Caligula (12-41 après JC) est un empereur romain qui a
laissé de très mauvais souvenirs dans l’histoire. Ce successeur de Tibère, intronisé
en 37, despote fou, débauché et sanguinaire, finit assassiné.
Est-ce pour se protéger qu’il avait décidé de vivre à Nemi (à une trentaine de
km de Rome), non pas au bord du lac mais SUR le lac ?
Il s’était donc fait construire un gigantesque bateau
de 75 m sur 24 m. Sur la coque plate fut édifiée une somptueuse villa
flottante, avec colonnes de marbre, sol en mosaïque, tuiles en bronze, thermes,
jardins et statues. Sur un autre navire de même dimension, il fit construire un
temple dédié à Diane, déesse de la chasse, dont le sanctuaire monumental était
un lieu de pèlerinage au bord du lac. La crainte de l’au-delà le tenaillait,
sans doute. Les deux navires, coulés à la mort de Caligula, sont restés dans
l’oubli pendant les siècles suivants.
Quelques pêcheurs plongeaient parfois, et rapportaient
des objets antiques, qui accréditaient l’idée qu’un trésor était caché au fond
du lac. Au XIXème siècle, les vestiges rapportés confirmèrent l’intérêt de
fouiller les épaves, enfouis à une quinzaine de mètres de profondeur. C’est en
1924 que la campagne de fouilles commença vraiment sous l’impulsion de
Mussolini. Autre époque, autre tyran mégalomane, qui voulait affirmer la
puissance infinie de Rome. Grâce au canal émissaire antique retrouvé, le lac fut lentement vidé. En 1929 le premier bateau apparut à
l’air libre. Le second suivit en 1930. Mussolini fit spécialement construire un
vaste musée sur la rive, avec deux ailes symétriques, pour y conserver les
navires et leur cargaison d’antiquités. Hisser les deux navires mis à jour jusqu’au bord du lac fut une prouesse technique. Et le Musée des
Navires Romains ouvrit ses portes en 1940.
Hélas, cette formidable trouvaille ne fut visible que
quelques années par les archéologues, scientifiques et amateurs. Le musée fut
entièrement détruit dans un gigantesque incendie le 1 juin 1944. Vengeance des
nazis, bombardement par les Américains qui débarquaient à Anzio ou feu allumé
accidentellement par les réfugiés qui passaient la nuit dans le musée ?
Nul ne sait. Seules quelques pièces furent sauvées. Et le superbe musée,
longtemps abandonné, n’a été ré-ouvert qu’en 1988, avec les maquettes des
navires, les photos de leur sauvetage et quelques antiquités récupérées dans
les villas romaines voisines.
Les navires romains de Nemi ne sont plus visibles,
mais leur histoire subsiste dans notre mémoire, « Fluctuat nec mergitur » comme le chantait Brassens ...
Article publié dans le JTT.
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