mercredi 31 mars 2021

Le Chemin des Carriers à Châteauneuf-sur-Isère: un Troglodyte Park

A Châteauneuf-sur-Isère, une belle fresque évoque le travail des carriers. La commune affiche ainsi ce qui l’a constituée : un patrimoine géologique, ouvrier, musical et même religieux … Le Chemin des Carriers permet de découvrir cette histoire liée à l’extraction de la molasse, dans une belle nature ponctuée de vignes et de fruitiers. Une balade pédestre insolite, d’environ 9 km pour 3 heures de marche, accessible à tous et parfaitement documentée par une série de panneaux explicatifs.


L’histoire des carrières se confond avec celle de la région. Il y a 20 millions d’années, des sédiments de sable comprimés par leur poids et liés par le calcaire, ont donné naissance à la molasse, une pierre gréseuse de teinte jaune-brun. Cette pierre a été utilisée pour la construction dès l’Antiquité. Le bassin carrier s’est développé pendant le Moyen-Age, avant de connaître son apogée à la Renaissance. Les blocs étaient débités, transportés par voie fluviale vers les grands chantiers, comme la cathédrale Saint-Apollinaire de Valence, la collégiale Saint-Barnard de Romans… Les galeries souterraines portent encore le même nom que les rues des villes à l’édification desquelles elles ont servi ! La couleur de Valence et Romans est ainsi celle de la molasse de Châteauneuf.

Les carrières d’abord exploitées en bordure de l’Isère, ont progressivement grignoté la colline dominée alors par le château (actuellement disparu). Leur déclin à la fin du XIXe siècle est dû à la concurrence de nouveaux matériaux. Des carrières souterraines ont ensuite été transformées en champignonnières dans les années 1920, la Cave Jaboulet y a installé un temps son espace de vente et conservation. Pendant la deuxième guerre mondiale, d’autres carrières ont abrité des troupes françaises et des stocks de poudre, provoquant une explosion mémorable. Fermées au public à cause du risque d’effondrement, les entrées monumentales des carrières, visibles du sentier, ainsi que les maisons troglodytes de carriers, creusées dans la roche, sont surprenantes.

Mais ce n’est pas tout ! La vénération à Saint Hugues (1053-1132), dont l’église et la chapelle portent le nom, est liée aux carriers.  Evêque de Grenoble, ce personnage célèbre par son charisme et sa foi est né à Châteauneuf dans la famille des seigneurs. Saint Hugues, après une carrière exemplaire, est mort aveugle, il a été rapidement canonisé, et la légende raconte que ses restes ont ressurgi miraculeusement dans l’Isère, face au château. Ce fut l’origine d’un pèlerinage à Châteauneuf. La petite source du village troglodyte, déclarée miraculeuse pour les maladies des yeux, attira alors nombre de pèlerins. Une communauté de violonistes s’y installa pendant presque deux siècles, entre le XVIe et le XVIIIe siècles. Certains d’entre eux étaient aveugles, venus dans l’espoir d’une guérison. Ils participaient l’hiver à l’extraction de la molasse et l’été jouaient dans les fêtes votives.

Un esprit solidaire et convivial qui anime encore les Châteauneuvois aujourd’hui. Leurs efforts de mise en valeur des carrières ont permis au site d’être retenu par la mission patrimoine de Stéphane Bern. De quoi espérer une présentation encore plus exhaustive de ce site exceptionnel qui est la mémoire de leur ville.

Article publié dans le JTT le jeudi 1 avril 2021 et dans La Tribune le jeudi 18 mars 2021.

mardi 23 mars 2021

Chronique littéraire : Les choses humaines, de Karine Tuil

Sous ce titre relativement banal se cache un bouleversement terrible et inattendu dans une vie. Rien n’est jamais acquis à l’homme, disait Aragon…

Jean est un présentateur vedette de la TV, séducteur invétéré ; depuis trente ans ses émissions sont toujours aussi populaires. Sa femme Claire, de vingt ans plus jeune, est une essayiste féministe reconnue. Leur fils Alexandre sorti de Polytechnique, étudie à Stanford. Bref, une élite qui semble avoir toutes les cartes en main. Pourtant, chacun des trois cache ses revers, son mal-être. Jean aime une femme de son âge qui s’enlise dans la maladie d’Alzheimer, Claire envisage de le quitter pour un simple prof de collège, Alexandre développe des périodes dépressives. 

Tout explose lorsque, lors d’une soirée alcoolisée, Alexandre viole la fille du compagnon de sa mère. Les belles images volent en éclats. La machine policière puis judiciaire explore chaque faille du passé, du présent des protagonistes. Leur vie quotidienne passée au crible devient un enfer, ils sont accablés par les réseaux sociaux, Metoo et Balance ton porc en direct. Comment résister à cette pression dévastatrice ? Qui va craquer et de quelle façon ? 

L'auteur analyse avec finesse, objectivité la vie détruite, la lente dérive vers une autre vie, l’abandon de tout contrôle sur soi et sur les autres. Une lecture terrible, qui dérange mais qui rejoint l'actualité.

Karine Tuil, née en 1972 à Paris, est une romancière française. Ses livres ont pour thèmes les contradictions des individus et les hypocrisies de la vie contemporaine.Ce roman qui a obtenu le prix Interallié et le Goncourt des Lycéens en novembre 2019, est disponible en poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 1 avril 2021.

lundi 15 mars 2021

Une belle rencontre entre Tain, Terre & Culture et les élèves de l'école Jean-Moulin

« Affiche ton patrimoine », tel est le concours proposé par Vieilles Maisons Françaises, une association culturelle nationale au service du patrimoine. Ce concours s’adresse aux élèves de CM1, CM2 et 6èmes. Il s’agit de réaliser une affiche destinée à faire découvrir le patrimoine local à travers le regard des enfants.

Véronique Pic, professeure à l’école Jean Moulin, a tout de suite été séduite par ce projet pédagogique qui permettait d’évoquer dans sa classe à la fois l’histoire, la géographie et les richesses naturelles de Tain. Tout naturellement, après avoir initié en classe les enfants à ce patrimoine, elle s’est tournée vers l’association Tain, Terre & Culture pour organiser une visite in situ des lieux emblématiques.

C’est ainsi qu’une vingtaine d’enfants et leur professeure ont retrouvé les membres de TT&C devant le Taurobole, vendredi 12 mars. Jean Roquebrun et Georges Fréchet ont joué les mentors, racontant tour à tour aux enfants l’histoire de cet autel romain et celle de la chapelle Saint-Christophe, puis l’histoire du pont suspendu, celle du Grenier à sel et de la tour de la Bâtie. L’arrivée à l’église, saluée par le carillon, et plus encore l’entrée dans l’édifice au son de la marche nuptiale jouée à l’orgue par Geneviève Courtet, les a impressionnés. Un clin d’œil au fameux mariage du Dauphin Charles avec Jeanne de Bourbon. Les enfants ont été stupéfaits d’apprendre que les jeunes mariés avaient alors presque leur âge ! Les questions ont été nombreuses.

La maîtresse avait préparé un questionnaire que les élèves ont rempli avec sérieux tout au long du parcours. Ils ont été ravis de découvrir autrement leur ville. Devant la Mairie et son blason, une récompense bien méritée les attendait : une gourmandise de la maison Pitot, offerte par TT&C. Patrimoine local oblige !

Reste maintenant à élaborer l’affiche pour le concours. Un jeu d’enfant pour ces élèves, qui ont déjà fabriqué en classe une maquette en bois du vieux pont !

Article publié dans le JTT du jeudi 18 mars 2021.

lundi 8 mars 2021

La chapelle du belvédère de Tournon

Au-dessus de Tournon, si on quitte le chemin des Tours en direction du hameau de Pierre, on arrive, après une belle montée dans les buis, au belvédère de la Chapelle. De là s’ouvre un panorama superbe sur la vallée du Rhône. Mais vous êtes-vous posé la question : d’où vient ce nom, belvédère de la Chapelle ? D’une chapelle, bien sûr. Mais aucune chapelle n’est visible alentour, il y a juste une table d’orientation destinée à renseigner les promeneurs sur les environs.

Et pourtant, une chapelle a existé ici, elle est actuellement en ruines, enfouie sous une végétation sauvage, à une dizaine de mètres de la table d’orientation. Quelques marches, une barrière de bois permettent d’y accéder, juste au-dessus des vignes. A première vue, on ne distingue qu’un tas de cailloux rongés par le lierre. Mais si l’on s’approche (c’est sportif), si on escalade la végétation (encore plus sportif), on découvre des pans entiers de murs, dont un arrondi qui formait vraisemblablement le chœur de la chapelle.

Renseignements pris, il s’agit de la chapelle des Trois Croix ou chapelle du Calvaire, fondée en 1676, sous la protection du chanoine de Saint-Julien. Elle fut longtemps un lieu de pèlerinage fréquenté par les Tournonais, surtout en période de Carême. Elle apparaît nettement sur les cartes postales anciennes, avec ses trois croix bien visibles.

Les pierres vénérables de la chapelle ont servi à édifier les murets des vignes environnantes, mais il est encore possible de dégager ce qui en reste, moyennant un sérieux élagage. Et pourquoi pas mettre un panneau explicatif ? Tournon pourrait alors s’enorgueillir d’une chapelle symétrique de celle de l’Hermitage, et même située plus haut ! Avis aux défendeurs du patrimoine …


Article publié dans le JTT du jeudi 4 mars 2021.


mardi 2 mars 2021

La nouvelle médiathèque Latour-Maubourg de Valence

Il est loin le temps où les bibliothèques ne s’occupaient que de mettre à disposition des livres ! Les médiathèques du XXIème siècle ont une vocation beaucoup plus ouverte : être des lieux culturels favorisant les échanges, les apprentissages et la convivialité entre habitants, à travers un large panel d’animations. A Valence la nouvelle médiathèque Latour-Maubourg, qui a ouvert ses portes le 26 janvier 2021, illustre parfaitement le concept.

L’ancienne caserne de cavalerie a été transformée par le célèbre architecte Rudy Ricciotti (concepteur entre autres du MUCEM à Marseille). Mais le cheval garde une place symbolique dans l’édifice : devenu logo, on le retrouve sur la signalétique des lieux et même en support de livres ! Rudy Ricciotti a allégé et complété le bâtiment originel en lui adjoignant une immense verrière, lieu d’accueil et carrefour entre l’auditorium modulable, la salle d’exposition (actuellement les sculptures de métal de Georges Meurdra y sont présentées), le rayon presse (qu’on peut consulter sans être inscrit), l’espace café… qui attend des jours meilleurs. Plus original : une « cabane » dédiée à des activités partagées, un « cube », où les Valentinois pourront se faire aider dans leurs démarches administratives virtuelles. Ainsi qu’un Point Info Jeunes, qui propose aux 11-30 ans un accompagnement sur mesure. Et, grande innovation technique, un tapis roulant recueille les ouvrages en retour depuis l’extérieur et les dispatche vers les différents services.

L’escalier central mène au premier étage, dédié aux enfants, aux jeunes et à la musique, avec un grand choix d’albums, BD, mangas, CD et partitions. Pour les petits, un décor de forêt, un mobilier design aux couleurs vives, où l’arbre-cabane, les petits coins cachés laissent libre-cours à l’imaginaire. Pour les grands : des cabines de jeux vidéo et de visionnage de films.

Le deuxième étage reste voué à la lecture, avec les différents rayons de romans, biographies, documents, théâtre, poésie… Plusieurs salles de lecture et travail sont disponibles, équipées d’écrans et d’ordinateurs, on pourra y suivre des cours de langues, s’initier à l’informatique, créer des sites … Révolutionnaire : la cabine « écouter/voir » qui permet d’oraliser les textes : le livre scanné se transforme immédiatement en version sonore, ainsi les malvoyants peuvent entendre ce qu’ils ne peuvent lire.

Difficile de lister toutes les innovations de ce merveilleux espace qu’est la Médiathèque, aboutissement d’un projet global préparé pendant une vingtaine d’années.  Les Archives communales et communautaires y siègent dans une salle du rez-de-chaussée. A côté, dans un autre bâtiment entièrement rénové, la Bibliothèque Universitaire accueille les étudiants, pour leur plus grande joie en cette période de rare convivialité.

La Médiathèque Latour-Maubourg est ainsi propulsée en centre culturel majeur de Valence, grâce à des moyens matériels et humains conséquents. Elle rend grâce à la ville, en étant ouverte même le dimanche, de 14h à 18h, entre le 15 septembre et le 15 avril. Tout le monde en rêvait, Valence l’a fait !

Article publié dans le JTT du jeudi 25 février 2021.