dimanche 13 mai 2012

Un film remarquable : 38 témoins


Un film de Lucas Belvaux, entre polar et questionnement moral. J’ai été bouleversée par l’acuité de la réflexion philosophique et l’efficacité du film.  Le thème : la lâcheté et la culpabilité. Lâcheté collective, culpabilité individuelle, ou l’inverse ? Pourquoi cacher la vérité ? Et d’abord quelle vérité ? Comment est-on détruit en voulant se protéger ?

Le film se déroule au Havre. Ville à l’architecture austère, dont le port et ses porte-containers inhumains, la nuit, induisent déjà une ambiance de peur, d’écrasement. Je n’ai pas compris tout le symbolisme avant d’avoir relu la mythologie des noms : Ainsi Andromède, le navire traçant sa route comme un bulldozer des mers, première image du film, est le nom d’une héroïne livrée au monstre. Qui jouera le rôle de Persée, son sauveur ? Celui qui a écrasé la Gorgone, qui changeait en pierre tous ceux qui la regardaient…

Une jeune femme est découverte morte, baignant dans son sang, dans une rue du Havre. Tous les habitants de l’immeuble voisin jurent n’avoir rien entendu, rien vu. Sauf un, qui refuse de répondre. Homme responsable, respectable, pilote au port, que sa fiancée, de retour de voyage trouve bizarre. Elle s’inquiète de ce changement. Témoin de la culpabilité qui ronge son compagnon, elle veut qu’il lui parle, elle veut l’aider. Mais il ne peut pas partager son lourd secret.
Et puis, il y a une journaliste, qui fouille, qui interroge, qui déstabilise, elle trouve étrange le mutisme du quartier. Elle insiste, pose ses questions sans relâche, malgré les refus.

Quand Pierre se décide à avouer à la police qu’il a entendu, qu’il n’a pas compris, et donc rien tenté, c’est le fragile équilibre de chacun qui vole en éclats. Les autres voisins avouent à leur tour, leur attitude change, l’agressivité se déchaîne. Le jeune policier chargé de l’enquête veut faire poursuivre les 38 témoins pour non assistance à personne en danger. Mais le procureur refuse au nom de l’ordre public, un témoin, oui, mais 38, c’est la banalisation de la lâcheté.
Finalement, il faut l’insistance commune du policier et de la journaliste pour que l’affaire éclate au grand jour. La Honte pour le quartier. Insupportable.

La reconstitution du crime, film dans le film, est un modèle de psychodrame, et de catharsis. 
Elle ouvre à Pierre la possibilité de recommencer une autre vie, ailleurs, seul, mais plus jamais en paix.


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