En 1961-1962, Jackie Kennedy a entrepris de rénover
l’intérieur de la
Maison Blanche , avec le souci de mettre en valeur l’histoire
de l’Amérique. Elle a fait tapisser le salon de réception des diplomates avec
un papier peint panoramique ancien représentant les ports de New York, Boston,
et leurs activités, ainsi qu’une parade à West-Point et un paysage des chutes
du Niagara. Ce papier peint panoramique, créé en en 1833, a nécessité 1650
planches gravées, dont la fabrication et la pose ont été assurées par la
manufacture alsacienne Zuber, propriétaire du modèle. Intitulé « Scènes
d’Amérique du Nord », il raconte l’histoire et la vie sur la côte Est des Etats-Unis
au 19ème siècle.
Le public français peut lui aussi admirer ce somptueux
ouvrage au Musée du Papier Peint de Rixheim (68). Un musée qui conserve
précieusement la mémoire de cette technique, dont l’âge d’or fut le 19ème
siècle. Il est situé dans les lieux mêmes de la manufacture Zuber ,
qui fabrique du papier peint
depuis 1797, et continue à produire des modèles
historiques. Le panoramique est le nec plus ultra du papier peint : un paysage
à 360 °, décomposé en plusieurs panneaux, qui décore une pièce entière. Très à
la mode après les retours d’expéditions lointaines de Bougainville, Cook ou
Lapérouse, il représentait des destinations exotiques : Brésil, Amérique du
Nord, Egypte, Hindoustan, pays qui venaient d’être explorés et dont la
description faisait rêver. Végétation luxuriante, scènes de la vie sauvage, monuments
ou événements historiques se déployaient ainsi sur les murs des riches demeures.
Le deuxième étage du musée de Rixheim est entièrement consacré à ces splendides
spécimens.
Mais il n’y a pas que le panoramique ! Le papier peint
est de retour sur les murs et dans les catalogues de décoration. Les designers contemporains
ont totalement renouvelé le concept : Frises, décors muraux, photos, trompe-l’œil,
le classique est revisité, l’industriel adouci, le choix déborde d’originalité.
Toutes les grandes maisons ont leurs stylistes, leurs revêtements spéciaux,
leurs thèmes de prédilection, et proposent des produits innovants, aux sources
d’inspiration multiples, de Christian Lacroix à Star Wars, des estampes
japonaises aux motifs Art Nouveau. Le premier étage du musée expose les
dernières tendances.
Quant au rez-de- chaussée, il est consacré à la technique. Le papier
peint a été le témoin de la vie des 18ème et 19ème siècles. Décliné en diverses
qualités : du plus ordinaire, avec une seule couleur pour les gens
modestes, au plus luxueux, nécessitant jusqu’à 80 planches, il est passé d’une
production artisanale (peint à la main) à une production
industrielle, grâce à
l’avènement des machines. La première a permis d’imprimer à la main sur un
rouleau de papier continu, puis la suivante a utilisé des cylindres gravés pour reproduire
le motif, une autre a permis d’appliquer vingt-quatre couleurs successives ... Au
départ, un artiste peignait un motif, un assistant décomposait le motif en
plusieurs calques correspondant à chaque couleur. Des graveurs sculptaient
ensuite des planches de bois suivant les calques, un travail qui pouvait
prendre des mois. Enfin seulement venait la phase d’impression : enduire les
planches de couleur, les tamponner sur le rouleau de papier, en suivant des
repères, avant de les faire sécher.
Le panoramique de la Maison Blanche est
aussi un petit clin d’œil à la culture française de Jackie Kennedy. Espérons
que Mister Trump ne va pas exiger d’en changer !
Article publié dans le JTT du jeudi 16 février 2017.
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