Mais les chaînes étaient fragiles. Marc Seguin, issu d’une famille de fabricants de drap de feutres pour la papeterie, connaissait les affres du fil qui casse après une brève surtension. Il avait également remarqué l’étonnante résistance des fils de faible diamètre, qu’ils soient de textile ou de fer. Il imagina que l’on diminuerait le risque en multipliant les fils de même diamètre plutôt que d’utiliser une grosse section. Dès 1821, aidé de ses frères, il chercha à inventer un système de fils métalliques assemblés pour suspendre les ponts. Dans un premier temps, ils construisirent, en 1822, une passerelle derrière leur usine de Saint-Marc sur la Cance. Leur succès conduisit à la construction du premier pont suspendu sur le Rhône entre Tain et Tournon, en 1825.  Le pont suspendu de Moulin-sur-Cance fut construit suivant cette méthode en 1860.

A quelques centaines de mètres, la majesté de la nature s’impose : la Roche Péréandre, un monolithe de granit d’une quarantaine de mètres jaillit du fouillis végétal. Un site spectaculaire utilisé par les amateurs d’escalade et de plongeons. Le belvédère aménagé en contrebas de la route permet d’observer cette curiosité géologique et d’apprendre la curieuse légende associée… Que je vous laisse découvrir !

Article publié dans le JTT du jeudi 24 juin 2021.


jeudi 24 juin 2021

Une mousseline de papier qui fait rêver les femmes

La papeterie de Montségur-sur-Lauzon, en Drôme provençale, est un fleuron de l’artisanat français, ses papiers de soie emballent tous les produits de luxe, en parfumerie, bijouterie, couture, cosmétique, lingerie, maroquinerie et fleuristerie.  Des papiers d’une grande qualité, destinés à la protection et la décoration, qui se déclinent dans plus de 450 coloris, avec sigle personnalisé pour les grandes marques. Et qui ont valu à l’entreprise de Montségur, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, d’être invitée au salon du « Fabriqué en France » à l’Elysée en janvier 2020.

Au bord du Lez, fournisseur de la force motrice, il y a toujours eu des moulins, car jusqu’au XIXe siècle, chaque famille cultivait du blé pour ses besoins en farine. C’est en 1840, alors que la sériciculture était en plein essor au sud de la France, que l’un d’entre eux se reconvertit en moulin à papier. La pâte à papier était alors fabriquée à partir des fibres de mûriers, elle pouvait même servir de nourriture aux vers à soie quand les mûriers étaient malades, car elle contenait tous les nutriments nécessaires à leur développement. C’est l’origine du terme « papier de soie », cette mousseline de papier résistante, soyeuse et légère comme de la soie.

A l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris en 1889, centenaire de la Révolution, les canuts lyonnais exposèrent à Paris leurs soieries, mais aussi tout le processus de leur fabrication, depuis l’élevage de la chenille du Bombyx jusqu’au tissage final. Le papier de soie enveloppait les vers à soie, et les chutes de ce papier, perforé pour eux, s’entassaient au fil des semaines. Elles trouvèrent par hasard un nouvel usage en … confettis ! Les confettis utilisés alors étaient des boulettes de plâtre, pauvre imitation des confetti italiens qui sont de succulentes dragées. Le succès des nouveaux confettis de papier lancés dans les bals populaires fut immédiat. La sériciculture en Provence connaissait alors une décroissance due aux maladies du ver à soie et à la concurrence étrangère. Le moulin à papier de Montségur se tourna donc vers la production de confettis, pour lesquels la demande des théâtres, opéras, fêtes, bals … était croissante.

Au XXe siècle, les préoccupations hygiéniques se développant, un nouveau marché émergea : celui du papier toilette. A Montségur le moulin ajouta ce produit de plus en plus indispensable à sa production. Le papier de soie, fin et résistant, était conditionné en rouleaux ou feuillets d’une couleur marronnasse. C’est à la fin des années 1960 qu’un célèbre fleuriste parisien contacta l’entreprise : la consistance, le toucher, le bruit du papier produit à Montségur correspondaient exactement à ce qu’il recherchait pour emballer ses bouquets, mais il lui fallait de la couleur pour les mettre en valeur ! Une nouvelle ère commença pour la papeterie, qui se tourna alors vers le papier de soie de haute qualité, teinté dans la masse.

Le processus de fabrication reste inchangé depuis le XIXe siècle. La pâte à papier utilisée provient maintenant de fibres de cellulose, issue de bois d’éclaircies. Dans une première cuve, on la mélange avec de l’eau, on y ajoute un colorant. Puis cette matière première est acheminée vers l’énorme machine qui fait la fierté de la papeterie : une Allimand de 1910, toujours en parfait état. Tamisage, pressage, séchage, après ces étapes, le mélange passe de 99% d’humidité à seulement 4%. Au bout de trois heures, le papier se présente sous forme de gros rouleaux qui peuvent être imprimés, plissés, métallisés, nacrés ou parfumés, suivant leur destinataire, avant d’être découpés au format voulu et envoyés.

Sous l’impulsion du maître-papetier Rémi Danglade, repreneur de l’entreprise en 2007, le moulin de Montségur a acquis ses titres de noblesse. A la fois producteur, imprimeur, et transformateur de papier de soie, non abrasif, indégorgeable, recyclable et biodégradable, il compte actuellement une quarantaine d’employés. Le credo de son dirigeant : qualité, réactivité, flexibilité et respect de l’environnement, lui ont permis de devenir une référence mondiale en matière de papier de soie. Un luxueux papier qui a même « emballé » Madame Macron lors de sa présentation à l’Elysée !

https://www.papeteries-montsegur.com   
04 75 98 11 23

 Article publié dans le JTT du jeudi 24 juin 2021.

jeudi 10 juin 2021

Les Berges de l'Isère

Ce n’est pas très loin, et pourtant l’ambiance paysagère change totalement de la vallée du Rhône. Le Bois des Naix, parc naturel aménagé par la commune de Bourg-de-Péage, est un havre de fraîcheur. Vallonné, parcouru par le ruisseau de la Maladière et le canal de la Bourne, ce domaine de 12 hectares qui jouxte l’Isère a été mis en valeur depuis les années 2000 par la commune pour offrir au public un grand bol d’air, dans un souci d’harmonie et de préservation de la faune et de la flore locales. Résultat : des sentiers tracés entre platanes, acacias et marronniers centenaires, des espaces de jeux pour enfants et parcours pour les sportifs, des prés piquetés de marguerites avec tables de pique-nique, des hôtels à insectes, des toilettes sèches et même une boîte à livres ! Un endroit très agréable pour se promener, se détendre, respirer ou courir en liberté.

Le Bois des Naix a été créé et modelé sur les marécages bordant l’Isère par un notable local, De Delay d’Agier (1760-1827), qui, décédé sans héritiers, l’a légué à la ville. Son mausolée se dresse au milieu du parc. Le reste de son domaine, avec le château Favor, est toujours privé et marque la frontière entre ce parc communal et la longue promenade des berges qui traverse Bourg-de-Péage. Un agréable itinéraire piéton, ponctué lui aussi d’espaces ludiques, qui suit le tracé de l’ancien chemin de halage utilisé lorsque le trafic marchand entre Grenoble et Valence s’effectuait par le fleuve. Comme sur le Rhône, la descente ne prenait alors que quelques heures, mais le retour nécessitait plusieurs jours, le bateau étant tiré par des bœufs.

Un trajet maintenant repris par la véloroute de l’Isère, une voie verte connectée à la Viarhôna à Pont-de-l’Isère, qui chemine jusqu’au-delà de Grenoble. Pour laquelle plusieurs passerelles ont été construites. Celle qui relie Romans à Bourg-de-Péage, au niveau du château Favor, permet aux piétons de passer d’une rive à l’autre en profitant de l’environnement naturel de ce fleuve puissant. L’Isère, au débit toujours impétueux, attire en effet un grand nombre de poissons, d’oiseaux et d’insectes aquatiques. Elle fournit de riches alluvions à la terre drômoise et assure une belle fraîcheur à ses rives. Pensez-y, en période de canicule !

Article publié dans le JTT du jeudi 10 juin 2021.

jeudi 3 juin 2021

Chronique littéraire : Vania, Vassia et la fille de Vassia, de Macha Méril

Un grand souffle russe, dans ce roman écrit par une Russe, mélangeant aventure, passion et histoire. L’histoire, c’est celle des Cosaques réfugiés en France après la révolution de 1917, qui a signé la fin du régime tsariste et le début d’une guerre civile entre partisans du tsar « blancs » et bolchéviques « rouges ». Vania et Vassia, enfants, ont échappé miraculeusement à la tuerie de leurs pères, soldats du tsar. Ils ont fui jusqu’en France, où ils se sont regroupés en Corrèze avec d’autres Russes blancs, pour former une petite communauté agricole vivant dans le souvenir.

Dans un domaine à l’abandon, où règne une pauvreté extrême, ils élèvent des chevaux comme les Cosaques l’ont toujours fait, construisent une église orthodoxe, se marient entre eux et observent les rites de la Sainte Russie, complètement étrangers à leur environnement français. Mais à la génération suivante, Sonia, la fille de Vassia, en décide autrement : elle veut s’intégrer, fréquente l’école communale, montre des dispositions si brillantes qu’elle est soutenue par son instituteur, puis encouragée financièrement par un notable local, Charles de la Barrère. Son impeccable parcours universitaire la mènera à Sciences Po et aux coulisses du pouvoir.

L’intérêt majeur de ce roman est de faire découvrir l’histoire méconnue de ces Cosaques de Corrèze, de comprendre leurs difficultés d’intégration en territoire français. De comprendre aussi leurs doutes, quand arrive la deuxième guerre mondiale, faut-il soutenir la France qui les a accueillis ou l’Allemagne, seule apte à détruire l’armée soviétique haïe ? L’histoire est ici revisitée sous un angle différent.  De même que la réussite professionnelle de Sonia permet à l’auteure de donner son analyse de la société en France, en Russie, en Roumanie, en Ukraine et partout ses voyages l’emmènent.

Le conte de fées de Sonia ressemble un peu à celui de Macha Méril, née princesse russe, de parents exilés après 1917, puis égérie internationale du cinéma et conteuse sans pareille ...

« Vania, Vassia et la fille de Vassia » est maintenant disponible en poche dans la collection Piccolo de Liana Lévi.

Chronique publiée dans le JTT.