jeudi 12 novembre 2020

La tonnellerie artisanale, un savoir-faire ancestral

Lors du Fascinant week-end « Vignobles et Découvertes » d’octobre, deux artisans tonneliers ont présenté leur métier et fabriqué entièrement un tonneau devant le public réuni au Domaine Michelas-St Jemms de Tain-l’Hermitage. Une découverte spectaculaire et passionnante.

Pour fabriquer une barrique à la main, il faut tailler les pièces dans un bois de chêne extrafin ( issu de prestigieuses forêts domaniales géréres par l'ONF), les monter ensemble, puis chauffer au bois, façonner et cercler l’ensemble à la main. Les outils utilisés sont ceux d’anciens tonneliers, soigneusement conservés, tout est fait suivant les méthodes ancestrales. Des méthodes qui exigent force physique, expérience, et précision. La manufacture tonnelière La Grange, située dans la Nièvre, est actuellement une des rares au monde à détenir ce savoir-faire spécifique.

Trente douelles (pièces de bois) sont nécessaires pour faire un tonneau. Le chêne utilisé, vieux de 150 ans, est  façonné en merrains, qui sont  mis à sécher pendant presque deux ans, avant d’être débités en douelles. Le tonnelier commence par aligner les douelles verticalement, en les maintenant en haut par un cercle de métal. Puis il resserre les extrémités du bas par un câble activé par un cabestan. Le montage est alors posé au-dessus d’un feu, pendant environ une demi-heure, pour que le bois se courbe et prenne la forme voulue. Ce "fumage" donne à l’intérieur du tonneau une couleur noisette. Quand le tonneau est formé, le tonnelier glisse un à un les autres cercles en métal galvanisé pour assurer le maintien, les ajuste au marteau. S’ensuivent de nombreuses finitions, polissage du corps, biseautage des extrémités, traçage de rainures à l’intérieur, ajustage du fond, lissage, bonde …  toutes exécutées à la main. Enfin le tonneau fini est replacé une heure au-dessus du feu, en étant régulièrement mouillé avec un torchon humide, pour parfaire son étanchéité. Cette étape de chauffe développe les molécules aromatiques contenues dans le chêne qui apporteront complexité et équilibre au vin. 

Le groupe tonnelier Charlois a décidé en 2016 de redonner vie à cette filière artisanale qui disparaissait. Les tonneliers ont ainsi pu apprendre leur métier grâce à un tonnelier de Cognac pendant 3 ans. Leur gros problème, ce sont les outils : comme il n’en existe plus, ils doivent courir les brocantes pour trouver, asse, jabloir, bastringue… 

Chaque tonneau réalisé est unique, marqué de la « patte » du tonnelier, qui ne peut en fabriquer qu’un par jour. Ces barriques restent opérationnelles pendant 5 ans pour le vin, pendant une vie pour le cognac et autres alcools. Leur prix, environ 1500 € pour une barrique de 225 l, est deux fois plus cher que celui d’une barrique industrielle. Un savoir-faire rare et de haut niveau, qui explique que 70% de la production partent à l’international : USA, Australie, Italie, Espagne, Portugal… 

Chaque étape de la fabrication contribue à la qualité et la personnalité d’un fût qui interagira avec le vin, lui conférant sa complexité aromatique. Les grandes maisons viticoles réservent donc ces fûts pour élever les vins issus de leurs meilleurs terroirs.



Article publié dans le JTT du jeudi 12 novembre 2020.

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