Il vaut parfois mieux être bergère que princesse. L’histoire
que nous conte Chantal Thomas est édifiante et cruelle. Il ne s’agit pourtant
nullement d’une fiction, mais d’un fait historique, un marché conclu entre deux
puissances rivales, l’Espagne et la France, en 1721.
Le duc d’Orléans, régent, veut garantir sa fonction en
consolidant la paix durablement. Pour cela, il propose un double mariage :
l’infante Maria Victoria épousera le jeune roi de France Louis XV, et sa propre
fille, Louise de Montpensier, s’unira à l’infant Luis d’Espagne.
C’est risqué : les mariés sont des enfants. Maria
Victoria a quatre ans, Louis XV onze, comme Louise de Montpensier, et Luis
d’Espagne quatorze. Leurs attentes sont différentes, leurs caractères peu affirmés. Maria Victoria joue à la poupée, Louise enrage contre le monde
entier, Louis ne se plait qu’en compagnie de ses pages, et Luis refoule ses
complexes dans d’interminables parties de chasse. Deuxième écueil : ces
enfants n’ont connu nulle affection, ils sont livrés à la politique, à une
étiquette rigide, dans une cour
sournoise, où les jalousies s’exacerbent, et où personne ne s’occupe de leurs sentiments.
Les sacrements de baptême, communion, mariage, sont expédiés
en un temps record. Commence alors le voyage des princesses, l'une depuis Madrid,
l’autre depuis Paris, en compagnie de brillantes escortes. Une expédition de
plusieurs mois, qui parfois se transforme en calvaire. Enfin, l’échange a lieu
sur l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa. Maria Victoria
continue vers Paris, Louise vers Madrid.
Le chroniqueur Saint-Simon a accompagné Louise à Madrid. Fin
observateur de la Cour, il a comparé les réactions. En Espagne, la reine Elisabeth
Farnèse , sans cœur, domine le lubrique roi Philippe. En
France, c’est la guerre entre les ducs d’Orléans et de Bourbon. Les deux petits
couples tentent de faire bonne figure, mais derrière les apparences la perversion
règne, les divergences se creusent. La mort du régent remet tout en question, puisque les mariages ne sont pas consommés.
Chantal Thomas, née à Lyon en 1945, auteure et
universitaire spécialiste du XVIIIème siècle, en propose ici une vision très
documentée, ainsi qu’une brillante analyse de caractères. Entre folie, amour, détresse,
indifférence, cruauté, tout est mal qui finit mal pour les enfants royaux.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 29 janvier 2015.
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