La BnF, dont le site historique, rue Richelieu à Paris, est maintenant l'Institut national d’histoire de l’art (INHA), accueille les visiteurs dans un superbe décor du XVIIème siècle. L’occasion de découvrir l’histoire d’un monument de l’esprit. Et d'une technologie qui fut révolutionnaire, le transport par pneumatiques !
La BnF est l’héritière de la bibliothèque royale, fondée en 1368, développée par Colbert à partir de 1666 pour la gloire de Louis XIV, devenue la première d’Europe sous la gouverne de l’Abbé Bignon dès 1719. Bibliothèque nationale enrichie sous la Révolution par les milliers de documents saisis. Modifiée de 1854 à 1858 par l’architecte Labrouste, dont la salle de lecture éponyme est une réussite exceptionnelle. Seize pilastres de fonte soutiennent neuf coupoles percées d’oculi qui dispensent une lumière uniforme. Le décor est soigné, avec chaises, pupitres et étagères de bois, lampes d’opaline verte, fresques végétales au mur.
Dans la salle de lecture, réservée aux chercheurs, le silence règne. Au fond, derrière la grande porte encadrée par deux cariatides monumentales, se trouve le magasin central, c’est-à-dire la réserve, avec une autre salle de lecture aux documents en libre accès. Mais ce qui attire l’attention, c’est l’imposante tubulure ancienne conservée au centre des lieux. Qu’est-ce ?
C’est le système pneumatique qui permettait aux bibliothécaires d’antan d’envoyer les demandes de documents dans les services concernés. Un système à air comprimé, qui propulsait des navettes tubulaires contenant les messages à plus de 400 m par minute. Installé en 1935, utilisé jusqu’en 1998, date de déménagement des collections dans la BnF François-Mitterrand, il constitue un élément de décor décalé au milieu des ordinateurs qui l’ont remplacé.
Ce système de communication était incontournable dans toutes les capitales du monde à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Et pas seulement en bibliothèque ! C’était le mode de transport du courrier public, mis en place dès 1866 à Paris. En 1888, près de 200 km de tubes posés dans les égouts reliaient les bureaux télégraphiques de la capitale. Dans le langage courant, on parlait alors d’envoyer un «pneu». En 1934, le réseau pneumatique parisien atteignit son apogée avec une longueur de 467 km, desservant plus de 130 bureaux et distribuant une dizaine de millions de correspondances par an (chiffre record de 30 millions en 1945).
Si aujourd’hui les SMS ont remplacé les « pneus » pour la communication, de nombreuses enseignes, hypermarchés, banques, hôpitaux, pharmacies, utilisent encore ce système à air comprimé pour s’envoyer de petits colis en interne. Plus besoin de courir d'un étage ou d'un bâtiment à l'autre.
Article publié dans le JTT du jeudi 14 novembre 2019.