vendredi 26 février 2016

Carmen redé-Colle !

L’entreprise World Tricot s’apprête à prendre un nouvel essor.
Créé dans les années 1980 à Lure par Carmen Colle, pour donner localement du travail aux femmes immigrées, en valorisant leur savoir-faire en matière textile, World Tricot a atteint son apogée dans les années 2000, lorsqu’une centaine d’employées produisaient des pièces originales pour les grands couturiers.
En 2004, le procès pour contrefaçon contre Chanel  fut une longue épreuve, dont WT est sorti gagnant mais exsangue. Les clients désertèrent, s’ensuivirent licenciements, dépôt de bilan, mise en liquidation.

Malgré le label Entreprise du Patrimoine Vivant obtenu en 2014, World Tricot peine à redémarrer. A ses débuts, Carmen avait reçu l’aide de l’Abbé Pierre, au XXIème siècle, c’est vers le financement participatif qu’elle se tourne. Il faut de l’argent pour payer les loyers, les salaires, embaucher. Et  relancer la production de vêtements en maille de la marque Angel Batist, proposer une ligne complète de linge de maison haut de gamme, et pourquoi pas, un jour ouvrir une école de formation aux métiers de la maille de luxe…

Le savoir-faire, l’expérience et la créativité sont là. La boutique de Lure ouvre à nouveau ses portes le 5 mars, offrant de belles pièces en alpaga, cachemire, mohair…
Soutenez l'artisanat français en achetant un accessoire ou en participant au crowfunding !


Boutique : World Tricot Paris
1 rue des Berniers, La Saline
70200 LURE

03 84 62 81 84

vendredi 19 février 2016

Jean Messagier au Musée de Montbéliard

Figure locale majeure, Jean Messagier (1920-1999) est l’auteur d’une œuvre prolifique, aux confins de l’abstraction et de la figuration. De souche franc-comtoise, après des études à Paris, à l’Ecole des arts décoratifs et dans le cours de poétique de Paul Valéry, il revient s’établir au bord du Doubs, où il peut donner libre cours à sa créativité joyeuse et éclectique.
Classé parmi les peintres de la Nouvelle Ecole de Paris depuis 1952,  catégorie abstraction lyrique, cet artiste fougueux a développé bien d'autres expérimentations, liées à son mot d’ordre : la création doit être avant tout fête et jubilation. 

Le Musée du Château des ducs de Wurtemberg possède une importante collection de toiles de Messagier. Pour cet accrochage, il a sélectionné des œuvres mettant en valeur formes et couleurs, motifs et personnages, engagement politique et verve humoristique. Un univers euphorique auquel Gilles, le guide du musée, participe par des commentaires pertinents et admiratifs.

« Jean Messagier, le grand cortège », au musée de Montbéliard, à partir du 29/01/2016
A voir aussi au second étage : "My love is like a red red rose", trois siècles d’art en Ecosse.
Et la superbe collection paléontologique de la galerie Cuvier.


dimanche 14 février 2016

Denise, une magicienne en pays sous-vosgien

Dans son atelier de Chaux, on se sent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Pas bouger. Les murs tapissés d’étagères débordent de documents, de tissus, d’outils. Les tables sont couvertes de dessins, projets, photos. La machine à coudre ici, la perceuse là, les peintures, laques, rouleaux plus loin, un coin ordinateur avec tout le matériel de reproduction. Et partout, des objets hétéroclites plus ou moins décortiqués. Mais que fabrique donc Denise ?

Denise touche à tout. Formée aux Beaux-arts, elle utilise et détourne toutes les techniques artistiques, avec un faible pour le mix media. Bricoleuse inventive, elle change la déco, relooke les objets, invente des supports, anime des ateliers créatifs. Entre voyages, expositions et salons professionnels, difficile de l’attraper !  Il n’y a que pour tester ses recettes du terroir qu’elle rejoint la cuisine… Dotée d’une jolie plume, elle a rédigé de nombreux articles et livres, jouant sur l’humour ou la nostalgie, partageant secrets de fabrication et explorations artistiques, jusqu’en Russie.

Son dernier ouvrage reflète son amour des animaux et son intérêt pour l’ésotérisme. Le Bestiaire des Sorcières est un beau livre à l’ancienne, tranche dorée et planches anatomiques, qui recense une trentaine d’animaux liés à l’univers fantastique. Potions magiques et vieux grimoires, loup-garou et mandragore, maléfices et diableries n’auront plus de secrets pour vous… 
Denise ne serait-elle pas plutôt sorcière ?

« Le Bestiaires des Sorcières », est édité chez Rustica ( photo Nook).

www.crolle-terzaghi.com/


jeudi 11 février 2016

Chronique littéraire : Le dernier gardien d'Ellis Island, de Gaëlle Josse

Ce court roman présente avec justesse et émotion l’arrivée des migrants venus du monde entier vers l’Amérique, au début du XXème siècle. Ellis Island, c’est la Porte d’Or, Golden Gate dans le célèbre film avec Charlotte Gainsbourg. Juste à côté de la Statue de la Liberté. Le dernier gardien de Ellis Island, imaginé par l'auteur, est un fonctionnaire zélé qui a passé 30 ans sur l’île, jusqu’à sa fermeture en 1954. Dans son journal intime, il note la vie quotidienne, les chagrins et les joies, avec un mélange de rigueur et compassion.

De l’île on aperçoit Manhattan, synonyme d’une vie nouvelle, pour tous ceux qui ont fui la misère, la guerre ou la répression. Ils ont vécu un voyage éprouvant, entassés dans les cales des paquebots, sans confort ni hygiène. A l’arrivée, ils se sont parés de leurs plus beaux atours, pour faire honneur à l’Amérique et paraître dignes. Ils débarquent sur Ellis Island, dans l’espoir d’être acceptés sur le sol américain. Mais tous ne resteront pas.
Désinfection, hébergement, examens médicaux, administratifs, étude des compétences, tout est organisé dans le centre d’accueil pour repérer les meilleurs sujets, les plus solides. Rejet des autres, malades, faibles, déchirement des familles, rêves brisés. Ellis Island est surtout un centre de tri, une machine qui broie toutes ces populations bigarrées, Russes, Italiens, Espagnols, Norvégiens … pour en extraire une race d’Américains motivés.

Un beau travail de fiction, dans un style sobre, concret, sans pathos. On s'imagine au milieu des migrants, aussi bien que si on visitait le fameux Musée de l’Immigration, installé actuellement sur l’île. Ce symbole du melting-pot américain perpétue par une mise en scène d’objets, statistiques, photos, et une liste interminable de noms, le souvenir des millions d’hommes remplis d’espoir accostant à Ellis Island.

Roman disponible en poche chez J’ai lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 11 février 2016.

jeudi 4 février 2016

L'Année Sainte, à Rome et dans le monde

Le 8 décembre 2015 s’est ouvert au Vatican le Jubilé de la Miséricorde, qui durera jusqu’au 20 novembre 2016. Cette Année Sainte Extraordinaire, car elle se tient en dehors des jubilés prévus tous les 25 ans (le dernier a eu lieu en 2000), commémore le cinquantenaire de la fin du Concile Vatican II, un Concile important par sa volonté d’ouvrir l’Eglise au monde moderne. Le Pape François a dédié ce Jubilé à la miséricorde, un thème fondamental par lequel il espère rassembler le monde déchiré par les violences. «La miséricorde de Dieu est faite de tendresse et de compassion, d'indulgence et de pardon.»

Le 8 décembre François a donc ouvert symboliquement la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre à Rome. Les portes saintes des trois autres basiliques majeures ont ensuite été ouvertes. Le Pape en a ouvert une cinquième dans un centre d'accueil Caritas au cœur de Rome : la porte sainte de la charité. Mais la grande innovation ordonnée par François, c’est l’ouverture, pour la première fois dans l’histoire des jubilés, de portes saintes dans tous les diocèses du monde. Il a d’ailleurs ouvert en premier celle de Bangui, la capitale centrafricaine, lors de sa visite, en novembre 2015.

Beaucoup de pèlerins, fidèles à la tradition, affluent à Rome, pour franchir la porte sainte d’une des quatre basiliques majeures, Saint-Pierre, Saint-Paul hors les Murs, Saint-Jean de Latran ou Sainte-Marie-Majeure. Mais l’année sainte concerne les catholiques du monde entier puisque celle-ci est entièrement décentralisée. C’est un moment privilégié pour partager sa foi, demander pardon pour ses péchés et bénéficier d’une indulgence. Cette année, les fidèles peuvent le faire dans la cathédrale de leur région. Jusqu’au 20 novembre, toute personne en quête de pardon est invitée à franchir une porte sainte. Ce passage symbolise la transition du péché vers la grâce.

Traditionnellement, le pèlerin, après avoir  franchi une porte sainte, doit prier, se confesser, assister à la messe, faire un don. Il obtient alors l'indulgence (remise de peine) pour ses péchés. L’indulgence est l'un des points les plus controversés de l'histoire de l'Église (le trafic des indulgences fut une des origines de la réforme de Luther). Mais pour François, ce qui importe, c’est la recherche du pardon : «Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l'avenir avec espérance».

Élu pour réformer l’Eglise, François n’a pas encore réussi sa mission, confronté aux innombrables blocages des institutions. Il contourne l’obstacle, en s’adressant directement à l’ensemble des fidèles, en les fédérant autour d’une année sainte exceptionnelle.
Une gigantesque opération «portes ouvertes » dans le cœur de Dieu et des hommes.

Référence : le livre du Pape François : « Le nom de Dieu est Miséricorde »

Article publié dans le JTT du jeudi 4 février 2016.