Une superbe copie de ce trésor vient d’être installée cette année au temple Saint-Martin
de Montbéliard. Pourquoi une copie et pas l’original ? Parce que la valeur
du retable, exécuté en 1540, est inestimable. Son simple déplacement coûterait
une fortune en assurances, et on n’est même pas sûr qu’il soit encore transportable.
De dimensions impressionnantes : 4m sur 1.85m fermé, il comporte 6 volets
ornés recto-verso, soit 12 panneaux de 12 tableaux chacun. Au centre, une
grande crucifixion de 1m sur 1m, entourée de douze panneaux. En tout 157 scènes
racontent la vie de Jésus, d’après le Nouveau Testament.
Ce fabuleux livre d’images pieuses a été commandité par le
duc Georges I de Wurtemberg, suzerain de Montbéliard. Fraîchement converti à la
Réforme, il a voulu se perfectionner dans sa nouvelle religion en l’étudiant à
travers un catéchisme illustré. Pas question de l’étudier en latin, alors
chaque scène du retable est surmontée d’un extrait du texte biblique rédigé en
allemand. Le tout peint à la
main. Cette grandiose réalisation est la première bande
dessinée de l’histoire. Grâce à Heinrich Füllmaurer, un expert en peinture de
Herrenberg (Wurtemberg). Ce peintre et ébéniste était un décorateur chevronné qui
maîtrisait parfaitement la perspective à l’italienne, les architectures
classiques, les portraits, les couleurs, les drapés, les arrière-plans
bucoliques. Pour le choix des scènes, extraites des quatre évangiles, il a pris
conseil d’un spécialiste de la Bible de Luther. Résultat : Chacun des 157 tableaux
est une merveille de minutie, peinte à l’huile sur bois d’épicéa, et raconte
une histoire en plusieurs plans. Le retable a coûté une fortune au duc Georges,
à l’époque il était déjà considéré comme un chef d’œuvre.
Actuellement ce trésor est intransportable. Mais la Société d’Emulation Montbéliardaise, désireuse de le faire connaître au public, n’a pas reculé devant
Il a fallu d’abord demander au musée viennois le droit de
reproduire chacune des 157 scènes bibliques. Photos, scans, traitement, puis impression
sur panneaux PVC, montage sur cadres en bois, avec charnières et serrures. Une
doreuse sur cuivre en Alsace a donné à l’ensemble l’éclat qu’il méritait. Le
résultat final est d’une qualité visuelle remarquable, totalement semblable au
retable du XVIème siècle, moins la prédelle (le soubassement) et le
couronnement (sommital). Il constitue, outre sa vocation religieuse, une mine
de documents historiques.
Depuis juin 2016, le fac-similé du retable est installé à demeure
à l’intérieur du temple Saint-Martin de Montbéliard. Des visites sont maintenant
organisées par l’office de tourisme, la société d’émulation et la paroisse
protestante. On peut aussi aller admirer le retable individuellement, mais sans
le toucher, car seuls les conférenciers ont l’autorisation de le manipuler. Qu’à
cela ne tienne, la technologie est au service de l’art : une tablette
numérique, installée à côté du retable, permet de visionner sur écran chacune
des peintures, et d’en apprécier la finesse, la portée pédagogique. En cliquant
sur la bulle rédigée en allemand, la traduction en français apparaît : que
pourrait demander le bon peuple de Montbéliard en plus ?
Eh bien, d’admirer le retable chez soi. C’est possible grâce
au site monretable.free.fr mis au point par le Pasteur Jean-Pierre
Barbier. Apprécier les 157 tableaux n’est plus réservé à Monseigneur le Duc,
mais accessible à tous les internautes.
Article publié dans L'Esprit Comtois numéro 10 (automne 2017).