Ce proverbe tzigane symbolise
parfaitement une page méconnue de la guerre de 39/45: l'internement
obligatoire, dans des camps en Charente, de tous les saltimbanques,
forains, Manouches et autres Romanichels français. Une circulaire de
Pétain interdisait leur libre circulation. On les a enfermés, et
donc privés de ce qui constituait l'essence même de leur culture :
la liberté de mouvement. Ils ont essayé de survivre dans la misère
et le désintérêt des autorités.
C'est Alba qui raconte. Entrée dans le
camp à 14ans, elle croit que cet entassement dans des baraquements
rudimentaires est provisoire. Mais les autorités confisquent les
roulottes, les chevaux. Son internement et celui de sa famille, de sa
tribu, durera six longues années. Elle connaîtra le froid, la faim,
le désespoir, mais aussi la solidarité et l'amour. Naissances et
décès, humiliations et amitiés, tenir malgré l'adversité,
s'adapter pour vivre. Ce roman évoque la souffrance et la solidarité
d'un peuple marginal et secret, qui d'habitude ne se confie pas aux
gadgés.
Mais Paola Pigani, née en 1963 dans
une pauvre famille italienne émigrée en Charente, a longtemps
côtoyé les Manouches, partagé son enfance avec eux. Après avoir rencontré une survivante du camp des Alliers, elle a voulu faire
connaître ce pan ignoré et peu reluisant de l'histoire de la France
de Pétain. Et rendre hommage à ses amis, fiers et libres, encore à
l'index aujourd'hui.
Dans un style poétique, elle réussit un roman d'initiation sensible et chaleureux, empreint d'humanité.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 23 octobre 2014.
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