Un film de Lucas Belvaux, entre polar et questionnement
moral. J’ai été bouleversée par l’acuité de la réflexion philosophique et
l’efficacité du film. Le thème : la
lâcheté et la
culpabilité. Lâcheté collective, culpabilité individuelle, ou
l’inverse ? Pourquoi cacher la vérité ? Et d’abord quelle
vérité ? Comment est-on détruit en voulant se protéger ?
Le film se déroule au Havre. Ville à l’architecture austère,
dont le port et ses porte-containers inhumains, la nuit, induisent déjà une ambiance
de peur, d’écrasement. Je n’ai pas compris tout le symbolisme avant d’avoir relu
la mythologie des noms : Ainsi Andromède, le navire traçant sa route comme
un bulldozer des mers, première image du film, est le nom d’une héroïne livrée
au monstre. Qui jouera le rôle de Persée, son sauveur ? Celui qui a écrasé
la Gorgone, qui changeait en pierre tous ceux qui la regardaient…
Une jeune femme est découverte morte, baignant dans son
sang, dans une rue du Havre. Tous les habitants de l’immeuble voisin jurent
n’avoir rien entendu, rien vu. Sauf un, qui refuse de répondre. Homme
responsable, respectable, pilote au port, que sa fiancée, de retour de voyage
trouve bizarre. Elle s’inquiète de ce changement. Témoin de la culpabilité qui
ronge son compagnon, elle veut qu’il lui parle, elle veut l’aider. Mais il ne
peut pas partager son lourd secret.
Et puis, il y a une journaliste, qui fouille, qui interroge,
qui déstabilise, elle trouve étrange le mutisme du quartier. Elle insiste, pose
ses questions sans relâche, malgré les refus.
Quand Pierre se décide à avouer à la police qu’il a entendu,
qu’il n’a pas compris, et donc rien tenté, c’est le fragile équilibre de chacun
qui vole en éclats. Les autres voisins avouent à leur tour, leur attitude
change, l’agressivité se déchaîne. Le jeune policier chargé de l’enquête veut
faire poursuivre les 38 témoins pour non assistance à personne en danger. Mais
le procureur refuse au nom de l’ordre public, un témoin, oui, mais 38, c’est la
banalisation de la lâcheté.
Finalement, il faut l’insistance commune du policier et de
la journaliste pour que l’affaire éclate au grand jour. La Honte pour le
quartier. Insupportable.
La reconstitution du crime, film dans le film, est un modèle
de psychodrame, et de catharsis.
Elle ouvre à Pierre la possibilité de recommencer une autre
vie, ailleurs, seul, mais plus jamais en paix.
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