Hier soir au cinéma Pathé de Belfort, en direct du
Metropolitan Opera de New York, une séance consacrée à Nabucco, de Giuseppe Verdi.
Impossible de la rater. D ’autant
que le Chœur des esclaves, à l'acte III, avec « O mia Patria », a été bissé…
Nabucco fut créé le 8 mars 1842 à la Scala de Milan, et lança
la carrière du jeune compositeur de 29 ans, faisant de lui l’un des maîtres
incontestés de l’opéra italien. Le livret oscille entre démesure et humanité,
mais l’œuvre est autant politique que musicale : elle évoque l'esclavage des juifs par Nabuchodonosor, roi de Babylone, et le fameux chant « Va pensiero »
est celui des opprimés. En Italie, ce chant devint le symbole de la
quête de liberté du peuple, qui, dans les années 1840 - époque où l'opéra fut
écrit - était sous le joug des Habsbourg.
Nabucco valut au jeune Verdi son premier
succès international et fut considéré comme emblématique du
Risorgimento. « Va pensiero » servit de chant de ralliement aux
indépendantistes qui se battirent jusqu'à l’unification de l’Italie en 1861. A
tel point qu’il fut question de le choisir comme hymne national lors de la
proclamation de la République italienne en 1946. Idée écartée, car rappelant
trop l’esclavage.
Nabucco retrouva une dimension politique, lors de son interprétation à l’opéra de Rome, le 12 mars 2011, sous la baguette du célèbre chef
d’orchestre Riccardo Muti. Un moment culturel symbolique : l’inauguration
de la célébration des 150 ans de l'unité italienne. Avant la représentation,
Gianni Alemanno, maire de Rome, monta sur scène pour prononcer un
discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture. Cette
intervention produisit un effet inattendu, d’autant que Silvio
Berlusconi assistait à la représentation. A
la fin du "Chœur des esclaves" de l'acte III, Riccardo
Muti s'est arrêté sous les applaudissements nourris du public, et a décidé de bisser l'hymne, en le dédiant à un autre Risorgimento, celui de la
culture, "qui, seule, a fait l'histoire et l'unité de l'Italie".
Dans un silence solennel, Muti a demandé au public de se joindre aux
voix du chœur. Toute la salle s’est levée pour
chanter « Va pensiero », tandis que des tracts politiques étaient
lancés depuis le poulailler. Emotion intense du public, uni par ces paroles : « O mia Patria, si bella e perduta..." ».
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