lundi 25 août 2014

Chronique littéraire : Le grand Coeur, de Jean-Christophe Rufin

Une chronique du pouvoir et de l’argent, dans une France qui s’ouvre au monde. Portrait d’une époque charnière, entre la fin du Moyen Age guerrier et frustre, et l'éclosion de la Renaissance, du côté de l’Italie. Où un visionnaire obstiné devient aventurier, commerçant richissime puis mécène du roi.

Jacques Cœur naît à Bourges en 1400 dans une famille de pelletiers. Plutôt rêveur, il se sent mal à l’aise dans le Moyen Age finissant, ses chevaliers figés, sa guerre interminable, sa violence, sa grisaille. Il rêve d’Orient, de soleil, de caravanes et de raffinements.
Après des débuts difficiles, et un voyage initiatique à Damas, il commence à tisser des liens commerciaux internationaux, où l’argent remplace la force. Avec la bénédiction du roi Charles VII, qui a besoin de renflouer ses caisses.
Celui-ci est un personnage pervers, qui joue la faiblesse, mais s’entoure d’esprits brillants et novateurs, leur laisse l’initiative, jusqu’au moment où il précipite leur chute. C’est le cas de Jeanne d’Arc, abandonnée aux Anglais, d’Agnès Sorel, la Dame de Beauté, sa maîtresse adulée, puis de Jacques Cœur lui-même, devenu Grand Argentier du royaume, et donc trop puissant.

Jean-Christophe Rufin est lui-même né à Bourges en 1952. On sent son admiration pour le grand homme de sa ville, et sa volonté de lui rendre justice. Un beau travail romanesque et historique, tant par la riche documentation, la complexité des personnages, que par le style épuré et l’intrigue soutenue.

Le grand Coeur est disponible en poche chez Folio au prix de 8.40€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 28 août 2014.

lundi 18 août 2014

Un Giro en Gyropode

Si une balade en gyropode vous fait envie, commencez par oublier tous vos réflexes de conduite ! Un gyropode ne se manipule ni comme un scooter, ni comme une trottinette. Disons que ce qui s'en rapproche le plus, c'est le ski. Pourquoi ? Parce que pour faire avancer un gyropode, tout est affaire de sensation, c'est la position du corps qui dirige le mouvement.

Bien sûr, c'est un engin électrique, une batterie permet de le propulser. Mais c'est le poids du corps, qui, transmis par les pieds à des capteurs gyroscopiques, donne le départ et définit la vitesse. Debout sur l'engin, quand on se penche en avant, on avance. En arrière, on recule. Au milieu, on s'arrête. Plus on se penche en avant, plus on va vite. Les poignées permettent de changer de direction, mais il faut appuyer dessus, pas les tourner. Bref, il faut abandonner toutes ses habitudes. Une initiation au gyropode, c'est une aventure totalement déconcertante.

Une fois debout sur l'engin, les deux pieds bien à plat, attentif aux sensations, les réflexes viennent naturellement. Et l'impression de liberté, de facilité, vous envahit. Pas de bruit, pas d'effort, le gyropode se fraie un chemin sur routes et trottoirs, monte sans peine les pentes fortes, dépassant même les cyclistes. Un moyen de transport urbain et écolo (la batterie rechargeable donne un autonomie d'environ 30 km).

Le GyroDromois est une société qui offre la possibilité d'expérimenter les balades en gyropode dans la Drôme et l'Ardèche. Vocation touristique, pour amener les visiteurs à découvrir les vignes de l'Hermitage ou du Saint Joseph, les villages perchés ou les champs de lavande. Mais aussi, encadré par des professionnels sur des circuits paysagers autour de Valence, ce nouveau mode de transport est l'occasion de s'amuser individuellement ou en groupe, lors de séminaires d'entreprises ou d'événements ludiques.

Autres domaines d'utilisation : le gyropode, moyen de transport individuel, pratique et économique sur de petits trajets, promeut une vision écologique du déplacement. Il remplace la deuxième voiture. Les aéroports, les grandes entreprises, s'en dotent pour assurer la surveillance, la maintenance des locaux. A l'achat, c'est encore coûteux, mais les Chinois se sont lancés sur le marché, afin de concurrencer la suprématie de l'Américain Segway. Et quand la mobilité se réduit, le gyropode permet aux aventuriers une alternative : se promener encore, tout en douceur.
L'office de tourisme Hermitage-Tournonnais ne s'y est pas trompé, en proposant aux nombreux visiteurs et curieux de tester cette locomotion insolite.

Renseignements :
www.legyrodromois.com

lundi 11 août 2014

Chronique littéraire : Dans l'ombre de la lumière, de Claude Pujade-Renaud

Le portrait d’une femme de l’ombre, celle qui fut la compagne de Saint Augustin pendant quinze ans, avant d’être répudiée. Un portrait tout en retenue, entre vie quotidienne, culte de la mémoire, silence et quête spirituelle.

Le monologue d’Elissa interpelle sans cesse Augustin, elle n’a pas rompu le lien, son amour bafoué reste l’essence de sa vie. Si elle survit, c’est grâce à sa sœur, ses amis, et son travail de poterie, qui lui permet d’exprimer ses sentiments. En filigrane, l’évolution d’Augustin, hanté par la grâce, l’élaboration de ses Confessions, sa célébrité rayonnante. Un portrait croisé, qui fait revivre un moment charnière, les IV et V èmes siècles, quand l’empire romain s’effondre, les religions s’affrontent. Païens, manichéens, ariens, chrétiens de diverses obédiences, de Carthage à Rome et Milan, les intellectuels se passionnent pour la rhétorique, la philosophie, la théologie, tandis que la barbarie menace.

Claude Pujade-Renaud a réussi un roman riche et maîtrisé. La forme correspond à son héroïne : belle, simple,  travaillée, paisible. Les personnages secondaires, belle-mère omniprésente, amis fidèles ou non, fils ou fille de substitution, permettent d’élargir le sujet aux questionnements humains en général : transmission, solidarité, compassion. Le soleil, les fruits mûrs, l’éclat de la Méditerranée ajoutent à la sensualité charnelle d’Elissa. Une femme émouvante, digne, forte, et si proche.

Ce livre est disponible en poche chez Babel au prix de 8.70€.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 7 août 2014.