L'histoire du livre se confond avec
celle de l'écriture. Et c'est l'écriture qui fait entrer
l'humanité dans l'Histoire. Georges Fréchet, dans une conférence
organisée par les Amis du Musée et du Patrimoine de Tournon, le 6 mai, a partagé en toute simplicité son érudition avec
un public motivé.
Tout commence donc aux environs de 3300
avant Jésus-Christ. A Sumer, on inscrit ses possessions par des
symboles sur des tablettes d'argile. L'écriture est née. Cunéiforme
en Mésopotamie, hiéroglyphique en Egypte, les signes se
multiplient, se diversifient, permettant ensuite d'échanger des
courriers, de transmettre l'histoire, rédiger les légendes.
Un pas déterminant est franchi lorsque
les Phéniciens inventent, vers 1200 avant J-C, le premier alphabet
de 22 signes, chacun symbolisant un son. Toutes les langues peuvent
ainsi être transcrites. Cet alphabet phénicien copié par les
Grecs, puis les Romains, est à l'origine du nôtre. Surprenant : il
est aussi à l'origine des écritures en araméen, en hébreu et en
arabe. Le sens de lecture change, les lettres aussi, mais la base
reste la même.
Les supports de l'écrit sont
extrêmement variables selon les civilisations et les techniques.
Pierre, cuir, bois, métal, soie, écorce, feuille... Les papyrus
égyptiens, fabriqués à partir de roseaux, étaient couramment
utilisés dans l'Antiquité. Assemblés en rouleaux (volumen = livre
roulé), on les déroulait et enroulait au fur et à mesure de la
lecture. La célèbre Bibliothèque d'Alexandrie en comptait près de
500 000, répertoriant toutes les oeuvres écrites connues. A
PERgame, l'invention du PARchemin, fine épaisseur de peau dont la
solidité permettait une reliure, on a pu élaborer les premiers
livres COusus, appelés COdex.
Alors que l'écriture était dans les
temps anciens réservée aux savants et aux prêtres, les Grecs comme
Platon, Socrate, la méprisaient, lui préférant la parole :
des esclaves étaient chargés de relater leurs discours. Rome, au
contraire, s'enorgueillissait de 28 bibliothèques. Virgile,
Horace... ont ainsi diffusé leurs oeuvres grâce aux nombreux
copistes payés par des mécènes éclairés.
Après l'effondrement de l'empire
romain et les invasions barbares, c'est dans les monastères qu'a été
préservé l'héritage manuscrit. Compilations gréco-romaines et
textes des Pères de l’Église furent recopiés inlassablement par
les moines. Charlemagne, en fondant l'école Palatine, a redonné son
lustre à la littérature latine. Les manuscrits étaient alors
enrichis d'enluminures, reliés de bois ou de cuir incrusté de pierres
précieuses. Partout en Europe, de l'Irlande à l'Espagne, des
artistes rivalisaient de créativité. Les plus beaux exemplaires
conservés en France sont la Bible enluminée de Charles le Chauve,
plus de 1 m de hauteur, et les Très Riches Heures du duc de Berry,
décorées de miniatures splendides.
Au XIIIe siècle sont créées les
universités, et avec elles se développe un réseau de "libraires"
indépendants. Au XIVe siècle le papier fait son apparition en
Italie. Bientôt sonnera l'heure de Gutenberg et de l'imprimerie,
mais c'est l'objet de la prochaine conférence...
Article publié dans le JTT du jeudi 21 mai 2015.