Lors du Fascinant week-end « Vignobles et Découvertes »
d’octobre, deux artisans tonneliers ont présenté leur métier et fabriqué
entièrement un tonneau devant le public réuni au Domaine Michelas-St Jemms de
Tain-l’Hermitage. Une découverte spectaculaire et passionnante.
Pour fabriquer une barrique à la main, il faut tailler les
pièces dans un bois de chêne extrafin ( issu de prestigieuses forêts domaniales géréres par l'ONF), les
monter ensemble, puis chauffer au bois, façonner et cercler l’ensemble à la
main. Les outils utilisés sont ceux d’anciens tonneliers, soigneusement
conservés, tout est fait suivant les méthodes ancestrales. Des méthodes qui
exigent force physique, expérience, et précision. La manufacture tonnelière La
Grange, située dans la Nièvre, est actuellement une des rares au monde à détenir ce
savoir-faire spécifique.
Trente douelles (pièces de bois) sont nécessaires pour faire
un tonneau. Le chêne utilisé, vieux de 150 ans, est façonné en merrains, qui sont mis à sécher pendant presque deux ans, avant d’être débités en douelles. Le tonnelier commence par aligner les
douelles verticalement, en les maintenant en haut par un cercle de métal. Puis
il resserre les extrémités du bas par un câble activé par un cabestan. Le montage
est alors posé au-dessus d’un feu, pendant environ une demi-heure, pour que le
bois se courbe et prenne la forme voulue. Ce "fumage" donne à l’intérieur du
tonneau une couleur noisette. Quand le tonneau est formé, le tonnelier glisse un
à un les autres cercles en métal galvanisé pour assurer le maintien, les ajuste
au marteau. S’ensuivent de nombreuses finitions, polissage du corps, biseautage
des extrémités, traçage de rainures à l’intérieur, ajustage du fond,
lissage, bonde … toutes exécutées à la
main. Enfin le tonneau fini est replacé une heure au-dessus du feu, en étant
régulièrement mouillé avec un torchon humide, pour parfaire son étanchéité. Cette étape de chauffe développe les molécules aromatiques contenues dans le chêne qui apporteront complexité et équilibre au vin.
Le groupe tonnelier Charlois a décidé en
2016 de redonner vie à cette filière artisanale qui disparaissait. Les
tonneliers ont ainsi pu apprendre leur métier grâce à un tonnelier de
Cognac pendant 3 ans. Leur gros problème, ce sont les
outils : comme il n’en existe plus, ils doivent courir les brocantes pour trouver, asse, jabloir, bastringue…
Chaque tonneau réalisé est unique, marqué de la « patte » du tonnelier, qui ne peut en fabriquer qu’un par jour. Ces barriques restent opérationnelles pendant
5 ans pour le vin, pendant une vie pour le cognac et autres alcools. Leur prix,
environ 1500 € pour une barrique de 225 l, est deux fois plus cher que celui
d’une barrique industrielle. Un savoir-faire rare et de
haut niveau, qui explique que 70% de la production partent à l’international : USA,
Australie, Italie, Espagne, Portugal…
Chaque étape de la fabrication contribue
à la qualité et la personnalité d’un fût qui interagira avec le vin, lui conférant sa complexité aromatique. Les grandes maisons viticoles
réservent donc ces fûts pour élever les vins issus de leurs meilleurs terroirs.
Article publié dans le JTT du jeudi 12 novembre 2020.