Moustiers-Sainte-Marie est un des plus
beaux villages de France, un site spectaculaire du Parc du Verdon,
connu pour ses faïences délicates. Pas étonnant que la balade
intitulée "Les hauteurs de Moustiers, découverte du village et
du milieu naturel, retour en lacets par la voie romaine" ait
attiré nombre d'amateurs en cette chaude après-midi de septembre.
Tous bien chaussés, sac à dos,
équipés de bâtons. On pourrait croire à un groupe de marcheurs
confirmés, sexagénaires à la forme olympique. Certains, peut-être
le sont : les conjoints, les touristes, mais le gros de la
troupe ? Des curistes. En plus de leur sac, ils portent
rhumatismes, arthrose, prothèses de hanches ou de genoux, vertèbres
fêlées et asthme, problèmes cardiaques, diabète et j'en passe.
L'animateur est un spécialiste de la faune et la flore locales. Quid d'un groupe humain hétérogène ?
Départ du parking, en bas du village,
panorama splendide. La falaise paraît inaccessible, certains
s'inquiètent. Pas de problème, on va la contourner par la gauche !
Longue montée à travers les terrasses jardinées, les murailles de la ville,
la porte ouest, le pont génois, puis à flanc de coteau
dans les oliveraies. Nombreux arrêts, le guide précise les espèces
végétales : genévriers commun (dégustation de baies, c'est bon pour
la santé) et genévrier de Phénicie, buis, chêne vert,
amélanchier, cornouiller et, plus haut, pin d'Autriche et pin
sylvestre. Senteurs de thym, de lavande, de sarriette, les dames font
la cueillette. Le groupe arrive tant bien que mal au sommet, certains
suant, soufflant, joues en feu. Une pause-goûter sur le plateau,
annonce le guide. Où çà, un plateau ? A l'infini, s'étend une
garrigue pierreuse et tourmentée, ponctuée de cairns et de trous de
sorcière asséchés, qu'il faudra traverser.
Le guide signale les nids de chenilles
processionnaires, un vol de grands corbeaux dans le ciel, deux
chamois qui batifolent, il sait tout de leurs caractéristiques,
leurs amours, leur résistance. Mais ne s'inquiète pas de celle des curistes, presque à bout de force. C'est un passionné de nature, pas
un garde-malades, il les ignore. Une
bonne tactique, car ses remarques sur les formations karstiques,
calcaire, tuf, argile ... distraient les esprits. Le temps passe, une
agréable fraîcheur se fait sentir, puis des nuages noirs apparaissent. Pas de souci, ce sont les nuages du soir !
Au carrefour de la voie romaine, quand
surgit la vallée du Verdon au soleil couchant, le guide s'étonne.
Si tard, déjà ? Pour arriver avant la nuit, il doit raccourcir le
retour, et engage le groupe dans le vertigineux éboulis qui conduit
directement au-dessus du promontoire de la chapelle Notre Dame de Beauvoir.
Un vrai couloir d'escalade. Si les
rochers ne sont pas glissants, les gravillons roulent sous le pied.
L'entraide entre randonneurs permet d'éviter le pire. Personne ne
bronche. Les curistes progressent lentement, ils ont du mal à plier
leurs genoux, à placer les pieds sur les aspérités, à passer les escarpement étroits sur les fesses. Mais
que faire à part avancer ? Si la Sécurité sociale les voyait ...
Privés de cure, les Pieds Nickelés !
Au loin, le soleil embrase les falaises, le village s'illumine à leurs pieds, le
spectacle est grandiose. Ils passent sous l'étoile emblématique de
Moustiers en songeant à l'ex-voto qu'il pourraient offrir ... s'ils
s'en sortent.
C'est dans la nuit qu'ils arrivent en
bas, épuisés, soulagés, étonnés de leur prouesse. Les ateliers de faïence
sont fermés, mais il y a du réseau, les smartphones crépitent :
650 m de dénivelé, annonce l'un, 4 h de rando, dit l'autre, 8,5 km
proclame un troisième. Dire qu'on était partis pour une p'tite balade ! 3450 calories consommées, conclut le plus maigre de la
troupe. De quoi envisager un repas roboratif pour se remettre des
émotions.
Mais demain, aux Thermes, courbatures
et plaintes seront au programme : Quel inconscient, ce guide !