mercredi 28 août 2019

Le Musée de Besançon, fleuron artistique de Franche-Comté

Le musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon est l'un des plus anciens musées publics de France. Il a été créé en 1694, soit près d’un siècle avant le musée du Louvre. Après quatre années de rénovation, ses collections, scénographiées par l’architecte Adelfo Scaranello sont à nouveau visibles. Une visite artistique et architecturale s’impose, au cœur de la vieille ville de Besançon, à l’ombre de la citadelle de Vauban classée au patrimoine de l’Unesco.

Peintures de la Renaissance au XXème siècle, sculptures médiévales, important cabinet de dessins et estampes, fonds archéologique, racontent toute l’histoire de l’art européen. Un parcours permanent chronologique permet d’apprécier les oeuvres majeures du musée : taureau d’Avrigney, momie de Séramon, mosaïque de Neptune, toiles de Cranach, Titien, puis l’emblématique Déploration sur le Christ mort de Bronzino. Enfin, l’imposant Hallali du cerf de Courbet, l’enfant du pays, et la fierté du musée. Les salles du XVIIIème et du XIXème sont spectaculaires, exposant sur plusieurs niveaux Hubert Robert, Boucher, Goya, Ingres, Géricault. Enfin les impressionnistes, de Bonnard, Signac à Charles Lapicque, précèdent les salles d’exposition temporaire. 
Le musée de Besançon a été constitué à partir de collections privées. En 1694, l’abbé Boisot, lègue à la ville sa collection, issue de celle de la puissante famille de Granvelle (ministres de Charles-Quint), à condition qu’elle soit montrée au public deux fois par semaine. Par suite, le musée s’enrichit d’autres donations, celle de Pierre-Adrien Pâris, architecte de Louis XVI, en 1819. Puis celle du peintre Jean Gigoux en 1894, et la collection d’art moderne des époux Besson en 1963.
Cette dernière acquisition fut l’occasion pour Louis Miquel, collaborateur de Le Corbusier, d’agrandir la Halle aux Blés édifiée par Pierre Marnotte en 1843, qui faisait office de musée. Dans cette architecture classique, Louis Miquel a dressé des murs et une rampe hélicoïdale en béton, en 1970. L’architecte Adelfo Scaranello à son tour est intervenu en 2014 pour épurer et agrandir les espaces, multipliant les sources de lumière naturelle grâce à l’ouverture de fenêtres et verrières. Les nouveaux locaux ont été inaugurés par Emmanuel Macron le 16 novembre dernier.
Le musée est désormais connu dans le monde entier, grâce au « Compagnon de visite », un accompagnement virtuel, conçu par la société bisontine Livdeo, qui vient d’obtenir une récompense mondiale au MuseWeb de Boston.

Article publié dans le JTT du jeudi 15 août..

jeudi 22 août 2019

Chronique littéraire : L'Archipel du Chien, de Philippe Claudel


L’Archipel du Chien est un ensemble fictif d’îlots volcaniques quasi déserts, situés en Méditerranée. Dans ces terres inhospitalières et fermées sur elles-mêmes, Philippe Claudel imagine une histoire dramatique sur fonds de migrants, propre à réveiller les consciences, à travers cinq personnages emblématiques.
L’histoire : Un jour, trois cadavres de jeunes Noirs sont retrouvés sur la plage. Le Maire et le Docteur, inquiets de voir leurs projets d’installation de thermes remise en question en cas de révélation, décident d’escamoter les corps, le Curé y consent, seul l’Instituteur, un « étranger » du continent s’y oppose. Le forfait accompli, il essaie de comprendre d’où ces migrants sont arrivés, par quels courants, malgré la réprobation des autres. Une réprobation qui évolue en manipulation, puis en menace. L’arrivée d’un Commissaire, chargé d’une mystérieuse affaire, va exacerber les problèmes de conscience jusqu’à l’exécution d’un plan diabolique, soutenu par une société archaïque et angoissée.
Philippe Claudel, écrivain et scénariste né en Lorraine en 1962, nous entraîne dans une fable oppressante sur la condition humaine. Entre le polar sociologique et la tragédie grecque, sa parabole sur la lâcheté ne peut que remuer nos consciences.

« L’Archipel du Chien » est maintenant disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 1 août.

vendredi 16 août 2019

L'empire Burrus et la Forêt de Saoû

L’auberge des Dauphins, dans la forêt de Saoû, fut un restaurant gastronomique luxueux très fréquenté jusqu’en 1939. Le caprice d’un homme d’affaires richissime, Maurice Burrus, qui, séduit par la région, avait acheté la forêt en 1924, avec l'idée d'en faire un domaine de chasse. Il s’est finalement consacré à la sylviculture, plantant des espèces rares, et faisant construire une route goudronnée sur 27 km pour l’ouvrir aux visiteurs. En 1928, il a fait édifier en pleine forêt un pavillon magnifique sur le modèle du Petit Trianon : l'Auberge des Dauphins, un établissement très vite réputé. Laissée à l'abandon à la fin de la guerre, l'Auberge a été rachetée par le Département de la Drôme qui a entrepris sa restauration afin d'en faire un lieu d'accueil touristique et culturel, pour les milliers de visiteurs de la forêt de Saoû. Ouverture prévue dans quelques mois.
Mais quelle relation entre la famille Burrus, alsacienne d’origine, et la Drôme ? 


Entre 1820 et 1996, la famille Burrus a créé un immense empire industriel autour du tabac, depuis l’Alsace : Dambach, Sainte-Croix, jusqu’à la Suisse : Boncourt. Produisant puis achetant des tabacs dans le monde entier, mettant au point et commercialisant les premières cigarettes « russes ». Leur fortune, une des premières de Suisse, leur a permis non seulement de fortifier leur position dans la filière du tabac, mais d'édifier des châteaux, d'acheter des forêts, des immeubles, de s'intégrer au monde politique. Entreprise paternaliste mais aussi mécène, la famille Burrus a subventionné l'archéologie, en particulier à Vaison-la Romaine, ville fondée par un noble romain homonyme, le préfet et précepteur de Néron, Sextus Afranius Burrus.
Un des plus fervents amateurs d’art de la famille, Maurice Burrus (1882-1959), a repris les recherches généalogiques de son cousin Armand, qui avait essayé de prouver sa filiation avec le général romain. Son enquête traversait les époques, les pays, depuis Sextus Afranius, préfet du prétoire de César, ami de Sénèque, installé à Vaison, jusqu'à l'arrivée à Dambach en Alsace d'un Antonius Borri, descendant des Borri, nobles milanais (patronyme dérivé de Burrus), à la fin de la guerre de Cent Ans. Antonius fut le premier à cultiver des vignes et du tabac en Alsace. Après les guerres napoléoniennes, un de ses descendants, Martin Burrus, s'est expatrié en Suisse où la législation du tabac était plus libérale. Il a renvoyé ensuite ses fils édifier une succursale en Alsace, après l'annexion de celle-ci par l'Allemagne en 1871. Succursale florissante qui sera nationalisée quand la France récupérera l'Alsace. L'histoire industrielle et familiale des Burrus est ainsi liée aux mouvements politiques de cette zone frontière. Mais leur fortune est déjà mondiale et indestructible.

Maurice Burrus, député d’Alsace, a donc financé les fouilles archéologiques et la restauration du théâtre antique de Vaison-la-Romaine, où il s’est installé. C’est de là qu’il partait visiter sa forêt de Saoû. Le maire de Vaison a utilisé habilement la générosité du mécène pour faire renaître sa ville. Le 19 juin 1932, une grande fête fut donnée dans le théâtre antique de Vaison en l’honneur de Maurice Burrus, qui fut proclamé citoyen d'honneur de la ville. Le député alsacien a donc rejoint, deux millénaires plus tard, le précepteur de Néron dans la légende dorée des Burrus. Pour lui, un rêve de gloire réalisé, et pour la Drôme et le Vaucluse, un superbe patrimoine à faire fructifier.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 août.

dimanche 11 août 2019

Hommage à Leonardo da Vinci

Léonard n’a vécu que les trois dernières années de sa vie en France, les meilleures peut-être, de 1516 à 1519. Car François Ier, qui l’avait rencontré lors de ses campagnes en Italie, a immédiatement reconnu le génie universel de Léonard. Il l’a invité à le rejoindre en Touraine, mettant un domaine, le Clos-Lucé, à sa disposition. Ainsi que le titre de premier peintre, ingénieur et architecte du roi, et la pension correspondante. Léonard a enfin pu se sentir libre de créer à sa guise. Il a inventé des machines extravagantes pour le divertissement du roi, mettant en scène des fêtes somptueuses. Elaboré les plans du château de Chambord, peaufiné la Joconde et bien d’autres dessins. Si bien que le Louvre est maintenant le grand héritier de l’œuvre de Léonard.

La vie de Léonard a été semée de difficultés. Né en 1452 à Vinci, en Italie, Leonardo était le fils bâtard d’un notable. Choyé par ses grands-parents, il n’a cependant pas pu accéder à l’école en raison de son illégitimité, et n’a appris le latin et le grec nécessaires à sa profession d’artiste qu’à l’âge de 40 ans, en autodidacte. Il a cependant vécu une enfance heureuse, dans une maison isolée de la campagne toscane, proche de la nature, des animaux. A 17 ans, son père l’a placé comme apprenti chez le grand maître Verrocchio à Florence, où toutes les disciplines artistiques étaient enseignées : peinture, sculpture, architecture, mais aussi menuiserie, métallurgie, chimie. Les apprentis commençaient par préparer les produits, dorer, encadrer, puis se confrontaient à l’ingénierie : il fallait inventer les machines pour transporter, installer les œuvres. Reconnu très vite pour son immense talent de peintre, Léonard créa ensuite son propre atelier en 1478. 
Avant de solliciter les faveurs des mécènes, séduits par ses qualités d’ingénieur : Ludovic Sforza à Milan (1482-1499), amateur de machines de guerre et automates de théâtre, puis d’autres commanditaires, de 1499 à 1516, à Venise, Mantoue, Rome, Bologne, Florence… Leonardo met au point des machines destinées à améliorer le travail des artisans, ainsi que des machines volantes, flottantes, roulantes, des plans pour modifier l’hydrologie d’une région, assécher, déplacer les fleuves ou les collines. Des dessins d’anatomie d’une précision époustouflante. A Léonard, rien d’impossible. Seuls 6000 dessins issus de ses carnets (codex) ont été retrouvés, mais il en reste bien d’autres éparpillés à travers le monde. Son écriture spéculaire (en miroir) n’a pas facilité la tâche de ses lecteurs !
François Ier, vainqueur à Marignan en 1515, l’a convaincu de le suivre en France, et Léonard, malgré son âge, a entrepris le long voyage en 1516 : 32 jours à dos de mulet, de Rome à Amboise en passant par Florence, Milan, Turin, le col du Mont-Cenis, Modane, Lyon, Bourges…  C’est en Touraine qu’il a trouvé reconnaissance et repos.

En France comme en Italie, cette année, on célèbre le cinq-centième anniversaire de la mort de Léonard, avec une imagination qui fait honneur au maître. Ainsi, en plus des expositions classiques dans les musées, le public peut se réjouir devant l’escalier monumental de Blois recouvert d’une Joconde ou prendre le train Paris-Milan entièrement décoré de dessins de Léonard.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 août.