vendredi 25 août 2017

Angkor, toujours ...

Angkor, du Xème au XIIIème siècle, recouvrait 1000 kilomètres carrés, capitale du royaume khmer elle comptabilisait 750 000 habitants. Toute la zone était irriguée, et donc nourrie, grâce à des travaux hydrauliques colossaux et une gestion des eaux parfaitement maîtrisée. Les aléas climatiques, les guerres, le changement de religion, ont eu raison de cette merveilleuse cité qui fut progressivement abandonnée, puis reprise par la jungle. Jusqu’à sa « redécouverte » en 1860 par Henri Mouhot, un explorateur Montbéliardais. Ses carnets ont mis Angkor à la mode en Europe, comme Bonaparte avait initié l’égyptomanie quelques décennies plus tôt. Aujourd’hui, une centaine de temples subsistent dans une jungle de 900 km2, sillonnée par un réseau de pistes.

Angkor Vat, le temple majeur du site est un des mieux conservés. Le terme temple est impropre pour cette cité de pierre aux bâtiments somptueux imbriqués les uns dans les autres. Une magnifique voie pavée passe au dessus d’une douve, et pénètre dans une muraille de 3.5 km de long. Architecture de grès et de latérite, les blocs ne sont pas assemblés par un mortier, mais par une taille ajustée. Les différents niveaux s’étagent en terrasses successives, reliées par des escaliers, jusqu’au centre, où on accède au sanctuaire dominé par les cinq célèbres tours. Le temple est aujourd’hui encore un lieu saint, mais dédié à Bouddha, alors qu’à l’origine c’était un lieu de culte hindouiste, dédié à Vishnou. Le Cambodge est passé en douceur d’une religion à une autre, dans une forme de syncrétisme paisible.

Deux autres sites spectaculaires, à une vingtaine de kilomètres, attirent les touristes. D’abord Angkor Tom, la ville royale fortifiée. Un carré de 3 km de côté, entouré d’une douve et d’une muraille, percée par quatre portes. L’entrée principale est bordée d’un alignement d’une cinquantaine de dieux d’un côté, de démons de l’autre, tenant le serpent sacré, le naga. A l’intérieur, plusieurs palais, temples, dont le fameux Bayon bâti par Jayavarman VII. Ce fantastique monument, avec ses 54 tours à quatre visages, fut dédié par le souverain à Bouddha  dont il diffusa la doctrine. Partout, on se sent regardé avec bienveillance.

Ta Prohm est le temple dissimulé sous les fromagers géants, où végétal et minéral se livrent une lutte sans merci. C’est hallucinant. Les racines des arbres, vieux de 300 ans environ, se sont insérées entre les pierres des temples, ont poussé sur les ruines. Cette double architecture grandiose donne l’impression de se trouver face au chaos, dans un autre monde, après l’apocalypse.

Plus à l’écart se trouve la « cité des femmes », Banteay Srei, temple de grès rose aux sculptures raffinées, joyau de l’art khmer. Si beau qu’en 1923 André Malraux, alors jeune explorateur, avait décidé d’en voler quelques bas-reliefs pour les revendre sur le marché de l’art. Arrêté, emprisonné, il a enduré la prison, avant de mettre en scène son aventure dans « La voie Royale », mais ce scandale a permis de mettre en place la protection des œuvres d’art du Cambodge.

Angkor est un site exceptionnel, où chaque temple a sa personnalité. Les dizaines de kilomètres entre les sites, à travers la jungle, sont l’occasion d’apercevoir entre les arbres, d’autres temples, d’autres ruines, que personne ne visite. Les archéologues de l’école française d’Extrême-Orient ont encore de belles restaurations à faire !

Article publié dans le JTT du jeudi 24 août.


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