mercredi 29 mai 2013

Chronique littéraire : Le chapeau de Mitterrand, de Antoine Laurain

En cette période d’anniversaires, commémorations, souvenirs… Antoine Laurain nous pose une question saugrenue : Si l’habit fait le moine, le couvre-chef fait-il le chef ? Et nous propose quelques pistes de réflexion, dans un petit conte philosophique burlesque, qui ne se prend pas la tête ! 

Mitterrand a oublié son célèbre feutre noir dans une brasserie parisienne.  Pour Daniel, c’est la chance de sa vie, il s’en empare et… triomphe de son directeur financier. A son tour, il le perd dans le train. Fanny, qui le retrouve, arrive à rompre un amour malheureux. Quand il arrive sur la tête de Pierre, c’est pour le sortir de sa déprime. Et l’échange avec celui de Bernard entraîne celui-ci dans un changement total de repères.
                  
A travers les péripéties du chapeau, l’auteur s’amuse surtout à nous replonger dans l’ambiance des années 1980. Décors, chansons, actualités, c’est plaisant, facile, mais enlevé. Et comme dans tous les contes, il y a une morale : «Je crois aux forces de l'esprit», avait annoncé François Mitterrand au peuple français, auquel il présentait ses derniers vœux présidentiels. Apparemment, Antoine Laurain, écrivain et scénariste parisien, né dans les années 1970, y croit aussi. 
Le chapeau de Mitterrand est son 4e livre. Il est édité en poche chez  J’ai Lu, au prix de 6.50€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 23 mai 2013.

vendredi 24 mai 2013

Epinal n’est pas qu’une image…

C’est aussi une extraordinaire bibliothèque ! Inaugurée en 2009, construite autour de la magnifique salle des Boiseries, la Bibliothèque Multimédia Intercommunale offre une gamme complète de documents et d’activités à la pointe de la technologie, dans un cadre lumineux et spacieux.

Des signes calligraphiques anciens peints sur les vitres du bâtiment moderne (un carré de 50x50 m) témoignent de la volonté du cabinet d’architectes Chabanne d’intégrer le patrimoine historique à la vie actuelle. Dans le vaste hall d’entrée, une baie vitrée pratiquée dans le mur de grès permet d’admirer le fameux trésor : La salle des Boiseries, où le travail d’ébénisterie des rayonnages, du XVII et XVIIIe siècles, est tout aussi remarquable que la richesse des documents, 244 manuscrits, 91 incunables …, confisqués à la Révolution dans les abbayes de Moyenmoutier, Senones et Etival, et dont la bibliothèque d’Epinal assure la conservation. Parmi les documents les plus précieux : l’Evangile selon Saint Marc, et un des manuscrits les plus anciens, le Glossaire anglo-saxon, datant  du VIIIe siècle. La salle des Boiseries est un lieu magique, intemporel, où la télévision tourne régulièrement des émissions littéraires.

Mais la bibliothèque est avant tout un lieu de vie culturelle convivial et multiforme. Au rez-de-chaussée, l’espace d’accueil au  public dessert une salle d’exposition, où les aquarelles de François Place font écho au festival des Imaginales, un salon de lecture de la presse, en libre accès, un auditorium, et un salon Mille-Feuilles qui permet de bavarder avant ou après les conférences, spectacles, films proposés. On peut même s’y arrêter en sortant du multiplexe voisin !

A l’étage, configuration professionnelle : Le secteur adultes propose 60 000 livres et documents, 9 000 DVD, 14 000 CD, avec espaces de consultation, d’écoute et de visionnage. Une salle de formation multimédia, des ateliers d’apprentissage de langues, ateliers d’écriture, des salles de travail équipées d’ordinateurs, bientôt une salle de lecture numérique.
Le secteur jeunesse ne dépare pas, il faut dire qu’à Epinal, le nouveau rythme scolaire est depuis longtemps entré dans les mœurs, les enfants profitent d’après-midi sportives et culturelles. Des rayonnages à leur taille, des salles d’activités, une galerie d’exposition de travaux manuels aussi colorée que les coussins de la salle de contes. Les plus jeunes bénéficient d’un espace et d’un mobilier spécifiques, tout petit, tout doux.

Les bureaux du personnel (47 salariés) encadrent la salle des boiseries, des salles de reprographie, de stockage, de réparation, les magasins, le système d’identification RFID, permettent à ce bel outil de remplir parfaitement sa mission : depuis son inauguration, le nombre de lecteurs actifs a triplé, passant de 2500 à plus de 7500. Et le dimanche, jour d’affluence, on enregistre 200 prêts à l’heure en moyenne. On peut même emprunter un bibliothécaire !

A Epinal, la culture est capitale.

lundi 20 mai 2013

FIMU, l’autre fête de la musique


A Belfort, le Festival International des  Musiques Universitaires est une manifestation incontournable. Chaque année, pendant les trois jours du week-end de Pentecôte, ce rassemblement de musiciens de tous styles, venus du monde entier, offre à la population un florilège de concerts gratuits dans la vieille ville rendue aux piétons. 2500 musiciens, 15 scènes, 250 concerts de musique du monde, classique, contemporaine, jazz, rock, hip hop ou chanson française… Pour honorer cette fête musicale cosmopolite, une foule joyeuse, tous âges confondus, déferle sur la ville, dont les terrasses se multiplient comme par enchantement.

Sous la houlette des services de la Ville de Belfort, et d’une importante équipe de 300 bénévoles managée par les étudiants, la logistique est impeccable. Quand ils ne jouent pas, les musiciens, en principe accueillis dans des familles, déambulent, improvisent, attirés comme chacun par les mélodies qui surgissent à chaque coin de rue. Ignorant les inévitables marginaux en état d’ébriété, familles et amoureux, enfants et personnes âgées, bandes de copains ou solitaires, venus de Franche-Comté, de Suisse ou d'Allemagne, se promènent allègrement d’un site à l’autre.

Bien sûr, la pluie s’invite à un moment ou un autre, alors, on se serre sous les parapluies, à l’abri des chapiteaux dressés un peu partout, on fait la queue pour se réfugier dans les lieux culturels habituels, théâtre, salle des fêtes, hôtel de ville, centre chorégraphique, conservatoire, cathédrale… qui offrent les spectacles les plus prisés : ceux qu’on peut écouter assis et au chaud. Quand le soleil est de retour, on danse dans les rues.


Chaque édition met en valeur un instrument particulier. Pour cette 27ème édition, les percussions, éléments basiques, multiformes, présents dans toutes les cultures, sont à l'honneur.  Baguettes, marteaux, cymbales, maracas, tambours et vibraphones résonnent partout. Et comme on célèbre aussi les 30 ans d’échanges avec le Burkina Faso, de nombreux groupes d’Afrique sont là . L’occasion de découvrir des métissages étonnants, comme les chansons françaises revisitées par Erwann Bouvier, avec les instruments traditionnels, kora et balafon. Belles rencontres artistiques.

lundi 13 mai 2013

Chronique littéraire : Un Jardin dans les Appalaches, de Barbara Kingsolver

Êtes-vous locavore ? Vous nourrissez-vous exclusivement avec la production locale ? En Drôme-Ardèche, c'est assez facile. Mais ailleurs ? Une émission de télé réalité s'est récemment emparée du concept, en suivant les efforts de six familles de la région toulousaine, pour y parvenir. Pas si simple !

Barbara Kingsolver nous raconte son expérience, menée dans le Kentucky. Elle décide de prendre un congé sabbatique d'un an, pour s'occuper de sa ferme et nourrir sa famille avec sa production. Projet encouragé par son mari Steven, prof de biologie, et leurs deux filles, Camille, dix-sept ans, et Lily, neuf ans. Ce ne sont pas des débutants, ils ont toujours jardiné, mais cette fois, c'est en grand. Pas d'intégrisme : quand il n'y a plus assez de nourriture à la maison, on achète ou on échange au marché local avec d'autres producteurs. Où Lily, responsable du poulailler, gagne son argent de poche en vendant des œufs frais.

Le récit suit le calendrier des récoltes, il commence lorsque le premier légume sort de terre : les asperges. Et se termine en mars suivant, lorsque les réserves sont vides. Détails des travaux, semis, entretien, récoltes. Mises en bocaux, conservation. Chaque chapitre est agrémenté par les recettes originales de Camille, cuisinière inventive. Steven ajoute des commentaires scientifiques et légaux, indique les organismes à contacter, pour obtenir aides et conseils.

Ce manuel d'agriculture détaillé est à la portée de tous, qu'on s'occupe de plants de tomates sur un balcon ou d'un grand potager. Il milite pour le goût, contre le coût, d'une nourriture industrielle, conditionnée, lointaine et fade, bourrée de produits chimiques. Objectif : préserver sa santé, mais aussi l'agriculture, la variété des paysages, le patrimoine gastronomique, et éviter les dépenses inutiles, pour soi, comme pour la planète.
Bien sûr, il faut du temps, un climat propice, et une grande détermination. Barbara cultive des variétés anciennes, échange ses graines, son savoir-faire. Sa passion pour la nourriture va de pair avec gastronomie et convivialité. Le temps passé en famille au jardin, en cuisine, les repas de fêtes mijotés pour les amis, sont des moments forts de partage, de transmission. Un beau challenge.

Barbara Kingsolver est une écrivaine et militante américaine, née en 1955.
Un jardin dans les Appalaches est disponible en poche chez Rivages au prix de 10,50€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 9 mai 2013.

mardi 7 mai 2013

Go West !

Je reviens d'un magnifique voyage dans l'Ouest des États-Unis. Nature somptueuse, omniprésente, immuable. Souvenir des romans, des westerns, des musiques de ma jeunesse. Le mot infini semble avoir été inventé pour caractériser les grands espaces, dont les parcs nationaux sont les fleurons. Grand Canyon, Monument Valley, Vallée de la Mort, des centaines de kilomètres de beauté minérale, ocre, rose, grise. Le lac Powell, dont les eaux turquoise reflètent les falaises feuilletées de grès et calcaire, m'a éblouie par sa beauté magique, irréelle.

 Là-bas, tout est géant, les séquoias mesurent une centaine de mètres de haut, il faut être quinze pour en faire le tour, les lignes droites s'étirent sur 40 km, les trains de marchandise ont plus d'une centaine de wagons. Pays de tous les superlatifs, de toutes les différences, entre douceur des plages californiennes, austérité des déserts, et rudesse des montagnes. En 4800 km de trajet, j'ai connu des écarts de températures de 15° à 45°, des altitudes de -50 m à 3000 m, la terre desséchée du grand Lac salé sur 600 km, parsemée de yuccas, et la plus grande vallée fertile, tout aussi longue, regorgeant d' orangers, oliviers, amandiers, pêchers, vignes, grenadiers ...

Comme Tocqueville, je n'ai pu m'empêcher d'étudier le lien entre cette nature extrême et ses habitants. Géographie grandiose, histoire jeune, société libérale rude, sans protections. Mais une population entreprenante et optimiste. Bien sûr, il y a des SDF, des fermetures d'usines, des dettes non remboursées. Mais ce qui prévaut, c'est une attitude positive, un espoir dans le futur, et l'envie de communiquer avec autrui. J'avais à peine le temps de déplier mon plan en ville, que quelqu'un s'approchait pour me proposer ses services !

Lits king size, camions monstrueux, camping-cars XXL, hamburgers trois étages, verres de 50 cl minimum ! Tout est surdimensionné. Mais mes préjugés ont été balayés. 
La France, souvent inconnue là-bas, où le voisin, c'est l'Asie, m'a parue terriblement petite, et engluée dans des mesquineries égocentriques. A San Francisco, on marie les gays depuis trente ans, la retraite est alignée sur la route... 66, les milliardaires financent des fondations humanitaires, et en mai, il n'y a pas de jours de congé. Et de même que les maisons victoriennes aux tons pastel côtoient harmonieusement les buildings, les communautés hispaniques, asiatiques, indiennes, noires et blanches cohabitent sans arrogance.
Le Golden Gate invite le grand vent du Pacifique dans la baie. You welcome !

lundi 6 mai 2013

Chronique littéraire : L'éternel retour, de Sylvain Tesson

Ce recueil de cinq nouvelles percutantes est une excellente façon de découvrir l’œuvre de Sylvain Tesson. Né en 1972, aventurier et explorateur français, il a traversé les parties les plus hostiles et désertes du globe à pied, à cheval, ou à bicyclette, avant de transcrire ses aventures dans des récits palpitants.

Qu'il s'agisse de la Géorgie profonde, du Dorset rural, d'un phare breton en pleine tempête, d'un lagon du pacifique ou d'un lac perdu dans la steppe russe, en quelques mots, dans un style vif et imagé, Sylvain Tesson plante le décor. Il nous immerge dans un monde inconnu, exotique, aux personnages en prise avec un destin capricieux. Les intrigues sont originales et bien menées. Les émotions et désirs des hommes restent les mêmes sous toutes les latitudes, mais ici, ils doivent compter avec le principal élément, une nature omniprésente, qui facilite ou non leurs projets, avec une force imprévisible ou immuable, quasi divine. Gare à ceux qui voudraient la braver !
L'art de la chute est parfaitement maitrisé par l'auteur. Ne vous étonnez pas de recevoir ainsi des gifles toniques, qui invitent à une médiation sur les rapports de l'homme, la nature, et l'évolution du monde.

Les nouvelles de l'Eternel retour sont extraites du recueil Une vie à coucher dehors, Prix Goncourt de la Nouvelle 2009. Les deux titres sont publiés en Folio poche aux prix respectifs de 2€ et 6€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 25 avril 2013.