Steve Becquart, batelier sur la péniche Condor, déplore le
manque de volonté des autorités françaises pour développer ce mode de
transport. « Nous possédons le meilleur réseau fluvial du monde, et, alors
que les états du nord de l’Europe privilégient les transports fluviaux, sur le
Rhin notamment, chaque année en France le trafic des péniches baisse ».
Toute la chaîne est impactée : il y avait en France
9000 bateliers en 1980, il n’y en a plus que 800. Et seulement 18 péniches sur
le Rhône. La seule école qui forme aux métiers de la navigation intérieure, en
région parisienne (à Tremblay), accueille peu de candidats car le métier est
dur, le pilote travaille souvent de 5 h à 21 h. Il faut aussi accepter d’être
séparé de sa famille, mettre les enfants en pension …
Pourtant Kevin, le fils de Steve, suit
actuellement la formation de batelier en alternance. S’il en connaît les
contraintes, il apprécie les joies du métier : l’indépendance, la navigation
sur le fleuve, la camaraderie. Comme Steve lui-même, fils, petit-fils et
arrière-petit-fils de mariniers.
Steve a débuté comme matelot après son apprentissage, puis
est devenu pilote. Ensuite il a acheté une péniche de 300 tonnes, l’a revendue
pour en acheter une seconde de 900, puis une troisième de 2 000 tonnes ;
il est enfin propriétaire du Condor qui jauge 3 000 tonnes. Une immense péniche
de 110 m de long et plus de 11 m de large, qui transporte autant de marchandise
que 80 camions ou 2 trains entiers ! Alors qu’en France le train et la
route continuent de convoyer la majeure partie des denrées. Reste aux péniches
le gaz, le bois, le charbon, les engrais, les céréales, le sable…
Steve est un chef d’entreprise, il emploie un matelot,
Petrus, et un apprenti, Kevin, et assume toutes les responsabilités afférentes.
Trouver des chargements, assurer le transport, entretenir la péniche, payer les
charges … Le Covid fut anxiogène, gelant les échanges avec la Chine, le plus
grand pourvoyeur de marchandises. Mais même la maintenance et la vérification
des machines de la péniche posent problème, car il est impossible de trouver un
technicien français, Steve fait appel à une société hollandaise.
Son contrat
avec un courtier en containers lui assure actuellement un travail régulier
entre Lyon et Fos-sur-Mer. Il charge les containers le lundi matin au port
Edouard Herriot, met deux jours à descendre le Rhône, avec le franchissement de
13 écluses (il y a 150 m de dénivelé entre les deux ports). Décharge et recharge
le mercredi à Fos, selon le bon vouloir des dockers, une profession peu
accommodante, qui fait facilement grève. Si tout se passe bien, il est retour à
Lyon le vendredi soir.
Après avoir songé à se reconvertir en bateau de croisière
(jusqu’à cette semaine, 30 bateaux étaient arrêtés sur le Rhône, avec quel
avenir ?) il a décidé d’ouvrir une chambre d’hôtes sur sa péniche,
ponctuellement, quand sa femme est présente. Les demandes sont nombreuses, car
le public est curieux de connaître le travail des bateliers. Et descendre le
Rhône sur ce monstre d’acier est une expérience authentique inoubliable.
Article publié dans le Jtt du jeudi 13 août.
Bravo Steve
RépondreSupprimerQuel dommage qu'il n'y ait pas plus de transporteur comme vous sur le Rhône